Après « Les 5 Terres », une nouvelle série anthropomorphique médiévale de qualité : « Le Royaume sans nom »…

Depuis fort longtemps, anthropomorphisme et bande dessinée font bon ménage. Nous pouvons remonter aux premiers Disney et à « La Bête est morte » de Calvo ou nous attarder aux succès plus récents, tant critiques que populaires, de « Blacksad » ou des « 5 Terres ». Une nouvelle série, « Le Royaume sans nom », reprend les mêmes thématiques que ce dernier titre : dans un univers médiéval des luttes de pouvoirs féroces opposent tout un bestiaire de personnages anthropomorphes pour le grand plaisir de lecteurs charmés par la qualité du récit et d’un superbe dessin.

Dans le palais d’un royaume sans nom les intrigues vont bon train. Le vieux roi lion est fatigué, mais son unique héritier n’est pas pressé de lui succéder. La tradition voudrait pourtant qu’il affronte, dans un combat sanglant, son père et l’élimine, afin de monter sur le trône. Mais lui ne veut pas de ce parricide ; il est donc accusé de lâcheté, de faiblesse même par sa propre mère : une lionne cruelle et fourbe qui ourdit de sombres complots dans son dos.

Complots qui semblent bien se multiplier dans la capitale de ce royaume sans nom : on cherche à assassiner l’ambassadeur des royaumes du Nord, pendant que les sbires du royaume du tigre sèment la panique sur les frontières ; le fils ainé du roi est enfermé dans une geôle pour avoir intrigué à sa perte et représente toujours une menace pour le pouvoir en place. Une délétère atmosphère de fin de règne assombrit l’avenir du pays.

« Le Royaume sans nom T1 : Acte I » page 5.

Le jeune héritier est un doux rêveur qui à défaut de puissants appuis politiques s’est fait des amis fidèles : un cerf ménestrel, séducteur impénitent, un jeune singe rusé et un serpent toujours tapi dans ses manches. Ils lui sont néanmoins peu utiles pour des tractations diplomatiques en eaux complexes ou pour déjouer les faux-semblants des intrigues palatines. Le petit peuple suit de loin les soubresauts tragiques dans les arcanes du pouvoir, excepté un renard, capitaine de la garde, impliqué à son corps défendant dans une ténébreuse histoire.

Ce premier volume d’une trilogie annoncée commence de fort belle manière. L’intrigue est dense et bien construite par Herik Hanna autour de personnages anthropomorphes qui incarnent avec une certaine subtilité les stéréotypes véhiculés par des races d’animaux : lion dominateur, renard intelligent, cochon gourmand, zèbre peureux…

L’atmosphère dans ce « Royaume sans nom » est pesante à souhait : la tragédie annoncée va s’accomplir comme dans les meilleurs drames de Racine ou de Shakespeare. Il y a du roi Lear et du Macbeth dans les soubresauts malveillants au sein de la cour de ce roi lion fatigué. Le rebondissement final, inattendu, augure une suite tourmentée et passionnante.

Herik Hanna retrouve ici son compère de « Blind Dog Rhapsody » et « Badass » : un Redec au sommet de son art ! Impeccable tout autant dans le dessin de grands fauves tourmentés que dans des paysages urbains qu’il dessine dans leur moindres détails, dans des doubles pages de toute beauté.

Il retranscrit avec précision l’évolution des émotions et se lâche dans les scènes de combat et de comédie. Redec souligne à certains moments la forme théâtrale du récit, dont l’humour cynique touche un lecteur conquis.

Les couleurs solaires ou crépusculaires de Lou soulignent les changements d’ambiance d’un récit riche, mais toujours fluide et surprenant.

« Le Royaume sans nom T1 : Acte I » pages 10- 11.

« Les 5 Terres" : recherche de personnages.

Une bande dessinée anthropomorphes qui narrent des intrigues auliques médiévales avec des félins avides de pouvoir ; cela évoque évidemment la série à succès «  Les 5 Terres » de Lewelyn et Lereculey dont nous vous avons vanté les qualités dans ces articles là et là. Le cinquième volume du deuxième cycle (« Tomber vraiment ») garde le rythme d’une série exceptionnelle. Voici ce que nous en disions précédemment, notre propos est toujours d’actualité : « C’est à une belle équipe de professionnels que nous devons cet excellent scénario. C’est un véritable studio qui s’est organisé pour produire trois volumes par an de ce feuilleton à nul autre pareil. Le pseudonyme Lewelyn cache l’union de trois scénaristes, David Chauvel, Patrick Wong et Andoryss qui fournissent le récit à une équipe de graphistes ; Jérôme Lereculey au dessin, Didier Poli à la direction artistique et Dimitris Martinos aux couleurs.

Et cela fonctionne très bien. Le dessin est excitant que ce soit pour des personnages animaliers anthropomorphes aux expressions aussi fines que les pensées que pour des décors grandioses ; du désert aux arcanes du palais. Nous nous sommes immergé avec une délectation certaine dans cet univers de fiction cohérent et foisonnant comme l’a fait un large lectorat car l’intrigue est suffisamment ample et riche pour captiver des adolescents aux plus âgés. » Nous souhaitons bien évidemment à la trilogie « Le Royaume sans nom » de rencontrer le même succès public et critique que la saga « Les 5 Terres ».

« Le Royaume sans nom T1 : Acte I » pages 28 -29.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Le Royaume sans nom T1 : Acte I » par Redec et Herik Hanna

Éditions Glénat (15,50 €) – EAN : 978-2-344-03697-6

Parution 13 septembre 2023

« Les 5 Terres T11 : Tomber vraiment » par Jérôme Lereculey et Lewelyn (Andoryss, David Chauvel, Patrick Wong)

Éditions Delcourt (15,50 €) – EAN : 978-2-413-04759-9

Parution 30 août 2023

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