Hommage à André Juillard : bulles d’Histoire…

Rompant sa traditionnelle trêve estivale, la rédaction de BDzoom.com a la douleur d’annoncer le décès d’André Juillard, monument du 9e art, disparu des suites d’une longue maladie en Bretagne ce mercredi 31 juillet, à l’âge de 76 ans. Dessinateur devenu un pilier de la bande dessinée historique francophone des années 1980-1990 avec « Masquerouge », « Les 7 Vies de l’Épervier » et « Plume aux vents » (scénarios de Patrick Cothias), il avait notamment été consacré à Angoulême en 1996, à la suite de la réalisation, en tant qu’auteur complet, du « Cahier bleu » en 1995 chez Casterman. C’est avec une profonde tristesse, bien particulière pour le rédacteur de ces lignes, que nous vous invitons à revenir sur son œuvre. Une carrière exemplaire toute empreinte d’une ligne claire et d’un académisme réaliste, s’étendant sur un demi-siècle.…

Ciel d'enfance (vue de la cathédrale de Chartres, 1992).

Né à Paris le 9 juin 1948, d’un père vétérinaire et d’une mère professeure d’anglais, au sein d’une famille d’origine auvergnate, André ne tarde pas à se trouver deux grandes passions : la lecture et le dessin. Il dévore ainsi les histoires de Babar, différents petits formats westerniens (dont Buck John) et les incontournables périodiques Spirou et Tintin. Dans ce dernier, il se passionne plus particulièrement pour les aventures de « Corentin » (par Paul Cuvelier et Jacques Van Melkebeke), du « Chevalier blanc » (par Fred et Liliane Funcken, sur scénario de Raymond Macherot), ainsi que pour celles d’ « Alix » (par Jacques Martin). Par ailleurs, André découvre avec émerveillement les débuts du « Secret de l’Espadon », devenant dès lors un inconditionnel de « Blake et Mortimer ». Son imaginaire, nourri par les aventures historiques et la collection Contes et Légendes (Nathan), issue de la bibliothèque de sa grand-mère paternelle – directrice d’école dans le 17e arrondissement – alimente ses désirs d’études artistiques. Au lycée à Clermont-Ferrand, il rencontre Anne, qui deviendra le grand amour de sa vie.

Couverture pour « Contes et légendes du Moyen Âge » (Nathan, 1995).

Renonçant à suivre son père en devenant médecin de campagne ou vétérinaire, André – revenu à Paris à la fin des années 1960 – fait une rencontre décisive avec le professeur de dessin René Leidner (1921-2005), qui lui donne quotidiennement toutes les bases de son futur métier. Reçu aux Arts Décoratifs en 1969, épousant Anne en 1971, André Juillard découvre en parallèle les planches très fantasy de Philippe Druillet (« Les 6 Voyages de Lone Sloane », « Le Cycle d’Elric »…), dont le caractère baroque le fascine, et les divers périodiques et fanzines du moment (dont Phénix, alors édité par Dargaud entre 1973 et 1977), qui révolutionnent la bande dessinée. André en profite pour suivre les cours donnés par Druillet à Vincennes (Paris-VIII), où il rencontre Jean-Claude Mézières et Jean Giraud, ainsi que Régis Loisel, Serge Le Tendre, Dominique Hé, Christian Rossi… et un certain Patrick Cothias. Juillard soumet ses premiers travaux aux regards critiques : sept pages en noir et blanc, adaptant à la sauce fantasy un épisode des « Chevaliers de la Table ronde ». Le travail est jugé prometteur, mais nécessitant encore des efforts…

Paris (sérigraphie pour la galerie Escale, 1990).

Rencontrant Jijé, qui lui prodigue à son tour moult conseils, André apprend et progresse. En 1974, se tournant vers les maisons d’édition catholiques Bayard Presse et Fleurus, il réussit à faire publier un premier dessin dans Formule 1, périodique dirigé par Claude Verrien et Jacques Josselin. Avec Verrien, il réalise à partir de janvier 1975 le western « La Longue Piste de Loup Gris » ; puis, à partir d’avril 1976, la série historique « Bohémond de Saint Gilles », qui conte les aventures d’un chevalier limousin du XIIsiècle (scénario repris par Pierre Marin en 1977). Pour le physique du héros, il s’inspire graphiquement du Prince Valiant d’Harold Foster, dont les qualités narratives et visuelles s’imprimeront durablement dans l’œuvre de Juillard.

Le premier essai graphique d'André en 1973, demeuré sans suite.

Couvertures pour Formule 1 (n° 53 du 30 décembre 1975 et n° 16 du 21 avril 1976).

Entre 1976 et 1980, travaillant vite, commençant à multiplier les travaux d’illustrations, les récits courts et les collaborations de plus longue haleine (« Les Cathares » avec Didier Convard en 1978), André réalise – avec Jacques Jousselin au scénario et Didier Convard alternativement au crayonné ou à l’encrage – les 12 épisodes des « Missions d’Isabelle Fantouri » ; une première héroïne, médecin au service de l’Organisation mondiale de la santé, qui en préfigure d’autres, non moins fières et décidées… Mais, lassé de la monotonie des éditions Fleurus, peu partisanes d’une politique favorable aux auteurs en matière de publication d’albums, Juillard change d’employeur pour rejoindre l’équipe de Pif-Gadget, alors animé par son rédacteur en chef Claude Gendrot. En compagnie de Patrick Cothias, il lance bientôt « Les Aventures de Masquerouge » (n° 587 du 23 juin 1980) : la quinzaine de récits courts narrant les exploits d’un (ou d’une…) redresseur de torts masqué, au temps de Louis XIII, passionnent toute une génération, mais pas encore tout à fait les critiques (Jean-Pierre Dionnet et Henri Filippini – qui lui ouvre les pages de Circus en 1982 – exceptés), lesquels mésestiment la production adressée à la jeunesse ! Il faudra donc attendre 1982 et les débuts des « 7 Vies de l’Épervier » (Glénat, 1983-1991), série de cape et d’épée, préquelle à « Masquerouge » racontant les destins croisés d’une famille de la petite noblesse auvergnate et des membres de la famille royale à la fin du règne d’Henri IV, pour qu’éclate la pleine reconnaissance des talents de Juillard : élégance, réalisme, dynamisme, sans compter le scénario et les dialogues. Tout contribue à faire de cette saga romanesque l’une des bandes dessinées historiques les plus réussies du 9e art. Une rupture artistique également, du reste consommée en parallèle par Juillard, qui s’aventure dans les pas de Jacques Martin avec « Arno », dès 1983 : trois volumes dans une ambiance napoléonienne (1983-1987), avant qu’André ne s’en retourne au XVIIe siècle avec la baronne Ariane de Troïl, dont l’odyssée aventureuse se poursuit au Nouveau Monde dans « Plume aux vents » (quatre tomes chez Dargaud entre 1995 et 2002).

Couverture pour « Les Missions d'Isabelle Fantouri T3 : Un train a disparu » (Hachette, 1983).

Couverture pour le premier volume de « Masquerouge » (éd. Glénat, 1984).

Planche inaugurale de « Masquerouge » (Pif-Gadget n° 587 du 23 juin 1980).

Planche 2 pour « Les 7 Vies de l'Epervier T7 : La Marque du Condor » (Glénat, 1991).

Visuel pour l'intégrale « Arno » (Glénat, 1999).

Illustrant Faulkner, Frain ou Daeninckx, ainsi que de remarquables histoires de la Bretagne et du Portugal (1983-1984), contribuant à Je bouquine, tout en développant une œuvre plus personnelle avec le très remarqué « Cahier bleu », Juillard imprime sa marque : son influence étant alors énorme pour toute une nouvelle génération d’auteurs de bandes dessinées – historiques, notamment – publiés par Glénat (citons Jean-Charles Kraehn et Erik Arnoux). En 1996, il est plébiscité pour devenir le Grand Prix de la ville d’Angoulême. En 1999, il forme avec Yves Sente la deuxième équipe (après Jean Van Hamme et Ted Benoit) de reprise de « Blake et Mortimer » : sept titres paraissent en 2000, 2003, 2004, 2008, 2012, 2014 et 2016, de « La Machination Voronov » au Testament de William S. ». Un nouveau titre, annoncé pour l’automne 2024, avait été récemment dévoilé par Dargaud : « Signé Olrik », album se déroulant dans les Cornouailles et lançant les héros à la recherche des trésors légendaires du roi Arthur.

Couverture pour « Le Cahier bleu » (Casterman, 1994).

Affiche pour le FIBD 1997.

Illustration clin d'œil à « La Marque jaune », accompagnant le lancement de la prépublication de « La Machination Voronov » en 1999 dans le Figaro magazine.

Loin de s’arrêter au XVIIe siècle ou aux années 1950, Juillard explore d’autres périodes ou d’autres conflits avec « Le Long Voyage de Léna » (trois albums scénarisés par Pierre Christin entre 2006 et 2020), « Mezek » (2011 ; scénario de Yann pour cet album centré sur des pilotes mercenaires, dans le ciel d’Israël en 1948) et « Double 7 » en 2018 (scénario de Yann ; action située durant la guerre d’Espagne en 1936). Il accompagne, avec ses visuels de couvertures, la saga ésotérique « Le Triangle secret » (2000-2003), ainsi que ses diverses séries dérivées. En 2014 et 2021, il accepte de poursuivre les « 7 Vies de l’Épervier » avec « Quinze ans après », titre clin d’œil à Alexandre Dumas, puis « … Qu’est-ce que ce monde ? » : albums dans lesquels la baronne Ariane de Troïl, toujours aussi fine lame, cherche à retrouver ses enfants.

Couverture pour le premier volume du « Triangle secret » (Glénat, 2000).

Ex-libris pour la librairie Brüsel, accompagnant la parution de « Mezek » (2011).

Particulièrement prolifique (voir les trois magnifiques « Pêle-Mêle » concoctés par le passionné Jean-Marie Korber entre 1999 et 2015, ou encore « Entracte », la biographie en images publiée par Daniel Maghen en 2006), André Juillard laisse le pénétrant souvenir d’un homme humble, artiste d’une lisibilité esthétique exemplaire, dont le sens de la composition et de la narration a su échapper à la froideur inhérente à un académisme trop respectueux. Inspiré par Foster, Jacobs et Cuvelier, autant que par les peintres Cranach, Ingres, David ou Miró, Juillard avait su composer sa propre ligne claire, pour le plus grand bonheur des bibliophiles et galeristes. L’auteur de ses lignes, non sans émotion, se permettra de saluer la mémoire d’un artiste virtuose, qui lui avait fait l’honneur de contribuer à la monographie « André Juillard : dessins d’histoires », publiée en 2018 par les éditions angoumoisines du Troisième Homme. Nous renvoyons tous nos lecteurs qui voudraient en savoir plus à cet ouvrage, ainsi qu’à divers autres entretiens ou beaux-livres : « Esquisse d’une œuvre » (Frédéric Niffle ; Glénat, 1991), « Juillard, une monographie » (Jean-François et Nadine Douvry, Gilles Ratier, Michel Jans et Pierre-Yves Lador, Mosquito 1996), « Les Cahiers de la BD : Les 7 Vies de l’Épervier » (Glénat, 2004), « 36 vues de la Tour Eiffel » (Christian Desbois, 2002 ; réédition par Locus Solus en 2022)… Évoquons, enfin, l’actuelle exposition, organisée du 11 juillet au 22 septembre (ouverture tous les jours de 14 h 30 à 18 h 30) dans la chapelle des Paulines à Tréguier (Côtes-d’Armor) : l’occasion de revoir 73 œuvres récapitulant tout l’œuvre du maître, et de lui rendre ainsi un ultime hommage… Merci André.

Louise et le plaisir de lire (illustration pour la galerie Barbier & Mathon, 2016).

Dessin pour la monographie « André Juillard : dessins d’histoires » (Ph. Tomblaine et Troisième Homme éd., 2018).

Une composition méconnue, pour les régates de Port-Blanc (2020), village breton rattaché à la commune de Penvénan, où l'auteur s'était installé.

Philippe TOMBLAINE

Galerie

19 réponses à Hommage à André Juillard : bulles d’Histoire…

  1. DOUVRY Jean-François dit :

    Fait chier la camarde !
    André est un auteur classique d’une rare élégance, mais ce qui me revient en mémoire en ce triste moment c’est un aspect moins connu de sa personnalité et de sa trajectoire au royaume des petits Mickey : sa grande connaissance et son puissant amour du genre lui-même, qui viennent de très loin. Je me souviens avoir échangé avec lui à ce sujet en évoquant ses trouvailles dans les années 70 quand il recherchait, comme nous étions nombreux à le faire, tel ou tel album ancien des maîtres de notre enfance. Il en parlait encore avec passion.
    Je garde le souvenir chez lui rue Dunois à Paris d’une magnifique planche originale de Macherot qui soulignait bien son attrait pour les auteurs classiques, qu’il a rejoint à son tour.
    Bien sûr il nous reste aujourd’hui le plaisir de rouvrir un de ses nombreux opus, mais quel crève-coeur que ce départ !

    • Philippe Tomblaine dit :

      Merci de ce message plein de sensibilité. André appréciait effectivement les choses anciennes et les grands classiques, collectionnant même les planches de certaines « madeleines » : dont Macherot et Segar. La bande dessinée a perdu, comme le disait Jean-Claude Mézières, « l’un des plus beaux graphistes de la bande dessinée contemporaine ».

  2. Aramis dit :

    Tiens, je vais relire les 7 vies de l’épervier.

  3. Capitaine Kérosène dit :

    « L’auteur de ses lignes, non sans émotion, se permettra de saluer la mémoire d’un artiste virtuose, qui lui avait fait l’honneur de contribuer à la monographie « André Juillard : dessins d’histoires », publiée en 2018 par les éditions angoumoisines du Troisième Homme. Nous renvoyons tous nos lecteurs qui voudraient en savoir plus à cet ouvrage ».

    Décidément, vous ne perdez jamais une occasion de faire votre auto-promotion.

    • Philippe Tomblaine dit :

      Il se trouve que cet ouvrage, auquel André a largement contribué, fut aussi le dernier réalisé sur son œuvre immense : ne devais-je pas le mentionner, aux côtés des autres titres évoqués dans ce texte hommage ? Parmi les centaines de messages ou de « likes » qui m’ont été adressés hier, vous êtes le seul et unique que cela semble avoir froissé…

  4. Julien dit :

    Souvenirs d’images mémorables,de s cases demeurées en tête certainement parce qu’elles savaient épouser une sensibilité qui gagnait la notre.
    Je ressens un étrange sentiment de paix ;une sérénité émue.
    De son premier dessin publié il y a 50 ans, à la consécration médiatique et publique enfin réunies 10 années plus tard.
    La grâce, un sublime « après la pluie « l’incarne profondément.
    Je vais le relire, il m’attend déjà.

  5. Pascal dit :

    André Juillard était un immense dessinateur, un des meilleurs de la BD franco-belge, d’une élégance de trait rarement égalée, un de nos meilleurs dessinateurs de la ligne claire. Je l’ai découvert dans le magazine « Circus « avec les 7 vies de l’épervier qui pour moi restera à jamais un chef-d’œuvre absolu. Et n’oubliions pas car on en parle peu, c’était un formidable coloriste (pour les albums dont il a assuré la mise en couleurs) avec des couleurs d’une luminosité incroyable tout en étant très fort dans les noirs.
    Quant à Monsieur « capitaine Kérosène », comment pouvez-vous faire le reproche à Philippe Tombaine de signaler la monographie qu’il lui a consacré ? Qu’est-ce que vous croyez ? Qu’il a fait ça pour de l’argent ? Laissez-moi rire, quand on sait le nombre d’exemplaires vendus de ce type de livres ! C’est uniquement par passion et puis s’il ne signalait pas son bouquin (pour ceux qui ne l’auraient pas lu et qui aimeraient le lire) qui le ferait à sa place ?
    Monsieur « capitaine Kérosène, pour reprendre la célèbre phrase d’Audiard, « si les cons volaient, vous seriez sans conteste chef d’escadrille ».

    Toutes mes condoléances à la familles d’André Juillard et encore merci André pour tout ce que vous m’avez apporté depuis 50 ans.

    PS : Merci aussi à Mr. Filippini d’avoir à l’époque découvert et mis en lumière tous ces dessinateurs, Juillard, Bourgeon, Convard, Vicomte…et tant d’autres.

  6. PATYDOC dit :

    C’est court, une vie … Beaucoup de tristesse et de nostalgie à l’évocation de ce compagnon familier qu’on suit depuis l’enfance .. !

  7. Henri Khanan dit :

    Auteur à l’oeuvre magnifique, surtout dans le domaine historique. Il a su magnifier les scénarios de Cothias!!

  8. Lagarde dit :

    André Juillard était un homme exquis, d’une culture et d’une modestie immense, il laisse une œuvre monumentale, et a su apporter beaucoup de bonheur à ses lecteurs et aux amoureux de son trait si délicat. Quel dommage qu’il n’ait pas donné suite à sa carrière d’auteur complet . Ses illustrations de Faulkner, son portfolio magistral sur Bukowski, dans les années 80, ses récits courts dans ( À Suivre ) laissaient entrevoir d’autres œuvres remarquables. Nous serons nombreux à entretenir sa mémoire.

  9. Erik A. dit :

    C’est gentil de me citer, Philippe, mais si effectivement à mes débuts chez Glénat je me suis énormément inspiré d’André et de son trait, je crois que pour mon ami Jean Charles, les premières sources graphiques sont davantage celles de Gir et ensuite de son ami Patrice Pellerin;

    Je me permets cet hommage personnel cet auteur majeur qui vient de s’en aller.

    Je l’ai rencontré pour la première fois en 1977, à Vitry-sur-Seine, dans l’ex-salon de coiffure du 14 de la rue Charles-Infroit devenu agence de pub et éditeur d’un tout nouveau mensuel de moto en BD, « Plein Pot », où j’ai débuté cette année-là au sein de « Twin Cam » boîte créée peu de temps auparavant par quatre copains passionnés de bécanes !

    Il était passé un après-midi à la rédaction avec son copain Didier Convard chercher les premiers exemplaires brochés de leur « Isabelle Fantouri » une série à quatre mains que venait d’éditer précisément « Twin Cam » qu’on venait de recevoir; et j’étais déjà impressionné par son trait, ses dessins, son encrage. On s’est salués poliment, mais on n’a pas échangé ce jour-là pendant que lui et son ami Didier récupéraient leurs albums et examinaient le tirage.

    Moi j’avais à peine 20 ans et lui la trentaine. Pas la même génération. Ma timidité d’alors – en partie due à mes lunettes de myope défigurantes – a fait le reste.

    C’est ce jour là que j’ai compris que j’aurais encore bien des choses à apprendre et qu’avant de pouvoir à mon tour réaliser des albums, il allait falloir apprendre l’humilité et sacrément progresser pour espérer lui arriver ne serait-ce qu’à la cheville.

    Je l’ai ensuite recroisé chez Glénat des années plus tard alors qu’il était devenu un des auteurs majeurs de l’éditeur grenoblois, avec ses best-sellers reconnus que sont les « sept vies » et « Arno »… Et dans son sillage, toute une génération d’auteurs s’est alors engouffrée dans ses pas et a imité son travail, clonant plus ou moins bien son style graphique pour se créer le leur. J’en fus.

    En 88 ou 89, petite tournée de dédicaces en librairie en sa compagnie: deux auteurs ayant un titre sortant au même moment, envoyés par Glénat quelques jours en signature dans le Sud: Nîmes, Montpellier et je ne sais plus où…

    Et on s’est retrouvés gare de Lyon un matin pour ne plus se quitter trois jours durant, hôtel, petit déjeuner, repas, signatures et dîner !

    J’ai le souvenir d’un homme souriant mais peu causant, déstabilisant parfois. C’est vrai que c’était déjà un monument du métier et que mon admiration envahissante et bavarde, ma curiosité de fan devaient le souler, sans doute un peu too much pour un homme plutôt discret..

    André, ton petit sourire en coin énigmatique permanent, ton immense talent et ta modestie restent dans ma mémoire.

    C’était un Grand !

    • Philippe Tomblaine dit :

      Merci Erik pour ces précisions (j’aurai pu citer Gibrat notamment, qui a avoué avoir été motivé par les albums d’André), et surtout pour ce témoignage très personnel. « Talent » et « modestie » sont les deux termes revenus les plus fréquemment dans les divers hommages effectués ces derniers jours. Ils résument à leurs manières qui fut Juillard.

      • Pierre dit :

        Talent et modestie, c’est exactement ça. Je me souviens de lui avoir écrit quelquefois, il a toujours répondu modestement à mes questions de façon détaillée. J’ai eu l’occasion de le rencontrer de nombreuses fois lors de séances de dédicace (la dernière fois en 2018), et j’ai toujours été frappé par sa modestie, sa disponibilité et le profond respect qu’il avait pour ses lecteurs. Nous sommes toujours touchés par la disparition d’artistes que nous aimons, mais pour André JUILLARD ma tristesse va bien au-delà..

  10. Jean pierre dit :

    ….Buck Jones ou Buck Johns…

    • Philippe Tomblaine dit :

      Exact ! Buck John (par Impéria), périodique inspiré par l’acteur de westerns Buck Jones (1891-1942). Merci de votre vigilance.

  11. sauvage dit :

    Juste un mot pour saluer Mr Juillard qui m’ a accompagné jusqu’à aujourd’hui mon enfance et que je relirai avec gourmandises comme d’habitudes. Je l’ai découvert dans pif gadget avec Masquerouge comme beaucoup d’autres. Bien des années plus tard ma mère d’un certain âge déjà m’a offert le cahier bleu. Puis à mon père (lui aussi âgé et n’aimant pas la bd sauf les albums de tintin de sa jeunesse) j’ai fait découvrir Masquerouge. Il m’avait dit : ça c’est de la bd! Preuve que cet auteur savait contenter toute les générations de 7 à 77 ans. Seul les grands y arrivent. Merci monsieur Julliard pour tout ces moments où vous avez accompagné tant de lecteurs dans leurs intimités et dans vos mondes. J’ai le cœur serré mais déjà l’envie de vous relire et vous rejoindre le temps d’un album. Salut l’artiste.

  12. Fatien xavier. dit :

    André Juillard était un excellent dessinateur.Son trait s accordait parfaitement aux recits historiques qu il illustrait..En tant que piètre dessinateur amateur. il fait parti de ceux que j admirais le plus et qui m influence.Merci André pour ton apport au 9 e art;tu seras toujours avec nous tes fidèles lecteurs et admirateurs.Bon vent!

  13. Patrick BOUSTER dit :

    Nous avons conscience de perdre un immense dessinateur, au style très personnel qui se reconnaît au premier coup d’oeil, et en même temps un artiste adaptable, à la carrière variée mais très cohérente. Je ne peux que renvoyer les admirateurs et tous lecteurs intéressés par sa carrière, à l’excellent livre « Dessins d’histoires » de Tomblaine. Ce livre copieux, dense mais fourmillant d’images parfois assez rares, fait un point complet et presque final sur cet auteur. J’y ai découvert, mieux que dans les Pêle-mêle de Korber, exhaustifs jusqu’à l’étourdissement, les nombreux dessins et planches inédits en album, de Djin (beaucoup), Formule 1, Pif etc. C’est décidé, je les compile et confectionne une reliure personnelle. Parions que même de 150 pages, les volumes seront nombreux !
    Après un dernier Blake & Mortimer, probablement achevé au 1er trimestre 2024, espérons qu’il ait eu le temps d’entamer, ou miraculeusement, quasiment terminer un projet personnel…

  14. Liber dit :

    J’ai découvert André Juillard au début des années 80, dans Pif gadget. Masquerouge m’a aussitôt transporté avec passion dans ce 17ème siècle aux nombreux rebondissements .
    Mais mon véritable choc fût la lecture d’Arno dans le dyptique « L’oeil de Kéops » et « Le puits Nubien ». Un plaisir de lecture rarement inégalé. Juillard magnifie l’excellent scénario de Martin. On tombe amoureux de cette jolie égyptienne à la fin si tragique, on est avec Arno dans son combat contre l’ignoble Month, on sent la pisse de Month nous couler dessus dans ce puits Nubien, les paysages anglais de cette fin du 18ème sont magnifiques.Et les couleurs! Ce bleu Egyptien!
    Un véritable chef d’œuvre!
    J’ai toujours aimé le dessin d’André Juillard, et je l’avoue, je ne pense pas avoir lu un mauvais album de cet auteur majeur de la bande dessinée.

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