Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Le goût d’une île… très particulière !
En 2005, la Britannique Victoria Hislop publie un roman au succès phénoménal : 2 millions d’exemplaires dont 700 000 en France depuis 2012. « L’Île des oubliés » est un roman plein de sentiments, bons et mauvais, de drames amoureux, mais il s’attache également à raconter une face méconnue de l’histoire crétoise : une histoire d’exclusion, que Fred Vervisch et Roger Seiter viennent d’adapter en bande dessinée…
À la recherche de ses origines familiales, une jeune Anglaise s’approche de la mystérieuse Spinalonga : une île minuscule au large du petit port de Plaka, au nord de la Crète. Elle veut notamment comprendre pourquoi sa mère a violemment rompu avec son passé. Elle va peu à peu y rencontrer les gens qui savent tout de sa généalogie. Ainsi, se reconstruira, sur plus de 60 ans, l’histoire amoureuse et tumultueuse de la famille Petrakis : des histoires de femmes, surtout, des femmes fortes dont les destins ont été passablement chahutés. Mais l’essentiel, pourrait-on dire, n’est pas là …
De 1903 à 1957, en effet, Spinalonga était une colonie de lépreux. Le roman évoque ainsi le sort qu’on réservait aux malades obligés de s’isoler pour ne pas contaminer les autres, repoussés à jamais sans espoir de retour. S’est alors créé, peu à peu, un monde à part : une colonie, où il fallait coûte que coûte survivre et s’entraider. Mais les lépreux ne sont pas voués à mourir en quelques jours. Certains ont des formes moins évolutives que d’autres, tant et si bien que cette île de pestiférés s’organise si bien qu’on sent que, pour certains, il y fait désormais bon vivre. La démocratie et des progrès non négligeables (écoles, électricité…) font presque oublier la maladie et l’exclusion.  Mais, en face, on ne voit pas toujours d’un bon œil cette société où, la médecine faisant des progrès, certains ont des velléités de retours. La peur et l’intolérance de villageois à la vie rurale et traditionnelle risquent bien de tout compliquer…
Pas facile de résumer un roman de 500 pages qui court sur des dizaines d’années, mais Roger Seiter – qui a adapté bien d’autres Å“uvres – s’en sort très bien : privilégiant les moments de conflits, sans jamais négliger les « dérives » sentimentales qui font le sel du roman. De son côté, Fred Vervisch réalise d’un trait sec et nerveux, des dessins d’une belle lisibilité. Il va à l’essentiel, stylise les décors, épaississant ici et là les contours d’un trait de pinceau, le tout rehaussé des couleurs très lumineuses, un style parfaitement résumé par la couverture extrêmement séduisante. Avec de tels dessins, on n’oublie pas « L’Île des oubliés ».
Puisqu’on parle de la Crète, signalons que les éditions Cambourakis viennent de publier le tome 1 de la biographie en bande dessinée de Nikos Kazantzaki, le romancier crétois connu pour « Alexis Zorba » et « La Dernière Tentation », adaptés au cinéma.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« L’Île des oubliés » par Fred Vervisch et Roger Seiter, d’après Victoria Hislop
Éditions Philéas (18, 90 €) – EAN : 9782491467180
 « Kazantzaki » par Antonin et Allain Glykos
Éditions Cambourakis ( 23 €) – EAN : 9782366245875