Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Entretien avec Guillaume Chauchat autour de son dernier livre jeunesse : l’onirique et surprenant « La Villa nuit »…
Dans la vaste production de bandes dessinées jeunesse, nous distinguons régulièrement dans la rubrique dédiée sur BDzoom.com les plus originales, tant sur la plan graphique que sur celui de la narration. Destinée aux primo-lecteurs, « La Villa nuit » répond à ces deux critères : un scénario original qui laisse une grande ouverture dans les interprétations et un dessin d’une onirique poésie. Pour vous faire partager cette belle découverte, nous avons demandé à Guillaume Chauchat de nous livrer quelques secrets de fabrication. Nous le remercions de sa grande disponibilité.
Bonjour Guillaume, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour BDzoom.com ! Comme vous venez de le dire, je m’appelle Guillaume. Je suis dessinateur depuis maintenant une douzaine d’années.
Cette pratique m’a amené à faire plein de choses différentes : des bandes dessinées, des albums illustrés, des dessins pour la presse et l’édition, des livres auto-édités, des expositions, des objets (le plus souvent en fil de fer), de belles rencontres et même enseigner.
Je vis et travaille actuellement à Strasbourg.
Quel est votre rapport à la bande dessinée ? Est-ce un désir ancien d’en dessiner notamment pour la jeunesse ?
Comme tout le monde, j’ai commencé à dessiner tout petit. Je ne me suis pas arrêté. Je me souviens d’avoir fait mes premières bandes dessinées vers 14-15 ans. J’en ai beaucoup lu aussi. Cependant, il m’a fallu du temps pour me dire que je pouvais y consacrer ma vie. J’ai eu la chance, encore une fois, de faire de merveilleuses rencontres aux Arts décoratifs de Strasbourg, où j’ai fait mes études. J’y ai trouvé les gens qui m’ont donné confiance, et avec lesquels j’ai pu me construire.
Comment résumeriez-vous l’intrigue de « La Villa nuit » ? D’ailleurs, pouvez-vous expliquer le titre ?
Une partie du plaisir de ce livre est de comprendre ce qu’il se passe au fur et à mesure des pages.
Je vais donc me contenter de vous en raconter le début. Jean, un enfant, se promène dans une maison à la recherche d’une chenille, qu’il avait soigneusement mise dans une boîte. Alors qu’il semble frustré de ne pas la trouver, un objet l’interpelle pour lui dire qu’il est sur le point de se réveiller, il est donc dans un rêve.
Pour le titre, je vais aussi laisser au lecteur le plaisir d’en comprendre le sens, non ?
Le lecteur jeune ou plus vieux peut interpréter de plusieurs façons l’intrigue du livre. Était-ce un désir de votre part de laisser une grande liberté d’interprétation à un récit qui laisse la part belle au rêve ?
Oui, je ne voulais pas donner de clef de lecture trop déterminante par rapport au sens de ce rêve. Je suis parti d’un souvenir personnel, mais ce n’est pas ça que je veux raconter. C’est la sensation qui en résulte qui m’intéresse. On peut dire que les sujets sont la disparition et le contrôle. Au-delà de ça, c’est au lecteur que cela appartient.
Vous souvenez-vous de vos rêves ? Est-ce que cela vous a guidé dans l’écriture de l’album ?
Petit, l’arrivée de la nuit et du sommeil suivi de mes rêves, ont eu une place très importante dans ma vie. J’ai continué à avoir un rapport avec mes rêves, jusqu’à mes 30 ans environs. Aujourd’hui, je ne me souviens que rarement de mes rêves. Comme dit l’autre, j’ai dû vieillir.
Votre travail sur les couleurs est remarquable. Elles évoluent au long du récit pour un même objet. Pouvez-vous nous expliquer vos choix sur ce sujet et les raisons de l’évolution de votre coloration ?
Le système est simple : le monde réel est en noir et blanc, le monde du rêve est en couleurs. Mais ce ne sont pas des couleurs réelles, ce sont juste des couleurs. Le seul élément qui relie les deux mondes, ce sont les cheveux roux de Jean.
Le jeune garçon, personnage central du récit, semble perdu dans un monde onirique angoissant. Quelles émotions et sensations voulez-vous partager avec vos jeunes lecteurs ?
Comme je le disais quelques lignes au-dessus, Jean est dans une situation qui échappe à son contrôle. Il utilise ce temps du rêve pour négocier avec cette situation, pour en faire le deuil. L’enfant a peu de contrôle sur la vie qu’il mène. Le monde est pensé pour les adultes. C’est une sensation dont je me souviens.
Y-aura-t-il une suite aux aventures de Jean dans « La Villa nuit » ?
Pas tout à fait une suite. Mais dans la bande dessinée que je suis en train d’écrire, destinée à un public adulte, on retrouve un personnage qui s’appelle Jean et qui a un rapport fort au monde des rêves. Il n’est pas dessiné de la même façon, mais le lecteur le reconnaitra facilement.
Quels sont vos projets professionnels en bande dessinée et dans le monde du dessin ?
« La Flaque d’eau bleue » est un album illustré que j’ai pensé avec Manuel Zenner. Il sort le 16 mars aux éditions La Partie. Les éditions Marguerite Waknine publient « Fjghj » (un recueil de dessins), le 21 avril. D’autres projets jeunesse sont en cours, mais cette année est consacrée à l’écriture et au dessin de la bande dessinée que j’évoquais plus haut, prévue aux éditions 2024.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« La Villa nuit » par Guillaume Chauchat
Éditions Biscoto (16,00 €) – EAN :  978-2-37962-055-3
Parution 3 février 2023