Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Quand Florence Cestac raconte le passage à l’Éducation nationale d’Albert Algoud, c’est évidemment loin d’être triste et conventionnel…
En 1978, Albert Algoud — qui officia à la grande époque de Hara-Kiri ou de Canal+ aux côtés d’Antoine de Caunes — est alors âgé de 28 ans et vient d’être nommé, en tant que professeur de français, dans un collège en Haute-Savoie. Il va s’y révéler un enseignant autant inventif que potache, et va marquer, durablement et positivement, une bonne partie de ses élèves ! Notamment, en leur donnant le goût de la lecture, car il multiplie les idées originales pour éveiller l’esprit de ces jeunes écoliers. C’est cette tranche de vie iconoclaste d’un prof de province fraîchement diplômé — qui va donc devenir ensuite une sorte de clown à la télévision — que transpose en BD Florence Cestac, avec son humour habituel et son dessin « gros nez » toujours aussi vivant et gai…
Albert Algoud, par ailleurs tintinophile averti et spécialiste des jurons d’Haddock, a d’abord fourni à la dessinatrice du « Démon de midi » un imposant manuscrit rempli d’anecdotes et de portraits de ses anciens collégiens ou condisciples. Florence s’est ainsi attelée à mettre tout ça en forme, afin d’en faire une véritable histoire à l’impeccable narration : « Moi, j’aime les BD qui se lisent d’une traite, dont on a envie de tourner les pages, d’aller au bout ! Ça n’a pas été difficile d’expliquer ça au grand fan de “Tintin” qu’est Albert ! »
Piétinant allégrement les directives du ministère, l’atypique Algoud fait feu de tout bois pour tenter de sauver plein d’enfants de leur crasse ignorance culturelle. Transgressant de manière quelque peu anticonformiste le système scolaire d’alors, il leur montre des expos, les emmène au cinéma ou leur fait lire des livres qui ne sont pas forcément au programme. Il est d’ailleurs resté en contact avec la plupart de ses élèves de l’époque, puisqu’ils communiquent toujours et demeurent des amis.
À l’instar d’un Daniel Pennac (encore un bon copain et complice littéraire de madame Cestac !), il adapte ainsi, à sa façon, un processus éducatif trop sclérosé : évitant de forcer les gosses à rentrer dans le moule, en recherchant, à chaque fois, le domaine qui pourrait mieux les intéresser. Il désire avant tout faire vraiment changer leurs vies… mais aussi la sienne ! Hélas, cet enseignement foutraque, quelques fois à la limite de la légalité, n’amuse guère ni le directeur ni certains parents qui commencent à lui mettre des bâtons dans les roues. Découvrant les radios libres au même moment — nous sommes au début des années 1980, où les ondes viennent d’être libérées par le gouvernement Mitterrand —, il trouve en elles un nouveau terrain de jeu. Il est ensuite muté en région parisienne, mais quelque chose s’est cassé et il va même jusqu’à perdre sa bonne humeur et sa patience coutumière : en fait, il n’a plus cette foi qu’il avait dans l’éducation scolaire ! C’est alors qu’on lui présente un autre professeur – bien moins triste que ces collègues celui-là : un certain Choron ! Après, Algoud se rapprochera du groupe Jalons ou rencontrera Antoine de Caunes qui l’embauchera à Canal+…
Ce parcours hors normes est donc formidablement mis en cases et en images par la grande Florence Cestac. Avec ses dessins ronds et caricaturaux tellement caractéristiques, elle nous offre la savoureuse histoire de ce « Prof qui a sauvé sa vie », qui est aussi une réflexion sur le métier de prof, un témoignage sur la vocation d’humoriste, et un reportage sociologique sur une époque : un délicieux album de 60 pages toujours drôles, même si la critique est acerbe !
(1) Sur Florence Cestac, voir, par exemple, sur BDzoom.com : « Ginette » : un essai transformé de BD érotique par m’dame Cestac !, Les souvenirs de famille de Florence Cestac : un bonheur de lecture !, La belle rentrée de Florence Cestac, « Un amour exemplaire » par Florence Cestac et Daniel Pennac, « Le Démon du soir ou la ménopause héroïque » par Florence Cestac, « Des salopes et des anges »…
« Le Prof qui a sauvé sa vie » par Florence Cestac et Albert Algoud
Éditions Dargaud (15 €) — EAN : 978-2-205-20619-7
Voilà donc notre » cercle des poètes disparus » français ! Algoud est un personnage précieux dans notre petit monde de la bd.
Et Cestac, album après album, nous livre toujours des histoires très intéressantes.
Son dessin style » gros nez » donne une légèreté sur des sujets parfois sérieux qui est agréable à la lecture.
Quelle lecture captivante ! L’article sur le passage à l’Éducation nationale d’Albert Algoud, tel que raconté par Florence Cestac, est une véritable bouffée d’air frais. Loin d’être triste et conventionnel, le récit offre une perspective riche en nuances, empreinte d’humour et d’originalité. La plume de Cestac parvient à capturer l’essence de cette transition de manière vivante et engageante. Les anecdotes partagées semblent être bien plus qu’une simple narration ; elles dévoilent une expérience humaine unique et mémorable. Il est rafraîchissant de voir comment l’article échappe aux conventions habituelles pour offrir quelque chose de différent, quelque chose qui éveille l’intérêt et suscite l’imagination. Merci de partager cette histoire non conventionnelle et pleine de vie ! J’attends avec impatience la lecture d’autres récits aussi captivants à l’avenir.