Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Pas facile d’être une adolescente, encore moins facile d’être une sorcière, il est donc difficile d’être une sorcière adolescente…
Zora a 12 ans et elle ne veut pas de la vie monotone des filles de son âge. Elle veut vivre l’existence exaltante de sorcière, pouvoir partir à l’aventure et profiter de tous les sortilèges que ses parents lui ont appris. Oui, mais voilà , sa grand-mère ne lui laisse pas le choix : elle doit entamer sa scolarité au collège et se mélanger à des nonsorciers sans intérêt. Zora doit alors s’ouvrir aux autres et tempérer ses envies d’indépendance… comme toutes les adolescentes.
Il existe encore des sorcières de nos jours et leur vie n’est toujours pas facile, pourchassées qu’elles sont par les personnes sans pouvoir particulier ; les nonsorciers. Ainsi, les parents de Zora ont confié la jeune fille à sa grand-mère, continuant de lutter contre une chasse aux sorcières injuste sur leurs terres rurales.
Babouchka loge sa petite-fille dans une grande maison, sise au sommet d’un immeuble, entourée d’un vaste jardin et évidemment invisible aux Nonsorciers. Tout irait pour le mieux si l’aïeule n’entendait pas forcer la jeune fille à se mélanger aux gens de son âge et à l’envoyer au collège le plus proche.
Zora n’entend pas céder, elle est sûre de son bon droit : tout ce qu’elle veut c’est être une sorcière, un point c’est tout. Mais Babouchka a de l’expérience, et elle use de pouvoirs supérieurs pour neutraliser la magie de Zora et l’envoyer contre son gré au collège. Boudeuse et contrite, Zora découvre un monde nouveau dans l’enceinte de l’établissement de l’enseignement secondaire. Sur ses gardes, surprise désagréablement au départ notamment par les moqueries de ses camarades de classe, elle s’intègre, petit à petit, à une communauté d’adolescents et constate qu’ils partagent tous besoin d’indépendance et nécessité d’amitiés réciproques. De quoi attendrir, un peu, la farouche Zora.
Cette nouvelle série jeunesse sait jouer d’un thème classique ; une sorcière mal à l’aise dans le monde des Nonsorciers, mais loin de se cantonner à une nouvelle version d’une Harry Potter au féminin, « Les Sortilèges de Zora » confrontent intelligemment la jeune héroïne à des adolescents de son âge, en qui, malgré ses préventions, elle se retrouve progressivement.
De quoi développer avec humour et une certaine subtilité de belles thématiques universelles comme l’acceptation de la différence, la nécessité de la transmission entre les générations ou le besoin d’écoute et de partage entre amis à l’adolescence.
Judith Peignen a su créer des personnages aux tempéraments forts, attachants par leur complexité et leur envie de vivre leur passion. Son scénario finement ciselé est mis en images de manière efficace, douce et expressive, par Ariane Delrieu.
Son trait moderne, souple, et coloré, est remarquable dans les séquences de magie quand apparait le havre de paix de Zora et de sa Babouchka : un manoir magique en plein cœur de Paris auquel on accède par une marmite qui monte et qui descend.
Nous retrouverons avec plaisir Zora dans la suite de ses aventures. Le premier épisode laisse de nombreuses pistes ouvertes ; du devenir de ses parents à ses amitiés avec de gentils Nonsorciers, ou de sa relation avec une autre jeune magicienne à l’utilisation raisonnée de ses pouvoirs.
Nul doute que ce riche récit n’a pas fini de nous surprendre.
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Sortilèges de Zora T1 : Une sorcière au collège » par Ariane Delrieu et Judith Peignen
Éditions (11,50 €) – EAN : 978-2-7493-0938-5