Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Inventer l’Australie !
Matthew Flinders est un inconnu. Pourtant, ce jeune officier de la Royal Navy part d’Angleterre, en 1801, pour cartographier un univers dont on soupçonne qu’il s’agit d’une seule et même île : l’Australie. Et c’est Matthew Flinders qui lui donnera ce nom ; mais entre 1801 et 1810, où il retourne enfin chez lui, que d’aventures et de désillusions !
Laurent-Frédéric Bollée est un scénariste qui voue pour l’Australie une passion indéfectible. On lui doit déjà « Terra Australis », puis « Terra Doloris », parus chez Glénat en 2013 et 2018 : des albums où il racontait le peuplement de ce continent, en revenant au point de départ et en suivant quelques-uns de ces individus d’infortune embarqués dans l’aventure. On est alors à Londres, au XVIIIe siècle, et on va envoyer là -bas, en « terra australis incognita », des centaines de condamnés, de bagnards, de parias, d’orphelins ou de noirs venus d’Amérique (après s’être rangés du côté des Anglais), de prostituées aussi… Plus de 1 000 personnes qui vont partir, à leur corps défendant, créer une nouvelle colonie, cultiver la terre et exploiter ses supposées richesses.
Avec « Les Horizons amers », c’est plutôt en mer que ça se passe et finalement presque jamais sur le continent lui-même. Pour cartographier, il faut en effet faire le tour, explorer toutes les criques, toutes les îles proches des côtes… Car Matthew Flinders entend bien proposer la première carte complète de ce continent. Malheureusement pour lui, une expédition concurrente et française (Nicolas Baudin) est investie de la même mission…
En 1801, Flinders vient juste de se marier quand il accepte de partir en expédition pour deux ans et demi (ce qui, pour Ann, la jeune femme, est déjà peu acceptable), mais l’absence durera finalement une dizaine d’années. Il retrouvera son épouse, lui fera un enfant, mais on comprend que l’essentiel de sa vie est ailleurs : dans la cartographie et dans la reconnaissance de ses pairs.
Dix ans d’absence, dix ans d’exploration ? Non. Flinders va se voir incarcéré pendant des années par le gouverneur Decaen dans les Mascareignes, (dans l’île de France/Île Maurice), des années (de 1803 à 1810) où, considéré comme espion par les Français, il sera retenu sur l’île, plus ou moins libre d’y circuler. Pendant ce temps-là , son travail n’est pas édité, ce qui le désole au plus haut point évidemment, alors que des Français y parviennent : « J’ai tout vu le premier, tout compris, tout cartographié… et maintenant ils me pillent mon œuvre ! ». Cette course à l’exploration et la volonté de conquérir de nouveaux territoires se fait évidemment le plus souvent sans le consentement des « natifs », des « naturels ». La question se pose, semble-t-il, pour Flinders ; mais la mentalité des officiers de la Navy n’est guère humaniste… Voilà en tout cas un récit documenté, détaillé, dessiné de façon réaliste qui nous « plonge » dans ces horizons effectivement plutôt amers…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Les Horizons amers » par Laura Guglielmo et Laurent-Frédéric Bollée
Éditions Robinson (25 €) – EAN : 9782016291177
Parution 10 mai 2023