Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Rectificando T1 : Famille de sang » : un nouveau régime rectifié pour « Le Triangle secret » !
Lancée avec succès par Didier Convard en avril 2000, « Le Triangle secret » aura permis à bien des lecteurs de mieux comprendre les arcanes de la franc-maçonnerie. Poursuivie notamment avec la complicité de Denis Falque, Gilles Chaillet, Christin Gine, Pierre Wachs et André Juillard, cette saga ésotérique n’aura ensuite eu de cesse d’engendrer d’envoûtants spin-offs, dont l’actuel « Rectificando ». Enquêtant sur les pas d’un journaliste assassiné par une secte de chrétiens fondamentalistes surnommée La Fratrie, le rectificateur Jean Nomane aura une nouvelle fois fort à faire… Un premier one-shot d’espionnage, à la tonalité haletante et aux résonances religieuses fortes.
Créée autour des controverses bien réelles concernant les « Manuscrits de la mer Morte » et la vie du Christ, la saga du « Triangle secret » (sept volumes et trois hors-séries) se sera écoulée à 1,5 million d’exemplaires depuis 2000. Avec 20 000 exemplaires du T1 (« Le Testament du fou ») vendus dès le premier mois, Didier Convard avait anticipé le succès en préparant déjà une suite, « I.N.R.I. », soit quatre tomes s’intéressant au périple de cinq chevaliers se rendant en Terre sainte pour y rechercher le tombeau du Christ. Pensant en avoir fini avec cet univers, Convard eut l’agréable surprise de voir son directeur éditorial chez Glénat (Henri Filippini, bien connu des lecteurs de BDzoom.com !) lui proposer, en 2007, d’écrire une deuxième suite. Naîtront ainsi les cinq tomes des « Gardiens du sang », publiés entre 2009 et 2013. Cette série dérivée, dont le titre pointe une milice secrète du Vatican, voyait cette dernière doublement manÅ“uvrer dans l’ombre à la fois pour étouffer les vérités et trouver la recette de l’immortalité. Manipulateurs et échappant à l’autorité papale, ces gardiens s’opposaient à un certain Jean Nomane, efficace agent secret du Triumvirat, une faction concurrente. Outre « Hertz » (cinq tomes parus entre 2006 et 2015, s’intéressant à la vie de Martin Hertz – mystérieux protagoniste du « Triangle secret » -, ainsi qu’à sa famille à travers les siècles), Convard enchaîna de 2015 à 2020 avec les six tomes de « Lacrima Christi ». Cette fois-ci, les gardiens du sang et Nomane tentaient de remettre la main sur une arme biologique foudroyante, basée sur une souche virulente de la peste bubonique et contre laquelle n’existe aucun remède. Thriller et écheveau virtuose alternant action, investigation, suspense, humour, histoire (du Moyen Âge à nos jours), religion et références internationales, le scénario de Didier Convard ne laissait rien au hasard, appuyé par les cadrages expressifs du Lyonnais Denis Falque.
Ayant débuté comme coloriste (notamment pour Corbeyran et Olivier Berlion sur « Le Cadet des Soupetard »), Falque avait été embauché par Glénat pour dessiner les planches contemporaines du « Triangle secret », en lieu et place d’André Juillard, auteur manquant cruellement de temps. Ayant fait ses preuves, Falque prit en charge dans les années suivantes « I.N.R.I. » (Pierre Wachs est alors chargé de la partie contemporaine), « Hertz » (Gine l’appuie pour les planches se déroulant de nos jours), puis le dessin complet des « Gardiens du sang » et de « Lacrima Christi ». Entretemps, et toujours avec Convard, Falque trouvera également l’énergie de signer « Le Protocole du tueur », diptyque paru entre 2007 et 2008.
Avec un titre tel que « Rectificando », les auteurs entérinent le retour du rectificateur Jean Nomane, émule de James Bond, Jason Bourne et Ethan Hunt. L’intrigue débute avec le passage à tabac mortel et nocturne d’un journaliste, infiltré d’un peu trop près au sein de l’inquiétante secte baptisée La Fratrie. Qu’avait-il découvert de si compromettant ? Voici le défi lancé à l’habile héros de Convard et Falque, auteurs qui poursuivent donc les méandriques destinées de la saga du « Triangle secret » avec ce… 31e ouvrage ! Toujours fortement documenté et environné de nombreuses notes et photos, Convard conjugue passion et talent narratif pour faire découvrir la franc-maçonnerie à un lectorat profane (voir la série dédiée parue récemment). Composée d’une série de one shots, « Rectificando » devrait également permettre de coller au plus près d’une actualité marquée d’une part par l’élargissement des champs culturels et d’autre part par les revendications politiques ou religieuses les plus extrêmes. Précisons, pour terminer cette chronique, qu’il revient à Christian Blondel (directeur artistique des éditions Glénat) de décider du choix des couvertures. Une composition effectuée en accord avec les idées soumises par Denis Falque, avant la réalisation finale d’André Juillard, lequel assure ainsi une certaine unité à la saga depuis désormais une vingtaine années. La fiction n’empêche nullement le respect de certains degrés symboliques…
Philippe TOMBLAINE
« Rectificando T1 : Famille de sang » par Denis Falque et Didier Convard
Éditions Glénat (14,95 €) – EAN : 978-2344044605
Parution 10 novembre