BDZoom > Actualités > L’enchanteur Munuera…

L’enchanteur Munuera…

02/09/2024
Par Gilles Ratier

Tout le monde a entendu parler de Peter Pan : ce garçon qui ne voulait pas grandir, immortalisé par le dessin animé de Walt Disney (avec Wendy, la fée Clochette, les enfants perdus et le capitaine Crochet). Toutefois, rares sont ceux qui connaissent la fiction « The Little White Bird » (« Le Petit Oiseau blanc ») de l’écrivain écossais James Matthew Barrie, où apparaît pour la première fois, le temps de cinq chapitres de cet ouvrage datant de 1902, ce personnage alors bien différent du Peter Pan en vedette de la pièce éponyme jouée deux ans plus tard et dans le roman « Peter et Wendy » de 1911. Ce sont ces extraits — édités séparément en 1906, dans le livre « Peter Pan in Kensington Gardens » (« Peter Pan dans les jardins de Kensington »), illustré par l’artiste-peintre Arthur Rackham — dont le talentueux dessinateur espagnol José-Luis Munuera s’est inspiré pour cette étonnante adaptation libre…

Insaisissable comme l’esprit de l’enfance, le mythe de Peter Pan est immortel… et le livre d’origine, suite de saynètes sans vraiment de fil conducteur, dresse cependant les prémices de ce pays imaginaire qui nous a fait tant rêver…. Nous sommes à Londres, dans les jardins de Kensington : un lieu où règnent les enfants pendant la journée et qui devient le royaume des fées la nuit tombée. Mais ce soir-là, la quiétude du crépuscule est perturbée par les sanglots de Maimie Mannering…

Dans sa version, certes libre, mais aussi fantastique — voire effrayante — et humoristique (avec la présence du corbeau bavard Salomon, qui accompagne Peter) que celle de base, Munuera s’attarde surtout sur cette fillette de six ans, déjà présente dans les écrits de Barrie, laquelle croise la route de menaçantes fées : ces dernières proposant de grignoter les petits doigts de l’impudente troublant le silence nocturne.

Heureusement, elles sont chassées par un garçon nommé Peter, capable de voler et qui parle, à la malheureuse enfant, d’une île où les gosses ne grandissent jamais. Cet aventurier chasseur de pirates, plein de certitudes, pourrait ramener la petite fille chez elle en volant, mais il préfère qu’elle reste pour qu’elle s’amuse avec lui… : il a besoin d’amis, de rompre une solitude qui le mine, et de ne pas vivre seulement au milieu de créatures féériques et d’arbres qui philosophent, dans les jardins de Kensington.

Après avoir adapté avec talent « Bartleby, le scribe » d’Herman Melville et « Un chant de Noël » de Charles Dickens (1), où il s’était également détaché quelque peu du texte originel, l’excellent illustrateur de la recommandée série « Les Cœurs de ferraille » (2) — dont le tome 3, toujours aussi passionnant, est sorti il y a peu — continue, ici, de développer des thèmes universels qui le motivent : notamment celui de la mort, laquelle est omniprésente dans cet univers onirique. En effet, cette histoire imaginaire, comme tous les contes traditionnels, s’adresse autant aux adultes qu’aux enfants : un véritable album de bandes dessinées pour tous les publics, magnifié par un graphisme subtil et délicat, enrichi par une palette étonnante de couleurs bleues due à Sedyas, son coloriste habituel.