Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Dans son 29e album, Jérôme K. Jérôme Bloche enquête sur la disparition d’un doudou !
Par quel stratège Alain Dodier réussit-il, au bout de plus de 40 ans, à nous séduire encore et toujours à chacune des aventures de son Jérôme K. Jérôme Bloche, lesquelles sont situées dans un environnement contemporain et familier ? Car c’est, en effet, une fois de plus le cas avec ce nouvel épisode où le détective distrait à la dégaine de Monsieur Hulot est privé de son inséparable Solex pour cause de panne… En fait, efficacité, simplicité, subtilité et virtuosité sont systématiquement au rendez-vous : une alchimie inégalable que l’on retrouve autant dans le scénario que dans le graphisme ! C’est ce que démontre aussi le magnifique Une vie en dessins qui est consacré à cet artiste autant discret que talentueux : ses originaux commentés étant ici fort bien mis en valeur…
Employée d’une société de nettoyage, Rachida fait le ménage deux fois par semaine dans la grande et étrange demeure d’une antipathique professeure de piano à domicile : ancienne concertiste de réputation mondiale, dont la carrière a été brutalement interrompue à la suite d’un accident de voiture.
Aujourd’hui, la technicienne de surface a été contrainte d’amener avec elle sa petite fille de sept ans, dont l’institutrice est absente. En jouant dans la cour, cette dernière fait tomber son doudou dans le soupirail de la cave où elle prétend avoir vu un « monsieur à l’air tout triste » : ce que dément fermement la propriétaire, tout en affirmant qu’elle n’a pas retrouvé trace du réconfortant chiffon fétiche.
La petite ne se remettant pas de cette perte, le frère de Rachida, très en colère, est parti en mobylette chez la pianiste pour récupérer le doudou « d’une façon ou d’une autre »… mais, depuis, il a disparu, sans donner de nouvelles. Comme Rachida est une ancienne protégée de l’association d’aide à l’enfance de Burhan, notre privé en imperméable est sollicité par son ami épicier — qui le réveille en pleine nuit — pour dénouer cette curieuse histoire de disparition…
En cours de publication dans le journal Spirou depuis le n° 4511 du 25 septembre, cette déroutante enquête « à perpétuité », que Jérôme a vraiment du mal à prendre au sérieux, est encore remarquablement composée et maîtrisée : apportant son lot de surprises, jusqu’à la magistrale conclusion !
Si cet opus bénéficie d’une version spéciale limitée à 999 exemplaires, avec une couverture alternative en jaquette et un frontispice numéroté et signé par l’auteur, les éditions Dupuis, en collaboration avec la galerie Champaka, ont aussi consacré l’un des volumes de leur belle collection Une vie en dessins à Alain Dodier et à son Jérôme K. Jérôme Bloche !
Non seulement cette distinction est évidemment méritée, mais l’ouvrage propose près de 200 planches ou dessins originaux parfaitement reproduits, avec le plus grand soin…
D’autant plus, qu’outre une solide introduction instructive de Romain Brethes sur la carrière d’Alain Dodier (1), notre dessinateur au trait évoluant entre celui de Maurice Tillieux et celui d’Alex Toth commente avec précision chacune des pièces présentées.
On constate, ainsi, que chacune des enquêtes de cet éternel adulescent est un petit bijou d’horlogerie et, qu’elles non plus, elles n’ont pas pris une ride !
Bref, ce regard inédit sur le travail d’Alain Dodier est un pur bonheur pour les yeux et l’esprit !
Gilles RATIERÂ
(1)  Pour en savoir plus sur Alain Dodier, voir sur BDzoom.com : Alain Dodier, Alain Dodier, dessinateur qui se revendique classique : de « Pijannot » à « Jérôme K. Jérôme Bloche »…, « Jérôme K. Jérôme Bloche » : et de 27 !, « Jérôme K. Jérôme Bloche T26 : Le Couteau dans l’arbre » par Alain Dodier, « Jérôme K. Jérôme Bloche T25 : Aïna » par Alain Dodier, « Jérôme K. Jérôme Bloche T24 : L’Ermite » par Alain Dodier, Déni de fuite, Gully T1, Jérôme K. Jérôme Bloche en intégrale, Un chien dans un jeu de quilles, Un petit coin de paradis, La Marionnette…
« Jérôme K. Jérôme Bloche T29 : Perpétuité » par Alain Dodier
Éditions Dupuis (13,50 €) — EAN : 9 791 0347 6877 6
Parution 18 octobre 2024
« Dodier – Jérôme K. Jérôme Bloche : une vie en dessins »
Éditions Dupuis/Champaka (69 €) — EAN : 9 782 3904 1042 3
Parution 18 octobre 2024
Je regrette un peu l’effacement de Pierre Makyo, à l’origine du ton typique de la série… »Ã€ la vie, à la mort « ,il y a tout juste 40 ans,marquait plus clairement ce subtil équilibre du burlesque, de trouvailles sublimes dans le tragique possible du récit .
n est embarqué, happé d’emblée !
Mais Dodier à su nourrir, renouveler et cultiver finement ce « goût « ,ce qui m’apparaît toujours un petit miracle
Et surtout, on ressent chez lui un tel bonheur de la mise en scène,une passion méticuleuse à élaborer une histoire !..
Dès lors,concevoir seul du début à la fin un nouveau Jérôme k j Bloche,est une évidence…cette nouvelle aventure l’affirme remarquablement
Entre Maurice Tillieux et Alex Toth, oui, d’accord, mais il y a aussi beaucoup de Tibet, dans le style et le découpage. Serait-ce moins chic de citer Tibet?
Absolument pas cher Patydoc, cette expression n’était là que pour souligner deux extrêmes : dont Tibet est le juste milieu !