N’hésitez pas à revenir régulièrement sur cet article, puisque nous l’alimenterons, jour après jour, avec tout que nous envoient nos amis dessinateurs, scénaristes, coloristes, libraires, organisateurs de festivals et éditeurs pour vous souhaiter de joyeuses fêtes : et ceci jusqu’à la fin du mois de janvier 2025 !
Lire la suite...Le collège, quelle angoisse…
Il y a des passages dans la vie qui rendent anxieux toutes les personnes. Mais si l’arrivée en 6e génère un grand stress pour tous les enfants, cette angoisse prend aux tripes le très sensible Elliot. Le préadolescent la matérialise sous la forme d’une grosse boule orange sur pattes. Loin de le calmer cette véritable boule d’angoisse accroit la tension intérieure d’Eliott. De quoi être au bord des larmes pour lui et faire rire le lecteur, enchanté par ce récit d’autofiction caustique de ses années collège par le jeune auteur Théo Grosjean.
Eliott est sensible, trop sensible sans aucun doute. Il quitte le monde sécurisant et familier de l’école primaire où il était parmi les plus grands pour un collège inconnu.
Il est pétrifié, il ose à peine déambuler dans la cour d’un établissement dont il ne maitrise pas les codes. Il aperçoit, soudain, aussi apeuré que lui, se cachant derrière un arbre, une boule à quatre pattes et deux yeux globuleux qui transpire à grosses gouttes.
C’est un ami imaginaire en pire : tout simplement son angoisse matérialisée qui lui annonce qu’il vient d’entrer dans le monde merveilleux de l’adolescence : « ÉT’es plus en CE 2, là. Tes petits camarades t’ignorent parce que tu as encore une tête de bébé, et puis ils ont sûrement vu que tu avais une étiquette avec ton nom sur ton pull. Le plus simple, c’est que tu attendes que tous les groupes soient formés. Il restera que les têtes de bébé mal habitées. Ensemble, vous formerez le groupe des « sans amis ». Mais au moins tu ne seras plus tout seul. »
Commence alors un dialogue quotidien entre Elliot et son angoisse qu’il est évidemment le seul à voir.
Au lieu de le rassurer, cet ami imaginaire renforce son mal-être, car paranoïaque il voit avant le collégien toutes les situations qui vont mettre à mal sa faible confiance en lui : sa présentation au reste de la classe, le fait de s’assoir sur le banc des élèves populaires, d’être trop exposé au milieu de la cour de récréation ou de devoir chanter devant toute la classe en cours de musique.
Heureusement pour Elliot, il réussit à se faire deux amis : le tout aussi timide Hari et la très débrouillarde Aya qui protège les deux garçons du harcèlement de leurs camarades de classe.
Au fil des 62 pages de l’album, Elliot grandit (un peu), s’ouvre aux autres (un peu plus), mais reste toujours sous la dépendance de sa boule d’angoisse paranoïaque qui accroit, quand elle intervient, son anxiété. Il redoute toujours autant les remarques de ses enseignants vus comme des êtres malfaisants et encore plus celles des autres collégiens qui, pense-t-il, ne songent qu’à l’agresser. Il croise, en fin d’album, celle qu’il n’espérait plus : Églantine, une jeune camarade qui voit son ami imaginaire anxiogène, car elle-même est accompagnée par une bestiole similaire.
Une planche de préface dessinée Théo Grosjean explicite ce que sera la série « Elliot au collège ». Il y développera les (mes)aventures de son jeune alter-ego de la 6e jusqu’aux années lycées, voire au-delà. Il s’inspire des pires souvenirs de sa scolarité, comme la fois où il a été le dernier à être choisi lors de la formation des équipes de handball en EPS pour décrire les tourments d’Elliot. Cette autofiction est porté par un humour omniprésent, de quoi tourner en dérision tous les moments traumatisants vécus par le jeune héros.
Né en 1995, Théo Grosjean a déjà publié plusieurs bandes dessinées d’autofiction autour des sentiments et des angoisses de ses alter-ego : les deux volumes de « L’Homme le plus flippé du monde » ou « Le Spectateur », par exemples.
Son récit évolue au rythme de planche-gag ou de courtes histoires toujours aiguillées par un humour distancié, grinçant voire un peu ironique.
Le jeune auteur maîtrise déjà parfaitement tout autant le rythme d’une histoire sur 60 pages que celui d’une planche-gag.
Son trait stylisé, fluide et finement encré, emprunte à celui de Lewis Trondheim. Il a avoué, récemment, qu’à l’âge de huit ans, la découverte de « Donjon » (la série de Sfar et Trondheim) a été une révélation qui a vraiment influencé son dessin et sa manière de raconter des histoires.
À Théo Grosjean de suivre le chemin tracé par ses glorieux maîtres : ses premiers albums ont révélé un véritable auteur complet qui maitrise les subtilités de la narration graphique. Un auteur à suivre avec Elliot dans le magazine Spirou et dans le prochain album, à la découverte de la classe de 5e…
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Elliot au collège T1 : Panique en sixième » par Théo Grosjean
Éditions Dupuis (9,90 €) – EAN : 979-1-0347-5778-7
Parution 13 janvier 2023