« Châteaux Bordeaux » : happy end !

Chaleureusement accueillie par l’industrie des vignerons en pleine mutation, la saga familiale imaginée par Corbeyranpour Espé trouve sa conclusion avec ce douzième album. C’est l’occasion de saluer une série destinée à un large lectorat, qui mêle avec astuce le vécu d’une noble profession et une riche intrigue. À la fois documentaire et fiction, « Châteaux Bordeaux » témoigne aussi de la bonne santé de la bande dessinée traditionnelle.

De sombres nuages planent sur l’avenir d’Alexandra Baudricourt, héritière de la vaste exploitation viticole du domaine du Chêne : des problèmes judiciaires, d’abord, alors que va s’ouvrir le procès qui l’oppose à l’écologiste Mélanie Migneault. Des ennuis policiers, ensuite, après le crash de l’hélicoptère qui transportait son chef de culture. Des déboires sentimentaux également, après avoir découvert que son mari Nicolas la trompe. Des difficultés financières, enfin, puisqu’elle est contrainte de vendre son domaine de l’Entre-deux-mers pour sauver de la faillite la SCEA Baudricourt. Sans renier son désir de faire évoluer les méthodes de production ni perdre son indépendance, la jeune femme affronte avec courage les nombreux obstacles qui se dressent sur sa route. À cette riche intrigue romanesque s’ajoute, pour le lecteur, la découverte de l’univers des grands crus : ceci grâce à des séquences didactiques judicieusement glissées au fil d’un scénario passionnant. À la fois thriller, saga familiale et documentaire, cette histoire possède tous les atouts d’une excellente série télévisée. Ce douzième album est le troisième et dernier de la seconde saison. En créant « Châteaux Bordeaux », le scénariste Corbeyran dont l’œuvre dépasse les 350 albums, ouvre les portes de la bande dessinée à la viticulture. En 2018, il imagine « À table », série parallèle située dans le même univers et également dessinée par Espé, dont deux albums sont aujourd’hui disponibles.   Malgré une production folle — il assure trois collaborations simultanées, Espé propose des pages riches en décors, respectant les détails techniques avec le même soin dans la recherche de documentation qu’un spécialiste de l’aviation ou de l’automobile. Né à Mazamet le 6 décembre 1974, Sébastien Portet, dit Espé, étudie le dessin aux Beaux-arts de Toulouse. Passionné par la bande dessinée il crée le fanzine Broute. Il débute en dessinant de courtes histoires pour les éditions Petit à petit. En 2003, il lance « Territoire » puis « Le 3° Œil » avec Corbeyran aux éditions Delcourt. Tout en proposant quelques histoires indépendantes, il anime « Châteaux Bordeaux » depuis 2011. Il travaille aujourd’hui sur trois séries : « Château Bordeaux », « L’Agence des invisibles » — un scénario original de Marc Levy pour les éditions Philéas — et « Soyons sérieux, restons idiots » : courtes histoires qu’il dessine dans un style plus humoristique dans Fluide glacial. Malgré les contraintes économiques qui obligent les dessinateurs réalistes à accélérer la cadence, sontrait demeure rigoureux et riche en détails.

 Bien que cet album conclue de fort de belle manière les aventures d’Alexandra Baudricourt, on ne peut que souhaiter pouvoir savourer prochainement un troisième cycle. En attendant, il est conseillé aux amateurs de vins et de BD de découvrir « Vinifera », l’autre grande série consacrée à la grande histoire de la vigne et des vins écrite par Éric Corbeyran. Deux nouveautés s’ajouteront en octobre prochain aux 14 albums déjà publiés : « Le Porto, le vin des Anglais » dessiné par Marco Bianchini et « Le Vin et la Chine » illustré par Luc Brahy.

Henri FILIPPINI

« Châteaux Bordeaux T12 : Le Sommelier » par Espé et Éric Corbeyran 

Éditions Glénat (14,50 €) — EAN : 978-2-3440-3280-0

Parution 7 septembre 2022

Galerie