Ce qu’il faut de silence pour un travail de deuil…

Il est difficile d’expliquer la fugacité de la vie à des enfants. Ainsi, quand ils sont confrontés frontalement à la perte d’un proche, le travail de deuil doit-il être mené par un dialogue patient et tendre. C’est le sujet délicat qu’aborde « Le Silence de l’ombre » : une bande dessinée jeunesse dans laquelle une maman parvient à rassurer son fils à partir du récit d’un voyage fantastique. L’imaginaire au secours de la détresse infinie…

Une maison en bois au fin fond d’une clairière, près de la forêt, respire le bonheur. Une jeune maman regarde souriante par la fenêtre son père pousser son fils sur une balançoire accrochée à un arbre. Ivre de joie, l’enfant vole de plus en plus haut. Quand brutalement tout s’arrête, le grand-père victime d’une crise cardiaque laisse désemparés sa fille et son petit-fils qui tenait tellement à lui.

Nao, dix ans, est inconsolable. Il en veut à sa mère de ne pas être aussi effondré que lui. Pour lui, elle continue de vivre normalement, ne parait pas assez triste après le décès de son propre père.

Il refuse qu’elle le console. Ainsi, un soir, elle lui confie qu’elle peut parfaitement le comprendre car toute jeune elle a dû accepter la mort de sa sœur jumelle après celle de sa mère.

Engoncé dans son lit, Noa tend néanmoins l’oreille quand Aïko commence à lui raconter l’état de désarroi dans lequel elle était après la disparition de sa jumelle.

Comme Nao, Aïko pleurait beaucoup et refusait toute aide, elle voulait que ses chers disparus reviennent. Or, une nuit un ours géant lui laisse dans sa chambre une boîte jaune avec à l’intérieur une feuille et une paire de lunettes. C’est en les mettant sur le bout de son nez que la petite fille peut lire sur ladite feuille le début sibyllin d’un message « Si tu es perdue… ».

Toujours chaussée de ces verres correcteurs elle aperçoit sa défunte sœur sur une balançoire. Elle s’élance pour la voir de plus près et c’est le début d’une course poursuite dans un monde imaginaire peuplé d’animaux fantastiques parlants, d’arbres facétieux et de champignons protecteurs.

Il lui faut trouver l’ombre froide qui envoie de terribles spectres qui pétrifie tous ceux qui s’opposent à eux. Pour l’aider dans cette quête de nouveaux messages lui sont transmis.

Ce beau conte familial a été écrit à quatre mains. Scénariste confirmé (« Ils ont tué Leo Franck », « Simone Veil ou la force d’une femme », …) Xavier Bétaucourt a aidé la novice Élodie Garcia à construire un récit cohérent, empreint de bienveillance et de tendresse sur un sujet difficile.

La jeune autrice a illustré elle-même avec un style faisant la part belle aux expressions et avec un découpage original ce conte métaphorique sur le nécessaire travail de deuil.

Son travail évoque parfois celui de Léa Mazé, dont nous vous avons entretenu ici et là, dans le sens où il traite avec pudeur et justesse de thématiques universelles autour de la mort ; de son acceptation, du travail de deuil, du sentiment de solitude à surmonter avec l’aide de ses proches.

Le voyage onirique de la mère de Nao...

Histoire familiale, sensible et délicate, « Le Silence de l’ombre » s’adresse à un vaste lectorat, dès dix ans. La partie onirique permet aux plus jeunes d’appréhender la mort d’êtres proches et peut les aider au besoin à comprendre le lent cheminement du deuil qui est narré ici avec une grande pudeur.


Laurent LESSOUS (l@bd)

« Le Silence de l’ombre » par Élodie Garcia et Xavier Bétaucourt

Éditions Jungle (15,95 €) – EAN : 978-2-8222-3407-8

Parution 20 janvier 2022

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