Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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« XIII » : 40 ans déjà !
« Avec plus de 500 000 exemplaires vendus par album, rien qu’en français, notre cher éditeur, contrairement à nous, n’allait pas lâcher le fromage… » Ainsi s’exprime Jean Van Hamme dans sa préface de « Traquenards et sentiments », le 14e volume du spin-off « XIII Mystery » paru en début d’année et dont il est le brillant scénariste. Merci — donc — au « cher éditeur » qui nous permet, lecteurs passionnés par la série et jamais rassasiés, de savourer en cette 40e année de parution trois nouveaux ouvrages dédiés à l’énigmatique XIII.
En ce mois de juin, c’est au tour du second épisode de la nouvelle série « XIII Trilogy » — « Rouge Alcatraz » — de partir à l’assaut des librairies. 1970 : sous l’aile du général Ben Carrington (le chef des SPADS) depuis la disparition de ses parents, le sous-lieutenant Jones — jeune femme de race noire, aux origines pauvres — est élève officier à l’école de l’US Navy de Patuxent River, dans le Maryland.
Son frère Marcus — qui a mal tourné —, évadé avec deux activistes amérindiens de son pénitencier, rejoint l’îlot d’Alcatraz dans la baie de San Francisco. Lequel îlot est occupé par une bande de Warriors composée de vétérans du Vietnam et d’une troupe de plus en plus dense de sympathisants qui souhaitent, eux aussi, obtenir les droits civiques pour les hommes de couleur.
Ben Carrington et ses SPADS (Special Assault and Destroying Sections) sont missionnés par le président Dixon pour chasser les occupants de l’îlot. Le général fait appel à la jeune femme pour tenter d’éviter un bain de sang. Mission d’autant plus difficile que Marcus doit faire face à un affrontement fratricide entre les deux leaders du mouvement…
Yann propose un scénario riche en action qui — une fois encore — livre quelques indices sur le passé du futur major Jones : un personnage incontournable de la série « XIII ». Avec, en toile de fond, l’Amérique des hippies : de la guerre du Vietnam et des Black Panthers. Les images d’Olivier Taduc, le dessinateur du remarquable « Chinaman », sont dignes d’un grand pro de la bande dessinée réaliste, bien qu’il ait parfois du mal à cerner graphiquement les visages des personnages imaginés par William Vance. On attend avec impatience la publication de « La Danse du soleil » : l’ultime épisode de cette trilogie qui s’intègre parfaitement à la série.
Curieusement, « XIII » est né dans les pages de l’hebdomadaire Spirou voici tout juste 40 ans, bien que la série soit éditée par Dargaud dès le premier album. « Jouez hautbois, résonnez musettes. Jean Van Hamme et William Vance sont dans Spirou avec une série flambant neuve, dont vous me direz des nouvelles ! Lorsque vous saurez que le héros du “Jour du soleil noir” se nomme XIII, vous aurez déjà compris que ce personnage-là ne ressemble à aucun autre »,écrivait Philippe Vandooren — alors rédacteur en chef de l’hebdomadaire —, sous la signature de Fantasio dans la rubrique « Spirou mode d’emploi ».
C’est bien dans ce Spirou n° 2408 du 7 juin 1984 qu’est né le numéro XIII. Il séjournera dans l’hebdomadaire des éditions Dupuis le temps de ses trois premiers épisodes ; voir « XIII T2 : Là où va l’Indien » : analyse de planches….
On ne peut que saluer le flair de Philippe Vandooren qui fut l’un des premiers à avoir ressenti le potentiel qui se dégageait de ce nouveau héros. Pour la petite histoire, notons qu’une première mouture de « XIII » avait été initiée par Van Hamme et Vance au milieu des années 1970, destinée au journal Cobra : un projet mort-né des éditions du Lombard. (1)
Quelque 40 ans plus tard, l’hebdomadaire des éditions Dupuis se souvient et consacre une grande partie de son no 4495 du 5 juin 2024 au héros toujours bon pied, bon œil. L’excellent Romain Dutreix signe la sobre couverture et le récit « Treize fois quarante… groom total » : une parodie irrésistible de la série culte.
Le point d’orgue de ce numéro est un mini-récit de 32 pages écrit par Jean Van Hamme et dessiné à la manière de William Vance par Philippe Xavier (le dessinateur de la série « Tango », lui-même par ailleurs dessinateur », entre autres, d’un copieux récit dédié à « El Cascador » publié dans le récent album « Traquenards et sentiments »). « Bas les masques ! » est une histoire à tiroir, au scénario malin,qui revient avec humour sur les nombreuses femmes que XIII — grand séducteur — a croisées au cours de ses aventures.
Le mini-récit « Bas les masques ! » par Philippe Xavier et Jean Van Hamme.
Amis lecteurs, il vous faudra attendre le mois d’octobre pour savourer « Moscow, Spaso-House » : le nouvel épisode du second cycle de la série originelle, signé Yves Sente et Iouri Jigounov. Vivement les 50 ans !
Henri FILIPPINI
(1) Voir : XIII aurait pu s’appeler Cobra !.
« XIII Trilogy T2 : Rouge Alcatraz » par Olivier Taduc et Yann
Éditions Dargaud (13 €) — ISBN : 978-2-5051-2477-1
Parution 7 juin 2024
Spirou no 4495
Éditions Dupuis (3,20 €)
Parution 5 juin 2024
