Quand Champignac s’engage pour le droit des femmes à disposer de leur corps…

Après ses exploits pendant la Deuxième Guerre mondiale — où il a mis ses talents de scientifique à la disposition des alliés pour décrypter les codes allemands de la machine Enigma, puis pour organiser la fuite de cerveaux retenus par les nazis et forcés à travailler sur diverses recherches (1) —, le comte Pacôme Hegesippe Adélard Ladislas de Champignac va encore être mêlé aux grandes découvertes du XX^e siècle. En effet, dans cette passionnante aventure historico-scientifique, remarquablement illustrée d’un trait tout à fait respectueux de l’esprit « Spirou », notre spécialiste des champignons est confronté au drame de l’avortement et sera amené à participer à l’invention de la pilule contraceptive.

Tout commence par la tragique disparition de la charmante Blair McKenzie, dont Champignac était tombé amoureux. Ne voulant pas garder l’enfant issu de leur relation — car ce n’était pas le bon moment pour le développement de sa carrière —, elle meurt d’une interruption de grossesse clandestine, tandis que son compréhensif amant tentait d’effectuer des investigations sur ce sujet délicat…Des années plus tard, Pacôme passe toujours ses journées et ses nuits enfermé dans le laboratoire ou la bibliothèque de son château où il s’est retiré, hanté par ce drame personnel.

Alors qu’il limite ses sorties et les contacts humains — en dehors de la compagnie de sa sœur Nicolette —, il reçoit la visite d’une certaine Margaret Sanger, à l’automne 1951.

Cette infirmière américaine, un peu excentrique, n’est autre qu’une pionnière du planning familial.

Ayant entendu parler des recherches du comte en matière de contraception, elle réussit à le convaincre de l’accompagner à Boston (aux États-Unis), pour qu’il rencontre les responsables d’un grand laboratoire qui pourrait l’aider à développer l’étrange pilule révolutionnaire qu’il vient de mettre au point.

Hélas, en cette époque d’après-guerre, les mœurs ne sont pas aussi libres qu’aujourd’hui et l’émancipation des femmes est un terrain complexe, surtout au sein d’une Amérique très puritaine… : ces résistances à la libération sexuelle redevenant, par ailleurs, d’une actualité brûlante, notamment de l’autre côté de l’Atlantique.

Or, l’un des intérêts de cette série grand public — elle a d’ailleurs été prépubliée dans le journal Spirou — est de vulgariser des sujets scientifiques et sociologiques qui devraient toucher de nombreux lecteurs : et, ici, la sexualité et l’accès à l’avortement sont montrés sans vulgarité, en toute simplicité. Aussi, dans cet excellent troisième tome, avons-nous droit à un cours d’éducation sexuelle traité avec élégance et humour, donné par Pacôme lui-même, pour mieux comprendre les mécanismes biologiques de la pilule contraceptive !

Si Caroline Roque (le Ka de la signature BeKa) — occupée à d’autres travaux scénaristiques — a eu l’idée de l’album, c’est son compagnon Bertrand Escaish (qui correspond au Be de leur alias) qui a écrit cet album engagé, lequel fait également évoluer le monde de Spirou : ceci afin qu’il soit plus en phase avec son temps. Grâce à une efficace narration, ce plaidoyer pour le droit à la contraception et à l’avortement — mais aussi, plus largement, à la liberté d’expression des femmes — se lit toutefois avec aisance, malgré l’atmosphère plus sombre qu’à l’accoutumée et la complexité du sujet : que l’on soit adulte ou enfant.

Enfin, le traitement graphique semi-réaliste développé par David Etien reste dans la lignée des Jijé, Franquin, Fournier ou autres Tome & Janry, collant parfaitement à l’ambiance historico-pédagogique : l’artiste réussit même à provoquer, avec son dessin, énormément d’émotion chez le lecteur déjà en empathie avec les affres subies par Pacôme.

Gilles RATIER

(1) Voir sur BDzoom.com : « Champignac T1 : Enigma » par David Étien et BeKa et Champignac et les nazis !.

« Champignac T3 : Quelques atomes de carbone » par David Etien et BeKa

Éditions Dupuis (15,50 €) — EAN : 979-1-0347-6848-6

Parution 7 avril 2023

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