Luc Mazel : Spirou pleure l’un de ses piliers…

C’est dans la nuit du 20 juin que Luc Mazel s’en est allé, à l’âge de 92 ans, rejoindre ses compagnons disparus de l’hebdomadaire Spirou . Homme discret et modeste, bien qu’ayant une réputation de caractère bien trempé, il a rarement été présent aux sommaires des revues spécialisées, ayant pourtant réalisé la plus grande partie de sa carrière dans les pages de Spirou . Animant de son trait rond et chaleureux des personnages dont le souvenir est à jamais gravé dans la mémoire de ses lecteurs : Câline et Calebasse, Boulouloum et Guiliguili… C’est avec tristesse que nous vous invitons à revenir sur son œuvre riche et réjouissante.

Autoportrait de Mazel.

Le néerlandophone Luc Maezelle, plus connu sous la signature Mazel, est né le 27 juin 1931 à Herenthals dans les Flandres belges.

Il étudie à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles avec l’ambition de devenir architecte : métier qu’il pratique pendant cinq années, tout en rêvant de rejoindre les dessinateurs de Spirou qu’il admire.

C’est grâce à la nièce de Sirius (« Les Timour »), alors secrétaire du patron de la World Press, Georges Troisfontaines, qu’il réalise une « Plus Belle Histoire de l’Oncle Paul » écrite par Octave Joly et destinée à Spirou.

Ce récit au trait réaliste, dessiné en 1960, est publié dans le n° 1335 de l’hebdomadaire du 14 novembre 1963 sous le titre « Un exploit surhumain ».

« Un exploit surhumain », Spirou n° 1335 (14/11/1963).

Entre-temps, il démarre une carrière dans les pages de Tintin, adoptant définitivement un trait humoristique. Son premier récit complet (« Hippolyte homme des cavernes ») est proposé en juillet 1960, dans le n° 25 belge ou n° 615 français. Une trentaine d’autres suivront jusqu’au n° 1029 de 1968 (un gag publié uniquement dans la version française) et seront écrits par Vicq, Claire Godet, Jacques Acar ou par lui-même.

« Cromagnon et le stentor Halasse », Tintin 646 (09/03/1961).

Son premier récit à suivre (« L’Affaire Tarentule ») commence dans le n° 648 en mars 1961 : une enquête policière menée par Périn, un jeune avocat qui ne survivra pas au-delà.

« L’Affaire Tarentule », Tintin n° 655 (11/05/1961).

Deux séries de récits complets aux héros récurrents sont ensuite proposées : le duo Bôjolet et Riesling apparu en 1963 dans le n° 30 belge (et dans le n° 804 français en 1964) dont les protagonistes sont deux gais lurons aussi ingénieux que maladroits, pratiquant divers métiers. Ils vivent le temps d’une vingtaine de récits complets proposés jusqu’au n° 52 de 1965 en Belgique et au n° 902 de 1966 en France.

« Bôjolet », Tintin n° 848 (21/01/1963).

Ils vivent le temps d’une vingtaine de récits complets proposés jusqu’au n° 52 de 1965 en Belgique et au n° 902 de 1966 en France.

 Dès le n° 4 belge de 1966 (n° 907 français) apparaît Fleurdelys : un personnage imaginé par Vicq (Raymond Antoine) dont les aventures se poursuivent jusqu’au n° 51 belge de décembre 1968 (un gag inédit en France).
C’est la première incursion du dessinateur au temps des mousquetaires : un thème qu’il privilégiera dans son œuvre.

« Fleurdelys », Tintin n° 938 (13/10/1966).

Après avoir travaillé pour le studio Belvision en 1962 et 1963, il quitte Tintin en 1968 pour Spirou. Il a également signé quelques histoires courtes dans Pilote entre 1964 et 1968, dont la courte série « O.K. 27-43 » avec Michel Vasseur (André-Paul Duchâteau).

« O.K. 27-43 », scénario de Michel Vasseur (André-Paul Duchâteau), Pilote n° 232 (02/04/1964).

Intégrant le studio Greg, il travaille sur la série « Les As » publiée dans l’hebdomadaire Vaillant devenu Pif-Gadget. C’est dans ce journal qu’il crée brièvement, en 1975, sous le pseudonyme Mavericq, un western animalier : « Chacal Bill », dont les scénarios sont écrits par Alpha.

« Chacal Bill », Pif-Gadget n° 397 (octobre 1976).

          Sa signature réapparaît donc surtout dans le n° 1608 de l’hebdomadaire des éditions Dupuis avec « Le Diamant noir » : un récit complet écrit par Raoul Cauvin.

Cette première aventure au temps des mousquetaires est un avant-goût du duo Câline et Calebasse , dont la première aventure à suivre est publiée dans le n° 1617 du 13 mars 1969.

Le fougueux mousquetaire et son encombrante monture poursuivent leurs aventures plus ou moins régulièrement, jusqu’en 1992, sous le titre « Les Mousquetaires », avec ou sans Cauvin.

« Câline et Calebasse », Spirou n° 1873 (07/03/1974).

Toujours pour Spirou, le duo Mazel/Cauvin crée « Boulouloum et Guiliguili » en 1975, dans le n° 1965 : les aventures tragicomiques au cœur d’une jungle fantaisiste où les embûches ne manquent pas d’un minuscule Tarzan flanqué d’un énorme gorille. La série se poursuit jusqu’en 1987, sous le titre « Les Jungles perdues ».

« Boulouloum et Guiliguili », Spirou n° 1965 (11/12/1975).

De 1981 à 1983, Luc Mazel abandonne Cauvin le temps de dessiner « Jessie Jane », avec Gérald Frydman au scénario. Cette candide blonde, la tireuse la plus douée de sa génération, évolue dans l’Ouest sauvage le temps de seulement deux aventures.

« Jessie Jane », Spirou n° 2351 (05/05/1983).

Il retrouve Raoul Cauvin en 1993 avec la création des « Paparazzi » sous forme de gags ou de courtes histoires. Les déboires de ces deux photographes de presse aussi inventifs que malchanceux se poursuivent jusqu’en 2004, le temps de réaliser dix albums édités par Dupuis.

« Les Paparazzi », Spiroun n° 3445 (27/04/2004).

Comme ses confrères Édouard Aidans, Pierre Seron ou Dany, Mazel tente sa chance dans le créneau des histoires gentiment érotiques pour adultes

« Mazel : la passion du dessin », seul biographie de Hazel, parue chez BéDébu, en 2003.

avec l’album « La Première Femme de Barbe-Bleue », édité en 1997 par P & T Productions, lequel ne connaîtra pas de suite.

Luc Mazel se retire sur un dernier gag des « Paparazzi », consacrant sa retraite à la peinture.

Une exposition de ses originaux est proposée par la galerie Daniel Maghen à Paris en 2014.

Son dessin dynamique, ainsi que ses personnages joyeux et sympathiques, n’ont pas fini d’alimenter la nostalgie des lecteurs des années 1960/2000.

La rédaction de BDzoom.com adresse ses plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Henri FILIPPINI

Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER

Planche originale de « La Première Femme de Barbe-Bleue », édité en 1997 par P & T Productions.

Galerie

6 réponses à Luc Mazel : Spirou pleure l’un de ses piliers…

  1. Jean-Pierre Abels dit :

    Bonjour,
    êtes- vous sur que Mazel a dessiné l’histoire de Constantin dans Pilote sous le pseudonyme de Zem?
    j’avais toujours attribué dette histoire à Jean-Claude Mézières : d’abord le pseudonyme Zem aurait plus de sens, mais surtout le dessin est plus nerveux, (et se rapproche de celui des premières histoires à suivre de Mézières, sur des scénarios de Fred ) que celui de Mazel , beaucoup plus « rond ». Ensuite, les autres histoires de Mazel parues dans Pilote sont signées soit de son nom, soit du pseudo « idem » et plus jamais « Zem »
    Mais c’e n’est qu’une appréciation personnelle et je peux me tromper.
    Auriez-vous des sources qui confirment l’attribution de cette histoire à Mazel. ?

    Ceci n’enlève rien aux qualités de Mazel qui méritait votre hommage.

    • Philippe Tomblaine dit :

      Je pense que vous avez raison. C’est bien Mézières (sous le pseudo de Zem) qui a jadis réalisé les six planches de « Constantin » dans Pilote (n° 209 en octobre 1963), sur scénario de Jacques Lob. Pour l’anecdote, c’est Gir (qui débutait alors « Blueberry ») qui avait envoyé ce scénario à Mézières, lequel l’avait oublié… jusqu’à ce que Louis Cance le ressuscite dans Hop! (n° 150 de juin 2016), consacré au dessinateur de « Valérian et Laureline ».

      Merci pour votre vigilance !
      Amicalement

    • Gilles Ratier dit :

      Oui, Jean-Pierre et Philippe, vous avez raison tous les deux : notre ami Henri Filippini c’est en effet bien mélangé les pinceaux dans sa documentation et je reconnais n’avoir pas non plus réagit à sa méprise lors de ma relecture : on a tous besoin de vacances !
      En tout cas, tout est remis dans l’ordre dans l’article, avec en prime, une page peu connue sur scénario de Michel Vasseur (Duchâteau)…
      Merci à tous !
      La bise et l’amitié
      Gilles RATIER

  2. Patrick Gaumer dit :

    Chers amis,

    Mazel, que j’ai eu le bonheur de rencontrer et interviewer à plusieurs reprises dans le cadre des intégrales Câline et Calebasse, Boulouloum et Guiliguili et Jessie Jane (pour Dupuis), m’avait avoué qu’il avait longtemps prétendu être né en 1936, au lieu de 1931 (la vraie date) : « Cela m’arrangeait parfois de passer pour plus jeune que je ne le suis », ajoutait-il d’un air malicieux. C’était un homme brillant. Nous avions tissé une belle relation d’amitié. Quant au Zem/Idem, je crains avoir naguère fait la faute, rectifiée depuis à la suite d’autres conversations avec Luc et André-Paul (Duchâteau). PG

  3. Clothaire dit :

    Magistrale rétrospective.

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