N’hésitez pas à revenir régulièrement sur cet article, puisque nous l’alimenterons, jour après jour, avec tout que nous envoient nos amis dessinateurs, scénaristes, coloristes, libraires, organisateurs de festivals et éditeurs pour vous souhaiter de joyeuses fêtes : et ceci jusqu’à la fin du mois de janvier 2024 !
Lire la suite...Les royaumes de Tiketone existent-ils ? Une ambiguïté savamment entretenu dans le premier tome d’une intrigante trilogie…
Perdre sa famille est le drame absolu. Le jeune Thomas est profondément traumatisé, après l’accident de voiture lors duquel ses parents et sa sœur ont disparu. Il pense pouvoir se réfugier dans les mystérieux royaumes de Tiketone. Il a convaincu ses camarades de l’orphelinat de le suivre vers ce monde imaginaire. Existe-t-il ou pas ? L’autrice Mélissa Morin réussit la gageure d’entretenir habilement cette ambiguïté sur près de 200 pages.
Par une journée ordinaire, la voiture d’une famille roule sereinement sur une route de montagne. À l’arrière, Barbara, la grande sœur, abuse de la naïveté de son petit frère pour lui assurer qu’ils régneront bientôt sur le royaume de Tiketone, si le petit garçon se montre assez courageux. Elle assure au candide Thomas que leurs parents ne pourront pas venir avec eux, car ils ont refusé de jouer et que leur monde est sur le point de trépasser. Entendant cela, la mère excédée demande à sa fille de ne pas plaisanter avec ces choses-là.
Celle-ci, loin de se taire, lui rétorque que : « Les fantôme existent. Ils sont partout autour de nous. J’ai vu ce qui allait se passer. Je ne resterai pas dans votre monde de morts-vivants ! Thomas et moi, on va s’en aller !!! » Juste après cet affrontement verbal, un renard traverse la chaussée. Le père braque précipitamment pour l’éviter, mais ne peut contrôler la voiture qui plonge dans un ravin. Les deux parents meurent sur le coup. À l’arrière, les enfants se serrent l’un contre l’autre… avant que, comme dans un rêve, des branchages enlèvent Barbara. Thomas est le seul survivant du drame.
Toujours coiffé d’un étrange casque à cornes, Thomas a été placé dans un orphelinat. Il demeure muet et, fort étrangement, ne s’exprime que par rots ! Si les adultes couvent et protègent cet enfant traumatisé, les autres enfants de l’établissement cherchent à le provoquer, pour qu’il sorte d’un mutisme qu’ils pensent feint.
Il ne se met à parler que pour proposer, à Eliott, Florian, Marianne, Robin et Virgile, une étrange quête initiatique : retrouver les cinq reliques des morts vivants pour emporter le jeu et pouvoir passer la porte qui ouvre sur les royaumes de Tiketone.
Ses camarades sont pour le moins dubitatifs ; certains croient tout de suite à ces mondes imaginaires, d’autres ne semblent pas prendre au sérieux le jeune orphelin, mais aimeraient être convaincus que réunir une coquille d’escargot blanc, une plume de merle, un nid d’abeilles, une peau de serpent et une dent de renard permettrai de les libérer de ce monde où ils ont souffert. Toutes issues du monde animal, mais organiquement mortes, les reliques sont patiemment amassées… mais le passage vers Tiketone va-t-il avoir lieu ?
Ancienne designer de mode, Mélissa Morin est, depuis 2019, autrice de bande dessinée.
Cette année-là parait « Céphéide » aux éditions Glénat qui précède « Chien hurlant » en 2022 aux éditions La Boîte à bulles.
Cet album est le premier d’une trilogie jeunesse annoncée, dont le deuxième volume doit paraitre dès la rentrée 2024. « Les Reliques des morts vivants » est un récit original qui tient en haleine, car l’autrice maintient le suspense pour savoir si les royaumes de Tiketone existent ou non.
Avec des personnages aux caractères complexes et bien affirmés, l’autrice réussit habilement à brouiller les frontières entre réel et fiction.
Pour Mélissa Morin : « Thomas raconte des histoires dont on ne peut dire s’il les invente ou si elles sont la stricte réalité. Je viens d’une famille de médiums, pour moi, c’est normal que la réalité et l’imaginaire se chevauchent et se brouillent parfois. L’ouverture sur le rêve et l’imaginaire permet aussi, sans brutalité, d’aborder des sujets graves qui m’importent comme le deuil et la dépression des enfants. Dans « Les Royaumes de Tiketone », je place des éléments de réel au milieu de la fiction. Par exemple dans le village où j’ai grandi, la mairie était un ancien orphelinat et le foyer est directement inspiré de ce lieu. »
Le dessin semi-réaliste de l’autrice fluidifie un récit entre réel et imaginaire. Les cases de ce petit album sont aérées et parfois dynamisées, comme dans le manga, par des onomatopées qui se mêlent au dessin. La native du Pays basque confie ainsi que : « Être dessinatrice était un rêve d’enfant. J’ai été très influencée par « Naruto » et Jamie Hewlett, l’illustrateur de « Gorillaz ». C’est une fusion entre l’univers manga et un côté plus punk anglais. J’ai aussi été marquée par l’univers d’« À la croisée des mondes » de Philip Pullman. Mon style se définit par le foisonnement des détails et un usage particulier de la couleur. Plus l’histoire progresse vers l’imaginaire, plus je glisse d’un univers pastel vers des teintes psychédéliques. Je suis parfois frustrée par l’absence de son en bande dessinée, alors je mets de la musique à ma manière en animant le texte et les onomatopées ! »
Nous attendons avec impatience la parution de « L’École de la nuit » (le deuxième volume de la trilogie), car la fin du premier tome annonce surprises et rebondissements inattendus pour Thomas et ses camarades.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Royaumes de Tiketone T1 : Les Reliques des morts vivants » par Mélissa Morin
Éditions Casterman (19,00 €) – EAN : 978-2-203-25489-3
Parution 6 mars 2024