Et si vous pouviez parler à l’enfant que vous avez été ?

Après son hilarant (mais trop méconnu) « Toajêne », l’illustration de la série « Chronosquad », deux « Donjon » avec Joann Sfar et Lewis Trondheim ou son remarqué « Un océan d’amour » écrit par Wilfrid Lupano (1), le prolifique et talentueux Grégory Panaccione adapte, avec justesse, l’original et touchant roman de Cyril Massarotto paru chez XO en 2017 : sa narration graphique innovante réussissant autant à nous émouvoir qu’à nous amuser avec l’histoire de cet homme adulte qui se redécouvre enfant. Peu à peu, il va apprendre à se reconstruire, à aller de l’avant, et à enfin réaliser tous ses rêves de môme…

Samuel Verdi, trentenaire un tantinet déprimé, fête son anniversaire, seul face à des assiettes vides pour souffler ses bougies. Histoire de tromper sa solitude, il appelle une ex avec laquelle il a rompu depuis huit ans et qui le rembarre sans ménagement… Sans invités et sans amis à qui parler, il sabre quand même une bouteille de champagne : liquide qui se déverse sur son portable devenu HS. Il attrape alors son téléphone fixe… Mais comme tout le monde, il ne connaît plus aucun numéro par cœur et le seul qui lui revient en mémoire est celui de son enfance : celui de la maison du bonheur familial depuis trop longtemps disparu. Par curiosité, il le compose… Et non seulement quelqu’un va répondre, mais ce garçon au bout du fil n’est autre que lui-même, lorsqu’il avait dix ans ! Mais que dire au gosse que l’on était 25 ans plus tôt ?

Finalement, chaque soir, à travers ce téléphone, Samuel va s’interroger : que reste-t-il de l’enfant en nous ? Ce petit être qu’il était serait-il fier de sa vie d’aujourd’hui ? Aurait-il vraiment envie d’être l’adulte qu’il est devenu ? Ne l’a-t-il pas trahi en renonçant à ses rêves ? Grâce à ce dialogue inattendu et inespéré, Samuel va, peu à peu, devenir acteur de son destin. Et avancer, enfin !

Ce formidable message d’espoir, qui tient à la fois de l’histoire d’amour psychologique, du récit fantastique et du conte surréaliste, est remarquablement adapté par Grégory Panaccione. Tout en restant fidèle à l’intrigue, il a coupé pas mal de scènes — le roman comportant de nombreuses descriptions —, tout en amenant quelques idées bien pensées qui complètent habilement l’ouvrage d’origine.

Cependant, c’est surtout sa narration graphique qui permet de retranscrire à merveille la tendresse et l’émotion que l’on trouvait déjà dans le livre de Cyril Massarotto. Ainsi, c’est le dessin qui est privilégié aux textes et aux flash-back : les styles et les mises en pages (du semi-réalisme au dessin d’humour déjanté et de la bande dessinée classique à l’illustration pleine page ou aux développements quasi oniriques sur deux planches) se succédant et s’entrecroisant pour le plus grand plaisir du lecteur…

Bref, voilà un roman graphique qui met tout autant la larme à l’œil que le sourire aux lèvres : en un mot, une BD qui fait du bien !

Gilles RATIER

(1)  Voir : Dans « Toajêne », BD déjantée et jubilatoire, les microbes peuvent aussi tomber amoureux…, « Chronosquad T3 : Poulet et cervelle de paon à la Romaine » par Grégory Panaccione et Giorgio Albertini et Donjon, la série mythique de Sfar et Trondheim, revient… : et ça nous fait plaisir !.

« Quelqu’un à qui parler » par Grégory Panaccione, d’après Cyril Massarotto

Éditions Le Lombard (22,50 €) — EAN : 9 782 808 202 404

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