« Latah » : un fascinant survival pendant la guerre du Vietnam…

Avec ce surprenant récit teinté de fantastique, qu’il réalise en assumant seul les dessins et le scénario, Thomas Legrain (le dessinateur de la série « Sisco ») fait une entrée remarquée — et remarquable — dans la mythique collection Signé des éditions Le Lombard : laquelle ne propose que des titres triés sur le volet ! Il rejoint, ainsi, les grands auteurs emblématiques de cette célèbre structure belge que sont Hermann, Dany, Jean Van Hamme, Cosey, Andréas, François Boucq, Olivier Grenson, Warnauts & Raives…

En 1965, une petite troupe de G.I. sillonne la jungle du Sud-Vietnam, après avoir brûlé certaines zones habitées, afin d’obliger les autochtones à se concentrer sur des secteurs plus propices aux combats. Ayant manifestement violé certaines lois de la guerre, ces soldats de l’armée des États-Unis sont traumatisés par la violence de ce qu’ils ont vécu et ont du mal à l’évoquer, même entre eux. Or, plus ils avancent dans le purgatoire d’un enfer vert, plus ils s’égarent,tombant même sur des cadavres viêtcongs massacrés de façon horrible. Un reporter-photographe vietnamien, qui les arejoints en chemin, leur explique qu’ils ont pénétré sur les terres du Latah : et que, selon la légende, ce territoire abriterait les douleurs qu’on inflige au peuple, les victimes devenant ensuite les bourreaux, et vice-versa… C’est alors que les premiers membres du groupe égaré vont commencer à tomber : et on dirait bien qu’aucun d’entre eux n’aura la chance d’en revenir vivant…

En bon aficionado d’un certain classicisme dans le 9e art — bien que nourri aussi au comics et au manga —, Thomas Legrain (1) signe, avec « Latah », une bande dessinée à grand spectacle, quasi « van hammienne », qui nous immerge totalement dans l’immensité d’une jungle devenue le théâtre d’une chasse à l’homme qui semble, en effet, sans issue.

Évidemment, l’histoire doit beaucoup au cinéma de genre, mais nous sommes ici bien loin d’une classique série B gonflée à la testostérone. D’ailleurs, même si l’on n’est pas un amateur des récits de guerre, cette histoire réaliste vraiment angoissante — qui, petit à petit, flirte avec le fantastique — réussit à nous embarquer dès les premières pages, tant elle est solide et passionnante. Avec ce premier scénario de son propre cru, l’auteur démontre qu’il est aussi bon narrateur que dessinateur : ses incroyables scènes d’errances, dans une végétation méticuleusement reproduite, étant particulièrement grandioses et étonnantes !

À noter que Le Lombard propose, depuis le 10 février, une version limitée de grand format, en noir et blanc, à 35 € (EAN : 978-2-8082-1130-7). Elle permet d’apprécier, au mieux, la puissance du trait de cet éclectique artiste doté d’une immense capacité de travail.

Ayant réalisé sa première bande dessinée à l’âge de 12 ans, on doit depuis, à ce petit-neveu du grand Jijé, de nombreux thrillers de qualité scénarisés par Jean-Claude Bartoll (« Mortelle Riviera » aux éditions Glénat — de 2006 à 2008 — et « L’Agence » chez Casterman — de 2006 à 2009 —), par Benec (les 12 albums de « Sisco » au Lombard, de 2010 à 2021) ou par Stephen Desberg (le one-shot « Bagdad Inc. », également au Lombard, en 2015) ; sans oublier la trilogie « The Regiment » avec Vincent Brugeas (au Lombard, de 2017 à 2019), où il s’était déjà essayé aux récits de guerre.

Gilles RATIER

(1)  Voir par exemple sur BDzoom.com : « Sisco T10 : Maori blues » par Thomas Legrain et Bénec, « Bagdad Inc. » par Thomas Legrain et Stephen Desberg ou Rencontre avec Thomas Legrain, à propos de la série « Sisco ».

« Latah » par Thomas Legrain 

Éditions Le Lombard (23,50 €) — EAN : 978-2-8082-0514-6

Parution 24 février 2023

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