Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Maya, une poussière d’étoiles attendrissante…
Maya est une petite fille curieuse qui se pose beaucoup de questions, tout au moins qui pose beaucoup de questions à son oncle Eugène. Ce dernier essaye d’y répondre le plus précisément possible et ce n’est pas toujours facile, car ses réponses amènent d’autres questions et le dialogue se poursuit ainsi avec bienveillance et un humour certain. Loin de son travail sur « Game Over », Adam s’affirme, avec « Maya T1 : Poussière d’étoiles », comme un talentueux auteur complet.
L’ouvrage commence par un rappel étourdissant de l’infini de notre univers ; de notre petite planète bleue aux superamas qui contiennent plus de 10 000 galaxies, en passant par notre soleil si grand par rapport à la Terre, mais si petit par rapport à d’autres étoiles ou à la Voie lactée qui regroupe 200 milliards d’étoiles… quand un « Stop ! » autoritaire interrompt ce parcours spatial multiscalaire. C’est la petite Maya qui fait cesser la démonstration pourtant argumentée de son oncle Eugène. Elle lui rappelle, fort à propos, que sa question portait sur l’existence, ou non, de Dieu. Celui-ci pense clore le débat par une citation de Stephen Hawking : « Nous sommes des êtres insignifiants vivant sur une planète mineure dans une galaxie parmi des centaines de milliards, alors, il est difficile de croire en un dieu qui se préoccuperait de nous. » Pas déstabilisée pour un sou, Maya lui rétorque que : « C’est pas parce que nous sommes insignifiants que Dieu n’existe pas ! Peut-être même que s’il est sympa, il s’occupera plus de nous parce qu’on est tout petits ». Ce dialogue caustique montre le sens de la répartie des deux personnages et ce n’est que le premier échange d’un album riche en conversations animées.
Eugène est patient. Il répond toujours avec tact aux multiples questions de sa nièce, que ce soit sur l’intelligence des végétaux ou la possibilité d’être végétarien quand on adore manger des burgers par exemples.
Fort heureusement pour lui, Maya se trouve un camarade à haut potentiel intellectuel. Cela repose le quinquagénaire quand Leonardo parle avec Maya de la vie extraterrestre, des flexitariens ou des dangers pour la liberté individuelle des réseaux sociaux.
Ils deviennent assez proches pour que la jeune fille lui révèle la cause de ses cauchemars : ses parents ont disparu, l’avion dans lequel ils étaient s’est comme évaporé et on n’a jamais retrouvé l’épave de l’appareil. Pourtant, pour Maya, il subsiste un mince espoir de les revoir un jour.
Moins revendicative que Mafalda, plus moderne que les enfants de « Peanuts », mais plus anxieuse que Pico Bogue, Maya est la nouvelle héroïne de bande dessinée qui interpelle par son questionnement incessant sur le sens de la vie et sur le moindre détail du monde complexe qu’elle découvre. Faussement naïve, elle ne se satisfait pas des réponses des adultes et attaque bille en tête des problématiques sociales d’une brûlante actualité ; sur la protection de la nature, les menaces des réseaux sociaux pour nos libertés ou l’équilibre alimentaire à défendre avec moins de viande au menu. Le ton n’est jamais sentencieux ; il y a une vraie confrontation d’arguments et ce qu’il faut d’humour pour rendre agréable quelques échanges didactiques.
Adam (Adam Devreux) est étonnant de facilité dans sa première bande dessinée comme auteur complet.  « Maya T1 : Poussière d’étoiles » est une suite fluide d’histoires courtes autour d’une petite fille au répondant aiguisé. L’assistant de Midam sur des séries d’humour comme « Game Over » et « Kid Paddle », dispose d’un trait léger et efficace tant dans la narration que pour l’expression de sentiments parfois complexes. Ce n’est pas la moindre qualité de la bande dessinée que de réserver aux lecteurs quelques séquences très émouvantes sur la résilience de l’héroïne et avec un cliffhanger surprenant. De quoi susciter l’envie de connaitre la suite des dialogues entre Maya, Leonardo et Eugène dans un tome 2 dont nous espérons une publication rapide.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Maya T1 : Poussière d’étoiles » par Adam
Éditions Glénat (14,50 €) – EAN :  978-2-344-04753-8
Parution 24 août 2022