Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...La fin d’un conte philosophique mouvementé, avec pour héros Voltaire et Newton…
Voltaire a été un admirateur des travaux d’Isaac Newton. Il a même écrit « Eléments de la philosophie de Newton », pour défendre ses travaux et les diffuser sur le continent. Le scénariste Mitch a imaginé une rencontre entre les deux hommes, à Londres en 1726. Rencontre qui se termine par un voyage fantastique impromptu vers des mondes inconnus. Le deuxième tome de « Voltaire et Newton » clôt un conte philosophique extravagant, porté par le dessin précis et les couleurs luxuriantes de Sylvain Bauduret.
Admirateur de longue date des travaux d’Isaac Newton, Voltaire se rend à Londres pour le rencontrer en 1726. Par l’entremise de la nièce du scientifique, il est même invité à dîner dans la demeure de ce vieil homme à qui il ne reste que quelques mois à vivre. Après avoir discuté de l’existence de Dieu ou de savoir quelle serait la meilleure société possible pour les hommes, Newton entraine son invité vers un grand bâtiment de sa riche propriété de Cranbury Park.
Il présente au jeune philosophe estomaqué, un grand vaisseau de son invention, application de théories nouvelles et de calculs rigoureux : le Forslo. Celui-ci, espère-t-il, doit le faire voyager dans l’espace jusqu’aux étoiles les plus proches. Un malheureux incident contrarie le décollage escompté et Voltaire, Newton et sa nièce, Miss Barton, sont alors projetés vers trois lieux différents et mystérieux.
Déjouant les calculs les plus pointus de Newton, le Forslo les a fait voyager non seulement dans l’espace, mais aussi à travers le temps. Séparés, ils se réveillent dans des mondes inconnus et fantastiques. Le philosophe des Lumières atterrit dans une cité qui semble habitée par des Incas ou un peuple proche, le scientifique arrive dans un monde peuplé de machines fabuleuses, et sa nièce est envoyée au cÅ“ur d’une tribu de femmes de l’ère glaciaire.
Chacun de leur côté, ils essayent de s’extraire de ces univers parfois dangereux en cherchant le Forslo et leurs deux compagnons d’infortunes.
Chacun de leur côté, les trois voyageurs inopinés font des rencontres qui les confrontent à leurs recherches précédentes : Newton à des robots doués de paroles et à une étonnante intelligence artificielle, Voltaire à une société injuste qu’il critiquera plus tard dans son « Candide », et Miss Barton à une société matriarcale qui se révèle pourtant aussi injuste que les structures sociales patriarcales de son XVIIIe siècle.
« Voltaire et Newton » est un surprenant diptyque qui étonnera jeunes lecteurs et lecteurs confirmés.
Surprenant d’abord par sa vision en partie animalière pour établir les relations entre Newton et Voltaire, afin de les réunir et de leur permettre de philosopher au coin du feu sur la meilleure gouvernance de la cité : discussion concrétisée par un vaisseau permettant de voyager dans le temps.
Surprenant aussi par le décalage entre un dessin un peu manga, un peu humoristique, et l’ambition intellectuelle du sujet : la confrontation entre les idées iconoclastes du jeune Voltaire et les projets scientifiques utopiques d’un Newton vieillissant.
Le scénario ludique de Mitch alterne séquences de dialogues philosophiques et aventures loufoques, mais toujours sous-tendues par les idées des Lumières. Ainsi, Miss Barton, héroïne féministe, est confrontée à une société matriarcale peu engageante, Newton à des avancées en sciences physiques qui peuvent se révéler dangereuses, et Voltaire à une dictature tyrannique qu’il dénoncera dans ses œuvres ultérieures.
Dans un style proche de celui de Jean-Luc Masbou sur la série culte « De Cape et de crocs », le dessin de Sylvain Bauduret se révèle agréable ; dynamique dans les séquences d’action, toujours précis, y compris lors de courses poursuites dans la jungle.
Il en va de même de sa mise en couleurs, différenciée selon l’univers découvert par un des trois héros, riche et même souvent audacieuse, notamment dans les planches monochromes dans lesquelles Miss Barton évolue dans un monde de l’ère glaciaire.
Ce conte philosophique et fantastique est l’occasion de découvrir un nouveau Voltaire, après des biographies dessinées de qualité telles « Voltaire amoureux » ou « Voltaire, le culte de l’ironie » sans oublier l’adaptation de « Candide ou l’optimisme » parue en 2010. Alors, cet été, cultivez votre jardin tout en (re)découvrant Voltaire et son œuvre en bande dessinée.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Voltaire et Newton T2 : Nusqama » par Sylvain Bauduret et Mitch
Éditions Delcourt (15,95 €) – EAN : 978-2-4130-2700-3
Parution 21 juin 2023
J’ai trouvé la fin précipitée et bâclée.
D’ailleurs, en reprenant mon tome 1, j’ai constaté que cette histoire initialement prévue en 3 tomes, n’en comportera finalement que 2 (voir 4e de couverture du tome 2). Mévente ?
Bien vu Philippe !
C’était la mévente.
Bonjour,
Vous avez entièrement raison, la série était prévue en 3 tomes mais les ventes n’ont pas atteint le niveau espéré. C’est donc devenu un diptyque à la fin un peu abrupte. Le récit se tient bien que les auteurs avaient de quoi le développer sur un album de plus.
L. Lessous