Je ne laisserai personne dire que les années collège sont les plus belles…

Entre l’enfance de l’école primaire et l’adolescence qui tend vers l’âge adulte des années lycée, être collégien est souvent une période difficile où l’on se cherche, entre quête de modèle et besoin du regard approbateur des autres. Mais il y a aussi des inadaptés à ce monde très normé, qui vivent très bien leurs différences, du moins quand ils ne sont pas victime de harcèlement. « Le Club des inadapté.e.s » relate avec tendresse et acuité la vie de quatre collégiens qui ont trouvé leur équilibre sans se soucier de l’avis de leurs camarades moutonniers.

Martin, Edwige, Erwan et Fred stressent un peu en cette journée de rentrée scolaire. Ils sont gentils, mais vivent un peu à l’écart des groupes majoritaires de leurs classes. Ils ne cherchent pas à être populaire ou à s’intégrer en suivant la mode du moment, chacun à sa façon, ils assument le fait d’être inadapté à la vie au collège.

Un peu enrobé, Martin a toujours le mot pour rire, sans doute pour oublier son chagrin depuis le décès de sa mère et la dépression qui accable son père. Médecin, ce dernier reçoit en effet ses patients en robe de chambre, ce qui n’est pas fait pour enjouer l’atmosphère familial. Le lunatique Erwan s’habille en costumes-cravates trop petits pour lui et se perd dans la réalisation d’objets parfois utiles, parfois loufoques.

Grande, pour son âge, métisse à lunettes ayant la bosse des maths, Edwige étonne par sa maturité qui lui provient sans doute de la précarité dans laquelle vit sa famille. Fred assume, elle, son blouson de cuir, ses vêtements grunges et sa coiffure verte. Elle souhaite devenir guitariste et chanteuse de rock’n’roll tendance métal.

Le petit groupe s’est fabriqué un sanctuaire, une cabane dans une clairière où ils peuvent se retrouver au calme, discuter, échanger. Une saine amitié unit les quatre adolescents.

Différents, mais complices, ils se sont baptisés le club des inadaptés, car ils se considèrent comme inadaptés à vivre avec les autres collégiens. Et finalement ils vivent très bien cette situation, jusqu’au jour où Erwan se fait agresser dans rue, tabassé par un groupe d’individus, sans doute d’autres collégiens qui le harcelaient auparavant.

Sur sont lit d’hôpital il confie ainsi à ses trois amis : « J’ai rien compris, ils sont arrivés par derrière et ils m’ont tapé comme ça, sans explication. Je ne sais même pas qui c’est… Si je les connais, j’ai rien vu… Je sais pas ce que j’ai fait pour mériter ça. »

Le quatuor est abattu, profondément bouleversé par cet accès soudain de violence. Erwan souffre par la suite de phobie scolaire, il ne veut pas retourner dans le collège Simone Veil, le temps de panser ses plaies physiques et psychologiques. Ce que ses camarades ignorent, c’est qu’il peaufine une vengeance avec ses moyens et son imagination toute personnelle : une machine égalisatrice qui doit rétablir l’égalité entre tous.

Malgré les préventions de Martin, il l’introduit dans l’établissement scolaire et là surprise : elle semble agir contre les ennemis du club des inadaptés : allergies alimentaires et accidents semblent affecter les élèves les plus populaires ! Est-ce le hasard, une prophétie autoréalisatrice ou est-ce que l’étrange machine d’Erwan rétablit réellement l’égalité entre tous les élèves ? Martin, Edwige et Fred ne savent plus quoi penser…

En 2010, parait « Le Club des inadaptés » : un roman jeunesse que l’on doit à la plume inventive de Martin Page. Avec le talent qu’on lui connait, Cati Baur l’adapte en bande dessinée, en féminisant le groupe qui devient « Le Club des inadapté.e.s. » dans une écriture inclusive que nous nous refusons de juger.

L’autrice qui a particulièrement réussie sa précédente adaptation littéraire, celle de « Quatre Sœurs » de Malika Ferdjoukh dont nous avons vanté les qualités ici et là, a su capter et transcrire ce qui fait le sel de ce récit. Elle développe, sans mièvrerie et une grande justesse des thématiques fortes sur le harcèlement, la pression du groupe mais aussi la force de l’amitié et de la solidarité et l’importance d’assumer et de faire respecter sa différence, voire d’en faire une force.

Son trait souple est sensible aux émotions de personnages attachants. Réhaussé de couleurs pop, il porte une histoire émouvante sur la difficulté d’être adolescent aujourd’hui. Toujours bienveillante, la bande dessinée délivre un message positif à tous les jeunes lecteurs qui ne doivent pas hésiter à revendiquer leur différence quelle qu’elle soit. La diversité des caractères du groupe de héros facilite l’identification pour une large gamme de collégiens.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Le Club des inadapté.e.s » par Cati Baur, d’après Martine Page
Éditions Rue de Sèvres (14,00 €) – EAN : 978-2-81021-382-5

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