Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Joseph Porphyre Pinchon : enfin un ouvrage dédié au créateur graphique de Bécassine, et pas seulement…
Qui ne connaît pas encore le nom de Bécassine ? Cette jeune et naïve Bretonne, native de Clocher-les-Bécasses, venue à Paris pour servir la marquise de Grand Air. Le nom de son créateur graphique est aujourd’hui bien oublié, ignoré par la plupart de nos contemporains, auxquels la robe verte et le tablier blanc sont pourtant familiers. Remi Duvert consacre — enfin ! — un ouvrage foisonnant d’illustrations et d’anecdotes à Joseph Porphyre Pinchon, son génial dessinateur.
Né le 17 avril 1871 à Amiens, Joseph Porphyre Pinchon fait ses études dans sa ville natale où il obtient un baccalauréat ès lettres.
Après son service militaire, il fréquente l’école des Beaux-Art de Paris en 1895, expose ses premières toiles en 1897 et 1898 au Salon des artistes français, puis ses eaux-fortes à Nantes en 1900.
Pinchon s’oriente vers le dessin, démarre une longue collaboration (1902–1911) avec l’hebdomadaire Saint-Nicolas des éditions Delagrave.
Il illustre, entre autres, des romans ensuite proposés sous forme d’ouvrages par le même éditeur. Il y publie aussi quelques histoires en images.
En février 1905, dans La Semaine de Suzette, il propose les premières pages de « Bécassine », créée par Jacqueline Rivière, puis reprise par Caumery (pseudonyme de Maurice Languereau) en 1913. Pinchon en dessine 28 épisodes jusqu’en novembre 1950, tous réunis en albums par les éditions Gautier-Languereau.
De nombreux autres personnages sont nés sous son crayon, que le succès de Bécassine a — injustement — fait tomber dans l’oubli. Notons Frimousset en 1920 dans le quotidien L’Écho de Paris, Grassouillet en 1928 dont les histoires sont écrites par Jaboune (pseudonyme de Jean Nohain, de son vrai nom Jean Marie Pierre Étienne Legrand) dans Benjamin, La Famille Amulette en 1929, Mitaine et Tontaine en 1934, puis Patatras la même année, toujours dans pour Benjamin : un hebdomadaire auquel il collabore jusqu’en 1944.
Notons aussi Yanck i Yanka dans Âmes vaillantes en 1940, puis Lydia l’écuyère en 1948. Pour les éditions belges Gordinne, Pinchon crée les personnages de Suzel la petite Alsacienne, Olive et Bengali, Délurette et Papaver dans Wrill, Gilles du maquis, Gringalou, L’Oncle Tontaine dans Cap’taine Sabord…Â
On le rencontre aussi dans Fillette, Fanfan la Tulipe, France-Soir jeudi, Le Petit Canard avec « Picotin votre âne », Lisette où il anime « Les Aventures de Pitchoune »… On lui doit aussi des affiches, des costumes pour l’Opéra de Paris, des cartes postales, des publicités, des cartes de France illustrées, des dessins de vénerie révélant sa passion pour la chasse à courre et l’équitation… Bien d’autres activités évoquées dans cet ouvrage sont réalisées par ce bourreau de travail. Pinchon décède à Paris le 20 juin 1953 et est inhumé à Amiens, dans le caveau familial.
Cette vie — dominée par sa passion pour le dessin — est contée par Rémi Duvert, qui collectionne inlassablement depuis 30 ans tout ce qui concerne Joseph Porphyre Pinchon et son œuvre. Il est l’un des fondateurs en 1993 de l’association Art, histoire et patrimoine de Clairoix : une commune proche de Compiègne où le dessinateur a séjourné. Il gère le fonds documentaire consacré à Pinchon, ainsi que le site internet www.pinchon-illustrateur.info.
Cet ouvrage de 136 pages propose près de 900 illustrations, accompagnées d’un texte érudit et documenté.
On peut y découvrir — ébahis ! — l’importance de l’œuvre d’un auteur pionnier des histoires en images, qui n’a que peu utilisé les phylactères. Il est, avec Louis Forton et ses « Pieds nickelés », le premier à  avoir créé un personnage dont le succès a perduré pendant plus d’un siècle.
Bien que réalisée par une modeste association réunissant des passionnés, cette monographie rivalise avec le travail des professionnels, tant au niveau de la mise en page que de la qualité des documents proposés.
Ceux qui s’intéressent à l’histoire de la bande dessinée se doivent d’acquérir ce très beau livre, au prix modeste compte tenu de la richesse de son contenu.
Henri FILIPPINI
P.-S. Sur Joseph Porphyre Pinchon, voir aussi, sur BDzoom.com : Le Rocambole : Pinchon, bien au delà de « Bécassine »…, Bécassine, Frimousset, Grassouillet et les autres… et Bécassine : 110 ans et de l’inédit !.
« JP Pinchon par l’image » par Rémi Duvert
Association Art, histoire et patrimoine de Clairoix (17 €) — ISBN 978-2-9523-1841-9 (contact : rd.ahpc@gmail.com)
Parution 5 avril 2024