Quand les femmes se rebiffent…

Les combats des femmes ont toujours été malmenés dans l’histoire officielle, encore plus quand les révoltes vinrent de femmes immigrées, auxquelles on n’accordait encore moins droit à la parole et à la contestation qu’aux autres. C’est pourquoi le défi de ces « belles de mai » marseillaises, pendant l’hiver 1886-1887, est exemplaire…

Cela se passe dans une manufacture de tabac, où nombreuses sont les Italiennes ayant passé la frontière pour trouver du travail et une vie meilleure. Mais le sort des ouvrières sous la férule de contremaitres tout-puissants et malveillants n’est guère enviable. Elles le savent et elle se taisent. Vient un jour, pourtant, où cela ne peut pas durer…

Le problème, comme toujours, c’est l’inertie de celles qui n’osent pas, de celles qui ont peur… Heureusement, la force de caractère de quelques-unes peut suffire à faire bouger des montagnes, des montagnes d’exploitation capitaliste et des montagnes d’exploitation masculine, aussi ; mais, au final, c’est la même chose. Alors, certaines se mettent à dénoncer, puis à se réunir, puis à contester, enfin à faire grève, même si « on ne sait pas faire » ! Les cigarettières qui, finalement, réalisent des produits pour les hommes, ont un moyen de pression pour les pénaliser : ne plus les produire.

Dans un graphisme noir et blanc un peu rustique par moments, les autrices proposent un récit qui met parfaitement en valeur le combat de ces femmes au franc-parler (les dialogues, très vivants, sont truffés d’idiotismes pittoresques) qui les mène à se solidariser pour s’émanciper et à monter un syndicat. Alors, les griefs remontent, les revendications s’organisent et Marseille devient une « fabrique de révolutions » : comme l’indique le sous-titre de ce récit fort bien documenté. La victoire les attend.…

En découvrant ce titre, on ne peut s’empêcher de le rapprocher de « De sel et de sang » publié en 2022 par Les Arènes, signé Fred Paronuzzi et Vincent Djinda.  L’action se situait également dans le Midi, dans les marais salants d’Aigues-Mortes, dans les années 1890. Là encore, le travail était pénible et, là encore, pour satisfaire la demande de main d’œuvre, on faisait venir des saisonniers italiens. En août 1893, une rixe éclate, les affrontements virent au drame jusqu’au massacre qui cause la mort de dix personnes et fait une centaine de blessés. Là aussi, les auteurs reconstituaient l’engrenage infernal du racisme qui oppose d’un côté, les « trimards », de l’autre, les « macaroni »

Didier QUELLA-GUYOT

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« La Belle de mai » par Élodie Durand et Mathilde Ramadier

Éditions Futuropolis (22 €) – EAN : 9782754834391

Parution 21 août 2024

 

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