Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Rencontrer les Bédouins du Sinaï…
Sous-titré « La Terre qu’illumine la Lune », « Sinaï » est un reportage sur les Bédouins qui peuplent cette région d’Égypte : un reportage né dans les iles Eoliennes, lorsque le scénariste Lelio Bonaccorso rencontre Fabio Brucini qui vit là -bas avec sa famille depuis 1990. La mer Rouge attire alors les plongeurs et Sharm El-Sheikh se développe avec les touristes. Et puis, terrorisme et crises internationales ont sérieusement ébranlé les charmes de Sharm… et tout a changé !
Toujours est-il que Lelio Bonaccorso accepte l’invitation d’aller découvrir ces Bédouins, dont Fabio Brucini lui vante les qualités considérant « qu’ils ont beaucoup de choses à nous enseigner ». Lelio découvre alors cette région qui se méfie et se sécurise au maximum avec des checkpoints policiers un peu partout. Puis, son ami l’invitant à rencontrer quantité de personnes susceptibles de lui faire connaitre au plus près la culture bédouine, Lelio est très vite séduit, notamment par ce principe de base de leur mentalité : observer, savoir observer car, dans le désert où il n’y a apparemment rien, c’est primordial.
Désireux de prendre les informations de la bouche même des habitants, les rencontres se multiplient et les traditions locales – de l’art du thé à la notion d’entraide en passant par les médecines traditionnelles – sont détaillées avec force histoires illustrant ces principes, des histoires d’hommes transmises de père en fils et qui régissent « l’esprit du désert ».
Pour ce qui est des femmes, évidemment, c’est moins facile. Le mariage est ritualisé, mais apparemment pas imposé à la femme qui constitue une figure centrale de la tribu, nous dit-on ; mais les traditions lui imposent encore bien des réserves, et elles sont « destinées à rester à la maison ». Certaines pourtant font des études, vont à l’université, mais c’est rare.
Le désert égyptien dans toute sa splendeur et sa magie se déploient sur de nombreuses pages où les couleurs de Giuliana La Malfa et Deborah Braccini font merveille. Sans elles, cet album n’aurait pas la même saveur. On visite bien évidemment le célèbre monastère Sainte-Catherine, ce haut-lieu interreligieux puisque les cultes chrétien et musulman y sont représentés.
Alors quid de la sécurité dans le Sinaï ? À en croire l’un des interviewés, ce sont les médias qui trompent le monde sur la réalité : « En Italie, dit-il, on manipule beaucoup d’informations » avec la volonté « de ruiner les relations entre occident et orient » et de développer le sentiment de la peur. « Cet endroit est plus tranquille que ce que l’on pense » dit un autre. Toujours est-il que cet album donne envie d’aller y voir…
À noter qu’un petit dossier final apporte d’autres renseignements sur les Bedu et leurs modes de vie.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
[L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook.
« Sinaï » par Lelio Bonaccorso et Fabio Brucini
Éditions Futuropolis (24 €) – EAN : 9782754829465