Saviez-vous qu’en 1916, à Unicoi (comté de l’État du Tennessee, aux États-Unis), une éléphante prénommée Mary a été condamnée à mort et pendue à une grue pour avoir écrasé la tête du dresseur qui la battait ? Eh oui, en Amérique, à cette époque-là, on ne rigolait pas avec la loi, même en ce qui concernait les animaux à qui ont accordait, suivant la croyance populaire, une conscience morale. La plupart d’entre eux devant alors être exécutés, il y aurait eu, d’après l’excellent narrateur et dessinateur David Ratte (1), des bourreaux assermentés qui devaient parcourir tout le pays pour appliquer la sentence suprême à ces bestioles assassines, à la suite de décisions issues des procédures fédérales. C’était d’ailleurs le métier du jeune Jack Gilet : un type un peu paumé qui aimait tellement les animaux qu’il ne voulait pas qu’on les abatte comme des bêtes…
Lire la suite...Le train de l’enfance sans crier gare…
Si par nostalgie ou pour mieux se comprendre, on essaie de remonter le temps, de retrouver son enfance, pour mieux (se) la raconter, on s‘aperçoit que ce n’est pas facile. Il faut certes compter sur ses propres souvenirs ; mais, surtout, trouver ceux qui peuvent en témoigner – les parents, bien sûr, la famille proche… – et revenir sur les lieux…
Tout commence lors d’un voyage à New York. Pas n’importe lequel : un voyage pour y courir le célèbre marathon. Dans « Le Marathon de New York à la petite semaine », publié en 2016 chez le même éditeur, comme nous le disions alors (voir la chronique ici-même sur BDzoom) : « Dans son corps, une compagnie d’ouvriers à casquettes, qui jusque-là hibernaient mollement, se met au travail en salle des machines. On les retrouve régulièrement dans les moments délicats, car imposer à un corps sédentaire une telle révolution n’est pas sans conséquence et Samson s’en amuse avec cette brochette de travailleurs manuels qui s’activent, s’énervent, paniquent avisent ou le dopent. »
Ce séjour atypique et mémorable lui vaut d’y revenir, en 2018, pour la promotion de son album traduit en anglais ! Il y revient et il n’en revient pas ; d’autant que cette invitation est quasiment à l’origine de ce nouvel album, puisque le gamin qu’il était lui apparait à plusieurs occasions et que cela le décide à lui consacrer cette autobiographie. Sébastien Sanson s’attache, de fait, à retrouver la Vienne, et plus précisément ce village où sa mère fut garde-barrière pendant quelques années, à la fin des années 1970.
D’une enfance plutôt heureuse, il en garde surtout les images de voies ferrées, de passages à niveaux, de trains : la ligne Saumur-Poitiers aux traverses désormais « muettes et désertées », un « pays d’oubli »… Le plus impressionnant reste pour l’auteur de retrouver cette maison du bonheur désormais abandonnée, d’y entrer, « archéologue par effraction d’une jachère de mémoire »… Cet album est une façon de reconstruire le passé, mais pas à pas, peu à peu. Plus question de courir, comme à New York ; ici, les mots, les images, le jeu des mots, le jeu des images, tout sert au puzzle qu’il va falloir terminer pour mieux comprendre d’où l’on vient…
Qu’on ait été élevé près de voies ferrées ou pas, on est forcément, en tant qu’adulte, touché par un tel récit : celui d’une enfance sensible, attentive, joueuse, dans un cadre champêtre, loin, très loin, si loin de « la solitude du coureur de fond », un récit où l’auteur alterne les traitements graphiques selon les séquences, ce qui ajoute au plaisir de cette promenade bucolique et sentimentale.
Didier QUELLA-GUYOT
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« Entre deux gares » par Sébastien Samson
Éditions La Boite à bulles (24 €) – EAN : 9782849534809