Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Berezina : tout le contraire d’un long fleuve tranquille…
Vous préférez l’histoire ou la géographie ? Voyager dans le temps ou dans l’espace ? Avec ce « Bérézina », vous avez les deux, puisque les auteurs adaptent le récit de Sylvain Tesson qui a refait en side-car le trajet de Moscou à Paris, sur les traces de Napoléon, presque deux siècles jour pour jour après la retraite de Russie…
De fait, voilà un album qui piège, car même si on ne voue pour Napoléon un culte particulier, le trajet de trois Français et deux Russes traversant la Russie, la Biélorussie, la Pologne et l’Allemagne, non sans difficultés mécaniques ou climatiques, car réalisé en plein hiver, ne manque pas d’intérêt. Certes, parallèlement, nous est racontée la débâcle tragique de l’armée française, les tourments des soldats, les étapes du parcours (Smolensk, Minsk, la Bérézina, Vilnius…), mais les aller-retours entre les deux périodes construisent peu à peu et adroitement un récit d’une grande originalité.
Même si on peut regretter ici et là des couleurs un peu lourdes masquant le dessin, le travail de Virgile Dureuil reste extrêmement séduisant. On lui doit déjà « Dans les forêts de Sibérie », adapté du même Sylvain Tesson : un premier album extrêmement réussi.
Non seulement c’était déjà les terres russes, mais on y trouvait ce sens du décor, de l’immensité, puisque Tesson avait décidé de s’isoler pendant plusieurs mois, dans une cabane au bord du lac Baïkal, pour « y profiter de l’hiver et du printemps, de ses neiges silencieuses, de son lac gelé et miroitant, de son silence [pour] pour lire, pour écrire et pour s’écouter vivre, sans pression civilisatrice, juste la nécessité de couper du bois, de faire du feu, de s’alimenter», comme nous le disions ici-même à propos de cet album.
Avec « Berezina », ce n’est plus la même chanson : parallèlement aux galopades des chevaux ou du pas cadencé des troupes napoléoniennes, c’est à présent le ronronnement des moteurs, doublé par les rugissements des camions qui frôlent les pilotes sur des routes glissantes et dangereuses. Des grognards affamés qui fuient la Russie à ces aventuriers qui revisitent leur parcours, 200 ans ont passé et plus rien n’est pareil… sauf les paysages, le froid, la neige…
Les amateurs de l’épopée napoléonienne, doivent savoir qu’en 2016, les éditions Dupuis, en l’occurrence Frédéric Richaud et Ivan Gil, ont adapté l’ouvrage de Patrick Rambaud intitulé originellement « Il neigeait », sous le titre « Bérézina ». La trilogie (dont il existe une intégrale sortie en 2019) racontait par le menu cette période où, après la victoire de Borodino, les portes de Moscou s’ouvraient devant la Grande Armée. Mais, plutôt que de signer la paix, les Russes préférèrent incendier leur capitale poussant l’empereur à une désastreuse et humiliante retraite, provoquant des dizaines de milliers de morts…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Berezina » par Virgile Dureuil, d’après Sylvain Tesson
Éditions Casterman (20 €) – EAN : 9782283223523
Parution : 17 novembre 2021