On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...Un minet pas si poltron dans un monde peu engageant…
Dans le premier volume de « Poltron minet », nous avons fait connaissance d’un jeune chaton perdu dans la nature, quand la famille de sa jeune maitresse l’a oublié près de sa maison de vacances. L’occasion pour le minet assez poltron de découvrir une société animale originale ; loin de celle des hommes, mais tout aussi impitoyable. Le deuxième volume de cette série jeunesse réussie, avec plusieurs niveaux de lecture, est tout aussi dynamique que le premier, avec un côté plus sombre assumé, inquiétant et prenant.
Le premier volume de « Poltron Minet » était centré sur les aventures d’un chaton candide perdu dans une nature hostile. Dans cet article, nous résumions ainsi sa situation quand il s’est trouvé isolé dans la campagne : « Après une nuit à la belle étoile, apeuré par les bruits inquiétants d’une nature sauvage, le petit chat est réveillé par un lapin et un écureuil. Deux animaux qui se tiennent sur deux pattes et parlent et à qui le chaton peut répondre en parlant à son tour.
L’étrangeté ne s’arrête pas là, car ses nouveaux camarades sont entièrement habillés et sont gênés par sa nudité, pour eux c’est un « naturel » peu évolué. Ils finissent par se présenter : Hardi Lapin et Avare Ecureuil et baptisent malicieusement leur nouvel ami craintif : Poltron Minet. Ils le conduisent vers leur village où la petite communauté animale vit pacifiquement loin de la présence des hommes. Interdiction de manger un congénère ou de parler des humains, ça pourrait les faire venir… »
Le minet encore un peu poltron commence alors une nouvelle vie dans un village rustique, par bien des aspects médiéval, peuplé d’animaux divers qui semblent vivre en harmonie. Derrière cette façade trompeuse, se cachent des luttes intestines : des tensions sourdes prêtes à rejaillir à tout instant. Le chaton en fait la brève expérience quand il doit, sous le contrôle de Vieux Renard, passer l’épreuve du roi pour être accepté par la communauté. Il cache, plus ou moins bien, son désir de retrouver sa jeune maîtresse : la pauvre Romane qui pense encore fortement à lui.
Le deuxième volume de la série s’ouvre avec le trio d’amis Hardi Lapin, Féroce la renarde et donc Poltron Minet en balade en forêt. Les deux premiers veulent guider le jeune félin jusqu’à Romane : sa jeune maitresse à qui il est toujours attaché. Les compères sont trois animaux intelligents qui peuvent piéger les lapins qui refusent de partager leurs carottes. Ils sont cependant désemparés quand ils sont pris entre une meute de chiens et le gibier pourchassé. Le trio se sépare alors. Féroce entraîne les chiens sur une fausse piste, pendant que Hardi cache le butin et Minet éloigne les biches et les cerfs du danger. Seulement, tout ne se passe pas comme prévu et le lapin et le chaton sont capturés par les chasseurs. Vu leur accoutrement, ils sont aussitôt livrés à un laboratoire de recherche qui paye le prix fort à tous ceux qui trouvent des animaux habillés au comportement forcément bizarre.
La bande dessinée prend alors une tournure plus sombre. Hardi Lapin et Poltron Minet découvrent d’autres animaux piégés dans un laboratoire high tech. Ils subissent, à leur tour, des expériences scientifiques à leur corps défendant.
Un dialogue est même entamé entre un chercheur et le chaton qui apprend que l’évolution récente et rapide de certains animaux à proximité est le résultat du très secret protocole Seth.
Tout est remis en question à la fin de ce volume par les actions de la résistance contre un pouvoir autoritaire chez les animaux pas si sauvages et par l’entrée intempestive d’un commando écologiste au sein des bureaux de Horus Biotech.
On retrouve dans le deuxième volume de la série toutes les qualités narratives et graphiques entrevues dans le tome inaugural. Cette fable intelligente, avec des rebondissements intéressants et des dialogues plein d’esprit, propose plusieurs niveaux de lecture : de quoi être intrigué par les caractères et les évolutions d’animaux anthropomorphes dotés d’une épaisseur psychologique certaine.
Ce volume enrichit les thématiques proposées dans le volume précédent sur la condition animale ou les contraintes parfois perverses de toute vie en société avec une critique des expériences menées sur des animaux de laboratoire et une dénonciation des activités cynégétiques, notamment de la chasse à cour.
Le graphisme aquarellée de Madd fait toujours merveille, tout autant dans les douces séquences animalières et campagnardes que dans les scènes d’affrontements, lors desquelles ses couleurs pastel tempèrent une violence parfois explosive. Nous attendons désormais le troisième volume de la série qui nous promet encore de belles surprises, car nous sommes sous le charme du scénario fin de Cédric Mayen à l’équilibre entre poésie et politique et des aquarelles d’un dessinateur autodidacte talentueux.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Poltron Minet T2 : Le Protocole Seth » par Madd et Cédric Mayen
Éditions Dupuis (12,95 €) – EAN : 979-1-0347-5939-2
Parution 2 février 2024