Vivant depuis 25 ans avec Tanie — qui est aveugle d’un œil et qui, en conséquence, doit se démener tous les jours pour s’adapter de son mieux aux charges du quotidien —, le dessinateur et scénariste Marc Cuadrado a repris ses crayons pour nous expliquer comment sa courageuse femme fait face à sa déficience visuelle. Pour l’occasion, cet adepte du style gros nez — « Norma » chez Casterman et « Parker & Badger » chez Dupuis ou « Je veux une Harley » pour Frank Margerin chez Fluide glacial et Dargaud (1) — renoue avec la discipline graphique qu’il avait abandonnée depuis une dizaine d’années : passant à autre trait, plus semi-réaliste, où sa plume se fait alors tendre et émouvante… même s’il insuffle toujours sa lumineuse touche d’humour personnelle !
Lire la suite...Jean-Claude Mézières : son ultime livre !

Les vieux croulants dans mon genre se souviennent encore, avec émotion, de ce jour de novembre 1967 où ils ont découvert les premières pages de « Valérian » : dans le n° 420 de l’hebdomadaire Pilote. 55 ans plus tard, son éditeur consacre un ouvrage somptueux au dessinateur octogénaire : un retour mérité sur une carrière exemplaire.
À la question « L’art de Mézières est une sorte de bilan ? », Jean-Claude Mézières répond : « Oui, on pourrait le résumer de cette manière : on fait le ménage et on s’en va ! Il s’agit bien évidemment de mon ultime livre. À 83 ans, il vaut mieux fermer la porte et se retirer sans faire trop de bruit. »
Sage décision, alors que trop nombreux sont les auteurs qui font l’album de trop : d’autant plus que le dernier dessin repris dans ce beau livre est une Laureline datant de 2020.
Sans chercher à en limiter le coût, les graphistes des éditions Dargaud proposent un écrin aux originaux présentés sous leur meilleur jour.
Bien sûr, « Valérian » est l’épine dorsale de l’ouvrage, mais pas seulement. Le cinéma, le dessin animé, la presse, la publicité, autant de disciplines qui lui ont été familières, s’invitent au fil des 240 pages de cet art book au format 28 x 30.
Plus émouvant encore, les premiers dessins réalisés par Jean-Claude Mézières tout juste sorti de l’adolescence pour les journaux de la presse catholique : Fripounet et Marisette, Cœurs vaillants, Âmes vaillantes… Le sommet de l’émotion est atteint avec la publication d’extraits de « Tintin en Californie » : « son Tintin », forcément inédit, réalisé à 13 ans et déjà prometteur. Ce très beau livre est celui d’un artiste touché dès l’enfance par le démon de la bande dessinée qui, au prix de gros efforts, a fini par en devenir l’un des auteurs incontournables.
Un texte discret, mais indispensable, signé Christophe Quillien (auquel il a ouvert ses archives) nous accompagne dans ce voyage, commentant chaque reproduction avec la complicité du dessinateur qu’il connaît bien.
Même si son œuvre nous est familière, on ressort une fois encore émerveillés par cette époustouflante promenade au cœur d’une œuvre unique.
Jean-Claude Mézières représente le meilleur d’un certain âge d’or de la bande dessinée : où le jeune lecteur la découvrait chaque semaine dans son hebdomadaire préféré.
Pierre Christin, son scénariste et ami, le Linus de ses débuts, propose une préface aussi drôle qu’émouvante.
Ce pavé indispensable, dont le prix que certains jugeront élevé est justifié, est une excellente idée de cadeau pour le père Noël : une claque pour ceux qui découvrent aujourd’hui son œuvre foisonnante, une sacrée bouffée de nostalgie pour les autres.
À noter aussi l’existence d’un très beau dossier de presse de 12 pages, au format de l’album, qui fera un jour la joie des collectionneurs.
Henri FILIPPINI
« L’Art de Mézières » par Jean-Claude Mézières et Christophe Quillien