Outre le remarquable « Planète Arédit » de Benoît Bonte, coédité avec Néofélis, que nous avons déjà mis en avant sur notre site (1), les éditions P.L.G — petite structure portée par l’infatigable passionné qu’est Philippe Morin — ont sorti deux autres essais sur le 9e art dans leur collection Mémoire vive. Et ils méritent votre attention, d’autant plus que leurs sujets sont pour le moins originaux et qu’ils sont concoctés par des spécialistes du genre : il s’agit d’une part d’une histoire de la bande dessinée au Luxembourg, et d’autre part des métamorphoses médiatiques de la BD et des jeux vidéo. Incontournables, improbables et donc indispensables !
Lire la suite...Hagard : un enquêteur de l’Histoire chez nos ancêtres les Gaulois…
Si les élèves rêvent souvent en classe ou même en sortie scolaire, le jeune Hagard, lui, s’endort n’importe où en journée : dans le bus ou au cœur d’une visite pédagogique. Rassurez-vous, sa narcolepsie n’est pas un handicap pour apprendre ses leçons d’histoire : ses rêves le transportent au cœur du passé et pour ses premières aventures au temps où les Gaulois peuplaient l’actuel territoire de la Somme. « Hagard, enquêteur de l’Histoire »: une excellente série didactique, avec laquelle on apprend sans oublier de s’amuser.
Hagard est un enfant de l’école primaire enthousiaste, sociable, mais terriblement gaffeur. Le matin, au réveil, il aime bien raconter à sa mère ses rêves les plus réalistes. Ils l’emmènent dans un passé parfois lointain, par exemple au temps des pharaons égyptiens où ses bourdes lui attirent des ennuis jusqu’à son réveil en sursaut. Justement, ce matin pas de temps à perdre, car avec sa classe ils doivent se rendre au centre archéologique de Ribemont-sur-Ancre dans le département de la Somme. Des camarades le chahutent dans le bus sur sa terrible habitude de s’endormir sans prévenir pendant le temps scolaire. Ils le surnomment Hagard Retard. Sa copine, la volontaire Cléo, le défend avec assurance, mais avant d’arriver sur le site, le jeune garçon s’est endormi, la tête contre la vitre de l’autobus.
C’est le début d’un voyage dans le temps en trois parties pour Hagard, toujours sur le même lieu : d’abord en 250 avant notre ère, puis en 20 et enfin 220 après Jésus-Christ. De quoi découvrir dans un premier temps un peuple celte encore indépendant avec des guerriers qui coupent et conservent la tête de leur ennemi vaincu, mais aussi des agriculteurs ingénieux et des coutumes culinaires étonnantes : le chien est notamment un met recherché. Près de trois siècles plus tard, les Gaulois de la province de Belgique sont en voie d’assimilation dans l’empire romain naissant : ils utilisent le garum comme condiment comme à Rome et un fanum a remplacé leur ancien sanctuaire. Enfin au IIIe siècle, le petit vicus est un village comme les autres dans l’empire avec des thermes et des plaques dédicatoires en latin.
Lors de ses voyages oniriques Hagard croisent de jeunes personnages qui ressemblent à ses camarades de classe, souvent sauvé par une sosie de Cléo au prénom proche tel Cléis. L’humour est omniprésent lors des escapades celtiques du jeune garçon maladroit, de quoi faire passer avec élégance et sans effort apparent de belles connaissances sur nos ancêtres les Gaulois. Entre chaque séjour antique une double page didactique illustre, dans de courts paragraphes illustrés, des éléments historiques et archéologiques croisés dans la fiction : de constructions réalisées à partir d’os humains dans un sanctuaire à l’art de la guerre des Celtes et du travail des artisans gaulois au bijou emblématique de ce peuple : le torque.
On ne peut que louer le sérieux des connaissances historiques distillées au fil d’un album initié par l’archéologue Gilles Prilaux pour le scénario du professeur d’histoire-géographie Mathieu Lavallée et le dessin de Greg Blondin. On retrouve à l’origine de la bande dessinée le Centre archéologique de Ribemont-sur-Ancre construit sur un ancien sanctuaire gaulois. Une première édition a été distribuée gratuitement aux collégiens de la Somme, il y a quelques années. Les éditions de la Gouttière ont l’excellente idée de publier de nouveau la série à destination d’un public plus large. En 2023, la sortie de nouveaux tomes est programmée pour « Panique au paléolithique » et « Les Secrets de l’oppidum ».
Nous attendons avec une certaine impatience les prochaines aventures de Hagard, charmés que nous sommes par la vivacité de ses voyages temporels, des dialogues pertinents et amusés, le dessin rond et dynamique de Greg Blondin, et bien sûr aussi par l’envie d’en apprendre davantage sur le passé, parfois méconnu, de notre territoire.
À bientôt donc Hagard : jeune héros qui voyage dans le temps, mais ne perd jamais le Nord, même en rêve. Nous vous révèlerons lors de la parution du prochain volume le pourquoi d’un prénom peu commun pour ce héros. Patience…
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Hagard T1 : Le Mystère des coupeurs de tête » par Greg Blondin, Mathieu Lavallée et Gilles Prilaux
Éditions de la Gouttière (12,00 €) – EAN : 978-2-35796-070-1
Parution 2 septembre 2022