Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Sous ce titre accrocheur, les auteurs proposent un état des lieux circonstancié, documenté des réalités de la vie en banlieue, loin, très loin des clichés, des a priori ou des procès d’intention politisés : un album réalisé d’après l’essai éponyme du politologue Thomas Guénolé, publié en 2015.
Les banlieues sont des territoires accusés de tous les maux de la société. À travers elles, les jeunes qui y vivent seraient tous des voyous, des dealers ou les des complices d’une délinquance généralisée ! Mais la réalité est tout autre : loin des discours politiques à charge, la grande majorité des habitants, jeunes ou pas, vit certes souvent avec des difficultés, mais sans jamais tomber pour autant dans les incivilités dont on l’affuble et dont les conversations de bistrot, racistes, médisantes et complaisantes, se font l’écho.
C’est d’ailleurs le thème d’un des chapitres : l’insécurité, dénoncée par les habitués du petit verre au bistrot. Le poids des préjugés est mis en scène également lors d’un entretien d’embauche, pour l’achat d’un appartement ou lors d’un rendez-vous à la banque. À chaque fois, l’âge et l’origine, sont des points d’achoppement. C’est encore à cause de cela que les contrôles policiers les systématisent : délit de faciès à l’échelle nationale ! La discrimination est à l’œuvre, avec ses œillères et ses violences.
L’album, construit d’heure en heure, sur le modèle d’une journée, les allées et venues des habitants, leur quotidien, et leurs galères aussi, face aux a priori et aux accusations infondées de leurs détracteurs. Les 15 chapitres ainsi identifiés sont suivis de pages documentaires qui font le point, chiffres et images à l’appui, déconstruisant savamment les mensonges souvent entretenus par certaines chaines de télévision ou certains films. C’est incroyablement complet et décapant.
Usant d’un graphisme très vivant, Jonas Ritter réalise là des planches particulièrement dynamiques, caricaturant volontiers et vigoureusement les personnages : notamment ceux qui sont détestables ! Alors, si vous souhaitez réviser votre vision de la banlieue et de ses jeunes, voilà l’ouvrage idéal !
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« Les Jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ? » par Jonas Ritter et Thomas Guénolé (Gwenn)
Éditions Petit à Petit (19,90 €) – EAN : 9782380461985
Parution 21 août 2024