Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Le Nom de la rose » : un roman… très graphique pour deux maestros !
Après le sublime et remarqué « Le Caravage » (deux volumes parus chez Glénat en 2015 et 2018), Milo Manara revient de plus belle au genre historique, pour un autre monument à célébrer. Le livre le plus connu de l’érudit italien Umberto Eco — succès traduit en 43 langues et adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud en 1986 — est donc enfin transposé en bande dessinée ! Mystérieuse, troublante, et scandaleuse histoire que cette série de décès (ou de meurtres ?) — dans une abbaye bénédictine au XIVe siècle — sur laquelle le moine franciscain Guillaume de Baskerville est chargé d’enquêter par sa hiérarchie. Ce livre premier (sur deux) adapte avec brio le roman historique et — disons-le — presque policier. Pour nous, c’est d’abord une rencontre au sommet entre les grands artistes italiens Eco et Manara : « Veramente delizioso, molto bello ! »
Le dessinateur, qui a obtenu l’autorisation d’adapter à sa façon le célèbre roman, ouvre le prologue sur l’écrivain lui-même narrant sa genèse, laquelle est, elle-même, un vrai roman.
L’enquêteur voyage vers cette abbaye de montagne, par temps de neige, avec son assistant, un jeune moine nommé Adso de Melk, qui est en fait le narrateur du livre bien des années après les faits.
Bien accueilli, Guillaume de Baskerville perçoit progressivement que certains penchants, troubles et vices perturbent les membres de la congrégation.
Malgré sa demande, il n’a pas l’autorisation d’entrer dans la bibliothèque du monastère : y aurait-il quelque chose à cacher ? Nouvel événement pour la communauté, le pape — controversé — Jean XXII dépêche un inquisiteur : Bernardo Gui, lequel prend de fait les rênes de l’enquête. Et pourtant, les morts se succèdent de façon inexpliquée. Il faudra toute l’intelligence et l’habileté de Baskerville pour dénouer cette sordide énigme.Â
L’album — traduit en français par Jean-Noël Schifano — se démarque du livre par petites touches, et c’est tant mieux. Car, avec le recul, le personnage premier, c’est d’abord l’auteur Umberto Eco, auquel le roman a apporté la reconnaissance publique.
 Pour le personnage de Baskerville, après l’incarnation de Sean Connery dans le film, il fallait une figure au moins équivalente.
Manara l’a trouvée dans les traits si singuliers de Marlon Brando, choix d’abord surprenant, mais qui donne immédiatement du charisme au moine-enquêteur. Évidemment, à côté de lui, les moines font pâle figure.
Comme Annaud avant lui, Manara installe des ambiances (avec des tons d’automne-hiver bruns, marron ou gris, avec parfois des éclaircies) qui font ressentir l’époque lointaine et le climat bien particulier de ce cercle fermé.
Il nous plonge dans cet univers unique, oppressant et mystérieux de façon saisissante.
Sur son encrage noir, sa fille Simona Manara a mis en couleurs au lavis, sous sa coordination.
Le maestro nous déçoit rarement.
 « Le Nom de la rose T1 : Livre premier » par Milo Manara, d’après Umberto EcoÂ
Éditions Glénat (17,50 €) — EAN : 978-2-344-04975-4
Bonjour,
Du côté des adaptations, en plus du film de Jean-Jacques Annaud, « Le Nom de la rose » est aussi une mini-série italo-allemande réalisée par Giacomo Battiato, Andrea Porporati et Nigel Williams