Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Variations sur Marilou à la campagne…
Marilou est une petite fille vive au caractère très affirmé, voire trop affirmé parfois. Sa condition de fille unique participe sans doute à la construction de ce caractère entier. Mais elle ne peut s’opposer à ses parents quand ceux-ci décident de déménager de la ville à la campagne voisine. Elle n’en voit que les inconvénients, jusqu’à la survenue d’un événement extraordinaire…
Être fille unique n’est pas une sinécure. Vous êtes bien seule pour vous opposer à vos deux parents en cas de désaccord, et encore plus seule pour ressasser votre malheur après une dispute familiale. C’est le cœur lourd que Marilou doit s’avouer vaincue : elle doit quitter sa chambre et ses copines de classe pour partir habiter à la campagne.
Une belle maison, certes, mais fort isolée au milieu des champs, des prés et des bosquets, et de surcroit sans électricité la première journée : et pire que tout, sans wifi pour connecter sa tablette !
Et ce n’est que le début de ses malheurs.
À la recherche désespérée de la 5G, elle fait connaissance avec les pires aspects de la campagne : des limaces moches, gluantes et baveuses, des plantes sauvages qui piquent (des orties ), des fourmis qui mordent les fesses ou de grosses araignées.
Et, pis encore, en pleine nuit, c’est l’horreur absolue : « Ce bruit… C’est affreux !!! » s’écrit-elle, car elle n’entend rien ; pas une moto qui passe, pas un voisin qui regarde la télévision, seulement : « le bruit du silence ». Pour Marilou, ce n’est pas la magie de la campagne vantée par ses parents, mais bien un cauchemar rural qui n’en finit pas.
Pour se remettre de ces premières 24 heures traumatisantes loin de la ville, Marilou part faire une balade champêtre. Au détour d’un chemin elle est surprise qu’on l’interpelle et encore plus quand elle se rend compte que c’est un âne qui lui parle.
Elle s’approche discute avec Gédéon, c’est le nom de l’âne, avant d’être interrompue par un rouge-gorge.
Comme l’oiseau n’a pas de nom, elle le baptise Georges, car c’est un mâle ; « féroce et costaud » selon ses dires. Ses deux nouveaux amis conseillent à Marilou de ne pas confier le secret de leur dialogue à ses parents pour qu’ils ne la prennent pas pour une « folle dingo ».
Commence alors pour la fillette des gentilles aventures, dans un rayon restreint autour de sa demeure, avec ses deux nouveaux amis. De quoi apprivoiser la faune et la flore locale ; des araignées à une pie finalement pas très bavarde et apprécier les paysages naturels au fil des saisons. Ce n’a pas été facile, mais finalement Marilou découvre la vraie magie de la campagne : de quoi oublier le beauté facile et un peu factice de sa ville d’origine.
Auteur de BD adultes sensibles ; personnelles comme « Ce n’est pas toi que j’attendais », ou engagées comme le triptyque « L’Odyssée d’Hakim » ou « Les Reflets du monde en lutte », Fabien Toulmé a su trouver le ton juste pour s’adresser aux jeunes lecteurs pour sa première incursion en BD jeunesse.
Pas de temps mort dans « Marilou », mais un récit qui avance vite au rythme généralement de quatre cases par planches, avec des dialogues incisifs d’une grande drôlerie : que ce soit entre Marilou et les animaux ou entre la jeune fille et des parents bien désemparés par l’esprit de contradiction de leur unique enfant.
Le dessin rond et faussement naïf d’Olivier Dutto est d’une grande expressivité. Il est au service d’un scénario enjoué tout comme les couleurs spontanée et naturelles, forcément naturelles de BenBK (Benoît Bekaert).
Petits et grands trouveront un plaisir certain à la lecture du premier volume de « Marilou » : une bande dessinée amusée et amusante qui, avec élégance et légèreté, aborde des thèmes environnementaux à hauteur d’enfants ; que ce soit sur l’acceptation de petites bestioles que d’aucuns qualifient de nuisibles ou sur la beauté indépassable des paysages naturels de l’espace rural. Si c’était cela, finalement, la magie de la campagne.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Marilou T1 : La Magie de la campagne » par Olivier Dutto et Fabien Toulmé
Éditions Delcourt (10,50 €) – EAN :  978-2-4130-4491-8
Parution 2 novembre 2022