On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...Le Petit Chaperon rouge, des nains, un cochon maçon, un ogrours… et tout le talent d’Émile Bravo pour le retour des aventures des sept ours nains…
Il n’est pas besoin de rappeler, sur BDzoom.com, l’immense talent d’Émile Bravo. Après un premier hommage, remarqué et remarquable, aux aventures de Spirou et Fantasio avec « Le Journal d’un ingénu », il a consacré neuf ans de sa vie pour écrire et dessiner les quatre volumes de « Spirou ou l’espoir malgré tout », toujours dans l’univers oppressant de la Seconde Guerre mondiale. Pour se détendre, il a décidé de se replonger dans l’univers naïf et jubilatoire des aventures de ses sept ours nains. Après douze ans d’absence, ils reviennent dans « Les 7 Ours nains contre le gros méchant loup » : un conte joyeux et jubilatoire.
Les sept ours nains, toujours ensemble, ont décidé de retrouver leur milieu naturel : la forêt. Ils quittent donc l’univers du spectacle, dans les cirques ou les rues, pour se diriger en file indienne vers la clairière où ils habitaient auparavant. Ils décident, collectivement, de leurs objectifs à court terme : reconstruire leur maison et retourner travailler à la mine. Tout revient dans la norme quand ils croisent le Petit Chaperon rouge pleurant, désespérée, car le loup a mangé sa grand-mère. Les ours sont dubitatifs, car ils connaissent le loup et ils ne pensent pas qu’il : « mange les gens comme ça… » Finalement, ils désignent l’un d’entre eux pour raccompagner la jeune fille chez sa mère qui fait de bonnes galettes, pendant que le reste de la troupe va chez le cochon constructeur chercher des briques.
Une aventure inattendue commence pour l’ours nain qui accompagne le Petit Chaperon rouge. Tout d’abord, pour la première fois, il s’interroge sur l’existence de ses parents, à la suite d’une question naïve de la petite fille. Encore perplexe, il est pris pour le fils disparu d’un couple d’ours, chez qui ils trouvent refuge. La maman se méfie du Petit Chaperon rouge qu’elle prend pour la chapardeuse Boucle d’or, tandis que le papa, violent, s’abime dans l’hydromel. En pleine nuit, le gros ours pénètre dans leur chambre pour les manger, car c’est un ogre-ours : le terrible ogrours ! L’ours nain et la petite fille s’enfuient poursuivis par l’ogrours chaussé de ses bottes de sept lieux…
Pendant ce temps, les six autres ours nains retrouvent la clairière où ils ont toujours habité, avec une maison déjà construite. Ce n’est pas le cochon qui a devancé leurs désirs, mais sept nains bien grognons qui refusent de la leur céder, ainsi que la mine qu’ils ont trouvée abandonnée. Après une belle bagarre, les ours abandonnent le lieu à des nains trop vigoureux pour eux. Ils se rendent dans la solide demeure du cochon constructeur pour lui demander du matériel. Sans argent, ils se font éconduire, quand surviennent leur frère et le Petit Chaperon rouge poursuivi par l’ogrours !
Les ours nains ont déjà 20 ans, mais ils n’ont pris aucune ride ; ils sont toujours les mêmes : candides et enthousiastes, comme pour leur première aventure. C’est en effet en 2004 qu’Émile Bravo leur donne naissance dans « Boucle d’or et les sept ours nains », suivent en 2005 « La Faim des sept ours nains » puis en 2009 « La Belle aux ours nains » et en 2012 « Mais qui veut la peau des ours nains ? ». Notons que les éditions Seuil jeunesse ont la bonne idée de publier une compilations de ces albums dans « Les Contes palpitants des 7 ours nains ».
Les 12 ans d’attente depuis leur dernière aventure s’expliquent par l’implication de l’auteur dans la réalisation des quatre volumes de « L’Espoir malgré tout » : le récit émouvant de Spirou et Fantasio pendant l’occupation nazie de la Belgique. Après des années de travail sur cette période oppressante, Émile Bravo a ressenti le besoin de retrouver ses ours pour se détendre en passant de bons moments avec eux.
L’occasion de reprendre une recette éprouvée et toujours jouissive : derrière l’histoire que Bravo raconte, lisible au premier degré, se cachent en effet des références à d’autres contes, habilement distillées. L’enfant qui ne les connaît pas ne sera pas gêné ; celui qui les connaît trouvera le récit encore meilleur, d’autant que, graphiquement, tous ces personnages sont très réussis et attachants. Pour cette raison, c’est une bande dessinée à ne pas réserver qu’aux enfants ! Bravo réussit, là, un exercice de style pas si facile à réaliser en aussi peu de cases.
Dans ce bel album au format à l’italienne, plusieurs contes qui se déroulent dans une forêt sont ainsi revisités avec un humour malicieux : des bottes de sept lieux de l’ogre du Petit Poucet au Petit Chaperon rouge et sa mère-grand mangé par le loup ou de Boucle d’or aux nains de Blanche-neige. L’auteur s’amuse des confusions ainsi créées, de quiproquos burlesques en interrogations pertinentes sur les oublis des contes : les parents des personnages ou leurs prénoms. Les sept ours nains sombrent, ainsi, dans un abîme de perplexité quand ils se rendent compte qu’ils n’ont pas de prénom ou qu’il ne se connaissent ni père ni mère.
Avec des dialogues caustiques et des séquences brillamment menées, Émile Bravo offre un retour remarquable à ces sept ursidés, en s’amusant et modernisant des contes ; de quoi s’interroger pour les lecteurs adultes sur notre monde contemporain marqué par la violence et la guerre ce qui, hélas, contrairement à la bande dessinée ne se terminera pas un gag burlesque.
À noter, pour les amoureux de l’œuvre d’Émile Bravo, que la série « Les 7 Ours nains » sera mise à l’honneur dans l’exposition « La BD règle ses contes », au quartier jeunesse du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2025. Vous pourrez, auparavant, rencontrer l’auteur à Nérac, les 5 et 6 octobre. Émile Bravo est en effet l’invité d’honneur des Rencontres Chaland pour leur 17e édition.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les 7 Ours nains contre le gros méchant loup » par Émile Bravo
Éditions Seuil jeunesse (13,90 €) – EAN : 979-10-235-2026-2
Parution 30 août 2024