La saga des sirènes par un grand prix d’Angoulême…

Déjà partiellement publié il y a 23 ans, « Mermaid Forest » était l’un des premiers mangas à être traduit en français. Adaptée de la version anglophone, cette édition n’a jamais été complétée, jusqu’à ce jour. Doté d’une nouvelle traduction et enrichie des épisodes manquants, il est enfin possible de lire en français l’intégralité de la saga des sirènes concoctée par Rumiko Takahashi (Grand prix d’Angoulême de 2019). Découvrez ou redécouvrez le destin tragique de Yuta et Mana dans cette série horrifique s’étalant sur des centaines d’années.

Première édition, déjà chez Glénat.

Ce premier volume de « Mermaid Saga » comporte cinq aventures, dont quatre histoires doubles publiées sporadiquement dans les diverses éditions du Shonen Sunday de Shogakukan : l’éditeur historique de Rumiko Takahashi. La première, publiée en 1984 au Japon, pose les bases d’une saga qui n’en est pas encore une au moment de la publication. Cette aventure en deux parties devait être une publication unique, montrant une autre facette de la dessinatrice vedette de l’époque. Alors que Takahashi réalise déjà deux séries humoristiques « Lamu » (« Urusei Yatsura ») et « Juliette, je t’aime » (« Maison Ikkoku »), elle s’essaye à des récits courts en décalage avec ce qui a fait son succès. C’est pourquoi ce premier récit, « Les Sirènes ne savent pas rire » (« Ningyo wa warawanai »), a un graphisme plus sombre, avec un scénario de pure aventure : Yuta, un jeune homme immortel est à la recherche de sirènes, car il pense qu’il pourra reprendre le cours de sa vie s’il mange de nouveau la chair de celle-ci. C’est en effet à la suite d’une soirée avec des camarades pêcheurs, il y a 500 ans, qu’ils ont dégusté une chair étrange censée provenir de ces femmes poissons. Or, si Yuta a ainsi obtenu la jeunesse éternelle, ses infortunés camarades sont morts violemment en se tordant de douleur, le visage déformé avant d’expirer dans une agonie plus ou moins longue. Son périple va l’amener à rencontrer Mana : une jeune fille gardée captive par un groupe de vieilles sirènes qui veulent, elles aussi, la manger pour retrouver leur jeunesse. Mais cela ne va pas se passer comme prévu, Yuta contrecarrant leurs plans.

Le deuxième récit, lui aussi en deux parties, est paru en 1985. « Le Village du poisson combattant » (« Toogyo no Sato ») remonte dans le temps et nous présente le passé de Yuta, alors qu’il échoue dans un village de pêcheur. Même s’il reprend le personnage principal, ce récit ne forme pas encore une saga telle que Takahashi aurait pu l’envisager. C’est avec les autres parties, plus connues, « Mermaid Forest » (« Ningio no mori »), « La Fin d’un rêve » (« Yume no Owari ») et « Un lendemain de promesse » (« Yakusoku no Ashita »), ainsi que les histoires à paraître dans le second volume, qu’une continuité se met réellement en place. Le lecteur suit le périple de Yuta et Mana, toujours à la recherche des sirènes, et peut-être de la promesse de reprendre une vie normale au lieu de survivre pour l’éternité. Il ne faut donc pas s’étonner du décalage entre les deux premières aventures et les suivantes.

Récemment compilée en trois volumes au Japon, cette saga est ici proposée en deux gros tomes qui regroupent les 16 chapitres que l’autrice a dessinés sur une période de dix ans. Même si ses dernières séries fantastiques flirtent avec les démons et autres créatures issues du folklore paranormal, ce n’est pas comparable avec les histoires pessimistes et le dessin parfois gore de « Mermaid Saga ». Le public visé est clairement les jeunes adultes. L’humour est moins présent que dans ses récits pour un public plus jeune. Rumiko Takahashi n’hésite pas à parler de la mort et la montrer de la manière la plus crue. Le trépas est souvent violent, aussi bien pour les humains que pour les sirènes. Et cela va même crescendo et les monstres occupent de plus en plus de place au fil des récits. La scène de la sirène embrochée sur des pieux dans la grotte au cinquième épisode est particulièrement morbide. Bien évidemment, comme Yuta est immortel, il subit les pires supplices. Dans le neuvième chapitre, il risque même de se faire trancher la tête avec une tronçonneuse dans la plus pure tradition des films d’horreur en vogue dans les années 1980.

« Mermaid Saga » a également été adapté en animation directement sortie en vidéo dès 1991 pour la partie « Mermaid Forest » et 1993 pour « Mermaid Scar ». Puis, en 2003, la partie « Mermaid’s Forest » a de nouveau fait l’objet d’une série de 13 épisodes qui suit quasiment les différents plans du manga. Les deux derniers, reprenant la partie « Mermaid Scar » étant seulement sorties en vidéo, car ne pouvant pas réellement être édulcorées des scènes violentes comme les autres épisodes.

Å’uvre d’une grande notoriété à travers le monde, cette série restait pourtant inédite dans sa totalité en France : le premier volume étant en plus difficilement trouvable aujourd’hui. C’est donc une bonne nouvelle que Glénat se décide à rééditer et compléter la saga des sirènes de l’une des plus grandes autrice de manga actuelles. Seul regret, les pages en couleurs ne sont imprimées qu’en noir et blanc dans cette édition qui est pourtant assez prestigieuse avec son grand format et sa jaquette couverte d’un vernis brillant et aux lettres dorées. Il reste maintenant à fouiller les fonds de tiroir, car d’autres titres de Takahashi, comme « One Pound Gospel », restent malheureusement non traduits à ce jour.

Gwenaël JACQUET

« Mermaid Saga » T1 par Rumiko Takahashi
Éditions Glénat (14,95 €) – ISBN : 978-2-344-04792-7
Parution : 20 octobre 2021

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