Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...L’histoire d’une déportation oubliée…
En adaptant le roman éponyme de Caroline Laurent, Laurent Galandon et Rachid N’Haoua reviennent sur le sort réservé à la fin des années soixante aux habitants de Diego Garcia : l’une des îles de l’archipel des Chagos rattaché à l’île Maurice et sous administration du Royaume-Uni. Pas moins de sept atolls dont on a chassé purement et simplement les habitants pour installer une base américaine…
Les Chagossiens sont certes rattachés à l’administration mauricienne, mais ils habitent à plus de 1 000 km des Maldives et plus de 1 800 km de Maurice. Autant dire que le sort qui les attend est peu visible de Port-Louis : la capitale où les magouilles coloniales vont bon train. Du jour au lendemain, on annonce ainsi à la population qu’elle doit quitter le terrain. Pire : les 2 000 habitants ont une heure pour déguerpir !
Dans « Rivage de la colère », la romancière exposait les tenants et les aboutissants cette déportation soudaine, inhumaine et massive de Chagossiens analphabètes et totalement démunis. Le traitement romanesque de cette histoire méconnue lui permettait d’ajouter des personnages comme Gabriel : Mauricien venu seconder l’administrateur colonial et qui tombe amoureux d’une chagossienne.
L’autre contexte important de cette histoire est l’accession à l’indépendance de l’ile Maurice, en 1968 : une indépendance qui n’empêche pas la cession de l’archipel des Chagos aux Américains qui implantent, en ce lieu stratégique, une base militaire.
L’album retient aussi le sort qui attend des Chabossiens à présent regroupés dans des bidonvilles. Eux qui travaillaient dans une plantation de coprah se retrouvent marginalisés, sans travail, sans argent… Le combat pour défendre leurs droits et obtenir réparation ne fait que commencer !
À l’heure où les médias encensent la reine disparue, il serait bon de rappeler aussi tout ce qu’elle a laissé passer de situations inhumaines envers certains citoyens du Royaume-Uni…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Rivage de la colère » par Rachid N’Haoua et Laurent Galandon
Éditions Philéas (18,90 €) – EAN : 9782491467395
Parution 22 septembre 2022