Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Sousbrouillard » : de l’importance des histoires et des rencontres…
Sara Delevent est une jeune femme qui n’a jamais connu sa famille et, donc, ignore ses origines. Elle quitte tout (mais de toute façon, elle n’avait pas grand-chose !) pour un village un peu hors du temps, construit autour d’un lac sombre et mystérieux : Sousbrouillard. Le prolifique duo formé par le dessinateur Terkel Risbjerg et la scénariste Anne-Caroline Pandolfo frappe fort, avec un récit à tiroirs et à plusieurs voix très imaginatif, lequel nous transporte dès les premières pages.
Sara laisse donc derrière elle sa vie parisienne sans histoire, car sa vieille tante qui l’a élevée lui a communiqué, sur son lit de mort, l’unique indice en sa possession concernant ses parents. Il s’agit d’un petit bout de tissu déchiré qui n’est autre que son bracelet de naissance où est griffonné un seul mot qui a vibré comme une promesse : Sousbrouillard.
Dans ce « désert au milieu de nulle part », elle va multiplier les rencontres avec d’insolites autochtones aux personnalités complexes : à l’instar d’Octave Mortensen, d’Ava De Moore et son serviteur Aimé, de Lazare Molina ou de l’étonnante et charismatique Sœur Martine Sauveur.
À tour de rôle, ils vont tous lui raconter leurs différents parcours « cabossés et rocambolesques », hauts en couleur, riches de lourds passés, souvent tristes et émouvants. Sara les écoute avec empathie et intérêt, au point qu’elle finit par en oublier sa propre quête, se focalisant plus particulièrement à un mystère datant d’une quarantaine d’années où un jeune couple s’est noyé dans le lac avoisinant. C’est d’ailleurs lorsqu’elle ne s’y attendra plus que lui sera révélé le nœud secret de tous ces récits et qu’elle saura enfin d’où elle vient…
En quasiment 200 pages d’histoires intrigantes un peu fantasmagoriques, chargées d’une atmosphère poétique et philosophique de bon aloi, « Sousbrouillard » est une bande dessinée tout à fait envoûtante…
À noter qu’en ce domaine, l’excellent graphiste danois Terkel Risbjerg collabore aujourd’hui exclusivement avec sa compagne qui n’est autre que l’autrice de livres jeunesse Anne-Caroline Pandolfo : diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg en expression plastique, cette scénariste a également travaillé un temps dans l’animation. Depuis 2012, le couple produit au moins un ouvrage par an et même deux cette année après le récent « Le Don de Rachel » paru chez Casterman : c’est donc leur neuvième roman graphique publié (1), et c’est certainement l’un des plus réussis (même si « Serena », « Perceval », « La Lionne : un portrait de Karen Blixen » et « Enferme-moi si tu peux », mérite eux aussi largement le détour).
Gilles RATIER
(1)  Voir : « Perceval » par Terkel Risbjerg et Anne-Caroline Pandolfo, « La Lionne : un portrait de Karen Blixen » par Terkel Risbjerg et Anne-Caroline Pandolfo, L’Art brut en bande dessinée ? et « Serena » par Terkel Risjberg et Anne-Caroline Pandolfo.
« Sousbrouillard » par Terkel Risbjerg et Anne-Caroline Pandolfo