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Encore une bio graphique réussie pour Catel et Bocquet : celle d’Anita Conti, océanographe et pionnière de l’écologie…

16/09/2024
Par Gilles Ratier

Les célèbres bio-graphies (avec un tiret, comme les écrivent leurs auteurs pour mieux revendiquer leur dimension romanesque et graphique) concoctées par l’illustratrice Catel et son compagnon scénariste José-Louis Bocquet sont désormais réunies au sein de la collection Les Clandestines de l’Histoire des éditions Casterman : que ce soient les évocations de Kiki de Montparnasse, d’Olympe de Gouges, de Joséphine Baker ou d’Alice Guy. (1) Un nouvel opus — de quasiment 300 pages de BD, complétées par un conséquent dossier didactique —, consacré à une vie de passion et de combat d’une autre dame exceptionnelle, vient de sortir. Il rend hommage à une figure fascinante de l’exploration marine : la trop méconnue Anita Conti. Mission accomplie, cet ouvrage sur une femme singulière, libre et engagée, est, une fois de plus, captivant !

Depuis qu’elle a été plongée dans la mer par son médecin accoucheur de père, au large de Lorient, Anita Conti (née Caracotchian à Ermont, dans le Val-d’Oise, en 1899) n’a plus jamais quitté l’univers aquatique. Ce premier contact avec l’eau, où celle qui sera surnommée plus tard La Dame de la mer apprend à nager avant de savoir marcher, préfigure une existence totalement dédiée à la découverte et à la protection des mers. Cette océanographe, photographe, cinéaste, journaliste et essayiste a sillonné le monde entier, passant toute sa vie d’un navire à un autre et d’une mer à une autre : un parcours impressionnant !

Son combat pour la préservation des océans s’est poursuivi tout au long de sa carrière… Dès les années 1930, elle alerte les autorités sur les dangers de la pollution marine et de la surpêche : ce qui fait d’elle une pionnière de l’écologie dans le domaine maritime. Son établissement des premières cartes de pêche a permis de rationaliser les pratiques hauturières et a même contribué à alimenter les populations pendant la Seconde Guerre mondiale. Installée ensuite à Paris, elle épouse le diplomate Marcel Conti et se tourne, avec talent, vers la reliure d’art. L’appel de la mer étant le plus fort, elle rembarque très vite sur des harenguiers ou des voiliers-morutiers, rendant compte de ses expéditions dans divers articles où à travers de nombreuses photos témoignant du travail quotidien de l’équipage.

Libre et indépendante, elle cherchera continuellement des solutions pour restaurer et préserver les écosystèmes marins, partageant ses découvertes et ses préoccupations avec des sommités comme le commandant Cousteau. Ayant consacré plus de temps à explorer les mers qu’à vivre sur la terre ferme, cette infatigable voyageuse, passionnée par les mystères de l’océan, mourra quasi centenaire et oubliée du grand public : à l’âge de 98 ans, en 1997.

Anita Conti vue par Catel...

Mêlant biographie personnelle et enjeux environnementaux dans cette nouvelle Clandestine de l’Histoire, Catel et Bocquet proposent, une fois de plus, un riche et émouvant portrait d’une femme engagée ayant marqué le XX^e siècle.

Comme pour les autres figures présentes dans la collection, le couple a réalisé un colossal travail de documentation, ayant consulté nombre d’archives pour multiplier anecdotes et citations, aussi intimes que publiques. Par ailleurs, le scénario est comme toujours fort bien découpé : la qualité de la narration prenant continuellement le dessus sur la fonction préalable d’historien !

En effet, même si José-Louis Bocquet (2) reste fidèle à la véracité des faits, il est au service d’une histoire et non de l’Histoire !

Quant au dessin semi-caricatural de Catel (3) — qui ne l’empêche pas de réaliser quelques pages plus réalistes très réussies, dans le style des gravures anciennes —, il est toujours aussi alerte et joyeux, privilégiant également la lisibilité ! Bref, nos deux complices ont fait de cette vie inspirante un véritable et palpitant récit d’aventures !

Notons qu’une exposition consacrée à Anita Conti (avec de superbes originaux de Catel) se tient jusqu’au 5 janvier 2025 au musée Les Pêcheries, à Fécamp, pour nous faire partager le quotidien des marins et livrer un témoignage unique de l’existence à bord des chalutiers.