Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...La Chine au quotidien…
Alors que la Chine fête ces jours-ci les 100 ans de son parti communiste, deux albums nous parlent d’elle. Le premier écrit par un journaliste qui raconte son quotidien là -bas entre 1987 et 1989 (l’année de Tian An Men) et le second qui évoque en trois histoires le diktat de l’enfant unique et le drame quand une famille le perdait…
Dans « Robinson à Pékin : journal d’un reporter en Chine », le journaliste Éric Meyer raconte comment il s’est installé à Pékin, comment surtout il a su y rester en tant qu’indépendant pendant deux ans, de 1987 à 1989. Comme pigiste, il inquiète les autorités chinoises qui apprécient des profils autrement plus précis. Tout est compliqué pour s’installer, mais Meyer s’y plait et fait venir son épouse qui attend un bébé.
Ces deux années, qui comptent la tragédie de Tien An Men, lui permettent de comprendre les méandres de la vie quotidienne chinoise qu’il décrit à travers anecdotes et observations, notamment sur l’existence de deux monnaies différentes qui séparent le peuple et les privilégiés, les tickets de rationnement et le « marché libre », l’industrie de la bicyclette, et mille autres facettes qui construisent peu à peu une vision critique du régime chinois (et parallèlement, de l’univers si différent d’Hong Kong). Le journaliste s’intéresse évidemment aux responsables politiques, notamment à Den Xiaoping, et au massacre de Tian An Men, en mai 1989. L’épisode sanglant est observé de près, analysé, notamment l’interdiction qui est faite aux journalistes de communiquer sur les « opérations de pacification en cours » et qui feront 10 000 morts, semble-t-il !
La dessinatrice Aude Massot réalise l’album d’un trait léger. Elle a notamment séjourné en mai 2018, et son « Carnet de voyage » final complète le récit par une vision du Pékin contemporain et traditionnel à la fois. Rappelons aussi qu’Éric Meyer a beaucoup écrit sur la Chine, notamment « Pékin, place Tian An Men » (Actes Sud, 1989)… et « Robinson à Pékin » (Laffont, 2005) !
Dans « Quand l’enfant disparait », le scénariste Wang Ning évoque, lui, le temps et la politique autoritaire de l’enfant unique adoptée en 1979. La Chine y a mis fin en 2016 avec, désormais, la politique de deux enfants par famille. En préface, un premier texte en retrace l’historique, puis le scénariste explique longuement pourquoi et comment il a réalisé cet album.
La perte de cet enfant était, de fait, une tragédie pour les familles qui la subissaient : et c’est ce raconte Wang Ning. Trois auteurs l’accompagnent. Le premier, Ni Shaoru, est tout simplement époustouflant de réalisme pictural et de découpage, ce qui donne une puissance dramatique incroyable à l’histoire d’un enfant disparu, kidnappé peut-être. Les deux autres récits sont également très joliment dessinés.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
[L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook.
« Robinson à Pékin : journal d’un reporter en Chine » par Aude Massot et Éric Meyer
Éditions Urban Graphic (25 €) – EAN : 9782372590846
« Quand l’enfant disparait » par Ni Shaoru, Xu Ziran, Qin Chang et Wang Ning
Éditions Mosquito (20 €) – EAN : 9782352839156