Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Course-poursuite sous les Tropiques : des vacances à la Réunion qui tournent au cauchemar, dans une réinvention en BD d’un roman de Michel Bussi !
Et de deux pour Didier Cassegrain et Fred Duval ! Après leur très réussie version BD du célèbre « Nymphéas noirs » (pourtant réputé comme étant inadaptable dans un autre format que celui d’origine) — publiée également dans la belle collection Aire libre des éditions Dupuis en 2019, elle fut un succès autant critique que public —, les deux compères récidivent leur exploit avec « Ne lâche pas ma main » : autre thriller haletant écrit par l’auteur rouennais qui est, depuis quelques années, un habitué des meilleures ventes à chaque sortie d’un nouveau bouquin.
Nous sommes ici dans l’île de La Réunion : un bout de France au milieu de l’océan Indien, renommé pour ses lagons bleu-turquoise, ses plages de rêve, ses palaces, ses marchés colorés et son volcan qui ne dort que d’un œil. C’est dans ce petit paradis sur terre pour touristes avides d’exotisme que Martial et Liane Bellion passent quelques jours de vacances avec leur fille de six ans surnommée Sofa, entre farnientes, bronzettes et cocktails au bord de la piscine du luxueux hôtel Alamada, à Saint-Gilles-Les-Bains. Après une agréable trempette, l’épouse remonte dans sa chambre, pour ne plus réapparaître. L’appartement est sens dessus dessous et jonché de taches de sang sur le lit, les murs, les rideaux… : ceci ne laissant que peu de doutes sur la nature du drame qui vient de s’y jouer. Le mari semble désemparé et devient coopératif, ne sachant toutefois pas comment prouver son innocence. Il devient alors le principal suspect de l’opiniâtre et ambitieuse capitaine Aja Purvi et du désabusé sous-lieutenant Christos Konstantinov, dit Prophète : non seulement les témoignages sont accablants, mais en plus il prend la fuite avec son enfant. Pour la police, cela sonne évidemment comme un aveu : c’est alors que la chasse à l’homme commence, au cœur de la nature luxuriante de l’île. Tout accuse Martial Bellion, mais a-t-il vraiment tué sa femme ?
Le romancier Michel Bussi nous sert un coupable sur un plateau. Pourtant, en alternant les points de vue des différents protagonistes, il dissémine constamment le doute : il faut dire, qu’avec celui qui est l’un des plus gros vendeurs de livres en France, les apparences sont toujours trompeuses… Il en est de même dans cette adaptation en bandes dessinées — en 123 planches — où la narration du prolifique Fred Duval (« Carmen Mc Callum », « Hauteville House », « Jour J », « Travis », « Nevada »…) est aussi efficace que dans le roman. Elle nous tient en haleine de bout en bout, mettant en avant le côté tortueux de cette intrigue bien ficelée, jusqu’au dénouement à couper le souffle.
Quant au traitement graphique – un peu semi-caricatural, dans la lignée d’un Miguelanxo Prado -, il est également époustouflant : Didier Cassegrain (« Tao Bang », « Code Mc Callum », « Piège sur Zarkass »…,) ayant réussi à représenter de belle manière les nombreux et atypiques protagonistes — dont les caractères sont souvent énigmatiques ou ambigus — et la vie locale réunionnaise, ceci sans négliger l’envers du décor paradisiaque. On sent d’ailleurs qu’il a pris un certain plaisir à dessiner les différents aspects de cette île « la plus métissée du monde », laquelle devient, dans cette haletante intrigue bien éloignée de celles des « polars pour touristes », un personnage à part entière.
À noter qu’il existe aussi une édition spéciale avec une couverture variant, et que Dupuis publie simultanément le deuxième tome de la série « Cinq Avril » : une bande dessinée jeunesse dont le scénario est co-signé Michel Bussi (qui déclare qu’« écrire des BD a toujours été un rêve d’enfant ») et Fred Duval. Dessinée par le talentueux Noé Monin, cette histoire d’un orphelin élevé par Léonard de Vinci s’inscrit dans la lignée des grandes sagas d’aventure franco-belge, avec son lot de retournements de situation dans l’Europe de la Renaissance : à une période carrefour de l’Histoire.
Gilles RATIER
(1)  Voir sur BDzoom.com : Et de deux… Bussi ! Deux !.
« Ne lâche pas ma main » par Didier Cassegrain et Fred Duval, d’après Michel Bussi
Éditions Dupuis (29,95 €) — EAN : 979-1-0347-4985-0
Effectivement, le dessin de Cassegrain est fascinant, presque envoûtant…