Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Quand la reine du crime vous invite « À l’hôtel Bertram »…
Si les adaptations des romans d’Agatha Christie (1890-1976) se comptent par dizaines, rendons grâce – concernant le 9e art – à la belle collection initiée chez Paquet depuis 2017. Prenant la relève d’une précédente collection, interrompue chez Emmanuel Proust (24 titres parus entre 2002 et 2013), l’éditeur se sera autorisé une remise esthétique au goût du jour, sans rien renier de l’atmosphère policière old school inhérente à la célèbre romancière britannique. Déjà riche d’une dizaine de tomes, la collection se complète d’un classique : souhaitant renouer avec la douceur d’un moment de jeunesse passé « À l’hôtel Bertram » (1965), Miss Marple se retrouve à enquêter de manière inopinée sur des faits surprenants. Les agissements d’une bande de malfaiteurs seraient-ils en effet liés à ceux des clients évoluant dans le prestigieux établissement londonien ? Ouvrez l’œil : les planches ligne claire d’Olivier Dauger recèlent bien des mystères !
Enrichie par divers auteurs (Frédéric Brémaud, Isabelle Bottier, Callixte, Chaiko, etc.) qui n’avaient pas œuvré sur les précédents albums réalisés chez Emmanuel Proust, la collection créée chez Paquet se développe de manière régulière, alternant entre héros et récits phares d’Agatha Christie. Outre « Ils étaient dix » (2020), six tomes sont ainsi déjà parus autour d’Hercule Poirot (Kenneth Branagh devant lui-même, enfin, voir sa propre version de « Mort sur le Nil » – prévue initialement fin 2020 – surgir sur les écrans en février 2022) et un autour du couple Beresford. Miss Marple n’avait elle aussi et jusque ici eu droit qu’à unique titre, paru en 2017 : « Un cadavre dans la bibliothèque », déjà réalisé par le duo composé du scénariste suisse Dominique Ziegler et du dessinateur Oliver Dauger. Plus connu des amateurs de théâtre, le metteur en scène genevois avait alors réalisé sa première incursion dans la bande dessinée avec cette adaptation réussie. Transposant l’action du roman (paru en 1941) dans les sixties, l’album, précisons-le, profitait du dessin de l’habile Olivier Dauger. Ce dernier, comme le savent les connaisseurs, est devenu un grand habitué des vieilles mécaniques – volantes ou roulantes ! – et des décors historiques associés aux années 1940-1960 (cf. par exemple ses séries « Ciel de guerre » ou « Zone rouge »), ce au profit des collections Cockpit et Calandre.
Détective amatrice vivant à St Mary Read, un village de fiction installé dans la paisible campagne anglaise, Miss Marple apparait pour la première fois en 1930 dans le roman « L’Affaire Protheroe ». Devenue l’archétype du « détective en fauteuil » ou du salon de thé en raison de son grand âge, l’héroïne au sens de déduction aiguisé n’a parfois même plus besoin de se rendre sur le terrain pour résoudre le mystère. Dans « À l’hôtel Bertram », elle garde ainsi un contact relativement distancié avec les différents témoins de l’affaire, tout en résidant sur les lieux même de l’énigme. Si le présent album, à l’instar du téléfilm diffusé en 2007 (Geraldine Mc Ewan y interprète la détective) accentue la présence physique de Miss Marple, précisons encore que l’ouvrage initial de 1965 en faisait presque, à l’inverse, un personnage secondaire. Si le récit se focalisait d’emblée sur l’arrivée de Miss Marple dans ce luxueux hôtel, l’enquête s’attachait ensuite – dès les premiers crimes perpétrés – à suivre en réalité les pas et suppositions de l’inspecteur-chef Fred Davy. L’héroïne ne retrouvait en définitive son plein rôle que lors de l’épilogue, afin d’appuyer les déductions policières.
Alternant les séquences meurtrières, les temps humoristiques et ceux dédiés à l’enquête, le canevas dressé par Dominique Ziegler rend justice à l’ouvrage originel. Faux huis-clos (les agissements du gang sont en scène extérieure) truffé de vraies-fausses pistes, « À l’hôtel Bertram » (lieu également fictif, mais inspiré du véritable Brown’s Hotel londonien) est un exquis parcours policier, rendu au cordeau avec cet album. Quittée en 1976 avec « La Dernière Énigme », Miss Marple – l’on s’en doute – n’a jamais vraiment dit son dernier mot : l’annonce en septembre de sa reprise de service chez Harper Collins n’étonnera donc personne ! La mise en chantier d’une douzaine de récits inédits, écrits par autant d’autrices différentes, donnera peut-être matière à de futures adaptations d’aussi bonne teneur…
Philippe TOMBLAINE
« Miss Marple T2 : À l’hôtel Bertram » par Olivier Dauger et Dominique Ziegler
Éditions Paquet (16,00 €) – EAN : 978-2889369843
Parution : 1er décembre 2021
« Prenant la relève d’une précédente collection, interrompue chez Emmanuel Proust (24 titres parus entre 2002 et 2013) »
Qui elle-même reprenait et prolongeait la collection chez Lefrancq des années 1990 (seulement 5 titres parus).