Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Sous-titré « Le Business des frontières fermées », l’album de Jeff Pourquié et Taina Tervonen entend, non pas forcément lever le voile – certains points sont connus -, mais rassembler nombre de faits et de témoignages concernant tout ce qui concerne l’exploitation des exilés dans ses aspects les moins reluisants…
Les reportages ainsi rassemblés commencent par la Sicile, en juillet 2016, alors que des experts extraient d’une épave des dizaines de cadavres des cales d’un bateau de pêche venu d’Afrique du Nord avec environ 800 personnes à bord qu’il faudra identifier… Et déjà , à la clé, cette question : « Pourquoi les gens doivent être traités comme ça, mourir dans ces conditions-là , juste pour avoir une vie meilleure ? », l’année 2016 comptant à elle seule plus de 5 000 morts en Méditerranée.
 Le second reportage date de 2014 et précise les tenants et les aboutissants de Frontex : l’agence européenne des frontières extérieures, créée en 2004. Taina Ternoven donne les chiffres impressionnants de ce qu’elle coûte et indique combien les décisions politiques sont souvent contradictoires sur ce terrain complexe. Dix ans plus tard, rien n’est vraiment différent… Et cette deuxième question à la clé : « Pourquoi ai-je le droit de vire en sécurité et pas eux ? »
Le fait est que les épreuves et les drames auxquels se confrontent les candidats à l’exil sont impressionnants : la traversée du désert notamment, depuis Agadez au Niger jusqu’en Lybie, via l’Algérie. Ce troisième reportage suit, en 2018, Ousman qui vient de Gambie et évoque des aspects très concrets de l’étape que représente Agadez, et le trafic des pick-up venant de Lybie.
Les auteurs évoquent ensuite le port de Mbour, au sud de Dakar, en 2021, et ses pécheurs qui ne parviennent plus à vivre de leur métier à cause des bateaux de pêche industrielle européens, chinois ou turcs qui pillent les ressources halieutiques des côtes sénégalaises, engendrant là encore la tentation de l’exil (via les Canaries). Alors que ce commerce (pêche et séchage) faisait vivre plus de 600 000 personnes, tout s’épuise…
Dernier reportage, à Paris, sur la manne financière que représente l’exil à travers les services et les biens de consommation, l’emploi des exilés souvent en situation irrégulière, le problème de la régularisation… le tout complété par des entretiens sur l’évolution de la politique migratoire en France et en Europe, et leur échec ! Outre l’intérêt de ces différents reportages et l’indéniable souci documentaire qui préside à leur réalisation, insistons enfin sur le travail de Jeff Pourquié : remarquable par la vitalité de son trait et le travail des couleurs qui donnent à ces pages un impact incroyable.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« À qui profite l’exil ? » par Jeff Pourquié et Taina Tervonen
Éditions Delcourt/La Revue dessinée (20,95 €) – EAN : 9782413078890
Parution 29 mars 2023
Bouquin qui a l’air effectivement très intéressant, en espérant qu’il montre autre chose que ce que les médias ont l’habitude de nous asséner sur ce sujet.
Ce flux migratoire qui s’amplifie nous concerne tous et c’est LE problème majeur de notre époque.