Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...L’appel badass de « Dear Call » !
Des monstres fabuleux, un jeune homme ingénu prêt à tout pour progresser et apprendre, des jeunes femmes plantureuses et badass, des armes démesurées, des animaux extraordinaires, et des incantations magiques à tour de bras : voilà tous les ingrédients d’un bon scénario de shonen. Quand, en plus, le dessin suit les derniers canons du genre, tout est là pour obtenir une série à succès.
L’île où vit Sanso est tellement petite qu’elle n’est même pas répertoriée sur les cartes. Le jeune garçon y vit pourtant en compagnie d’étranges amis : Goot, un animal noir petit et débrouillard, ainsi qu’un tigre blanc affublé de deux croissants sur le front, ce qui lui vaut d’être appelé Moon. Son petit paradis est malheureusement dérangé par l’apparition de Rindo : une invocatrice qui lui révèle la vraie nature féroce et maléfique de ses deux compagnons. Mais Sanso ne s’en laisse pas compter et est prêt à tout pour s’intégrer dans ce monde de magie qu’il découvre et, ainsi, protéger et réhabiliter ses amis. Il va donc commencer une quête initiatique au sein de l’invocadémie de Virthday pour se former à l’invocation d’un bestiaire fantastique servant à combattre les forces du mal.
Dès le départ, on sent bien que Kiri Gunchi, le créateur de la série « Dear Call », est de la génération qui a vu émerger le phénomène « Death Note » : son dessin est largement inspiré de celui de Takeshi Obata. Son trait est fin, son encrage impeccablement exécuté, des à -plats noirs sont omniprésents et ses personnages sont à la fois dynamique et stylés. La mise en page est élaborée et reste parfaitement lisible avec un enchaînement de plans d’ensemble, plans américain et gros plans. Et pour le scénario, même topo : on sent que l’auteur a bien appris de la série « Bakuman » du duo Ohba et Obata en créant des personnages forts et une intrigue prenante, parfaitement adaptée a un jeune public qui pourra aisément s’identifier au héros. Parti de rien, il gravira rapidement les échelons, comme cela est courant en manga de type nekketsu.
Kiri Gunchi n’est pas un inconnu, sa trilogie « Le Dilemme de Toki » avait déjà fait parler d’elle lors de sa sortie pour son côté fantastique et son approche novatrice des questionnements des adolescents bien ancrés dans les préoccupations de la jeunesse d’aujourd’hui.
Avec « Dear Call », une série en quatre volumes qui vient d’ailleurs de se conclure au Japon, il se lance dans la fantasy, en mettant au goût du jour des thématiques ayant fait leurs preuves (comme celle de « Pokemon » ou d’« Ushio to Tora », voire le jeu « Final Fantasy »), tout en mixant ça avec des sujets plus contemporains comme dans « L’Atelier des sorciers ».
Pour la couverture de l’édition française, Glénat a troqué le noir profond de la version japonaise pour un papier métallisé. Cela donne un bel effet brillant d’où ressort le visage du héros entouré de Moon, son tigre, ainsi que Goot, sa créature noire, mi-canine, mi-marsupiale. Un dessin somme tout assez sobre, mais qui attire forcément avec son lustre. Au dos, le héros est représenté stylisé, tout en étant immédiatement reconnaissable avec son épée démesurée et sa tenue stylée. Tout au long de l’album, on remarquera d’ailleurs qu’une grande importance est donnée aux vêtements que portent les différents personnages. Les habitants de l’île ont des costumes typiques et néanmoins parfaitement coupés. Les élèves de l’invocadémie, quant à eux, ont des tenues qui semblent taillées par un grand styliste, alors qu’il s’agit d’un simple costume de travail qui devrait avant tout être fonctionnel. Kiri Gunchi l’avoue dans les croquis préparatoires de fin d’album : le foulard qui sert de ceinture est pensé avant tout pour l’esthétique, notamment durant les combats. L’attitude et les cadrages des personnages sont également travaillés au cordeau. Contre-plongée, pose dramatique, réception de saut sans faute, attitude nonchalante au repos : les personnages sont de vrais acteurs d’un film d’action à gros budget sous la plume de l’auteur.
Superbe série fantastique taillée sur mesure pour les adolescents d’aujourd’hui, « Dear Call » en met plein la vue dès sa couverture. C’est stylé, bourré d’actions et l’histoire tient la route. Dans le premier numéro, on ne fait qu’effleurer le sujet, avec quand même une bonne dose d’action et surtout une présentation poussée des protagonistes et des lieux. Il reste encore trois tomes pour étoffer l’histoire et transformer ce récit en une épopée épique. Vivement la suite.
Gwenaël JACQUET
« Dear Call » T1 par Kiri Gunchi
Éditions Glénat (6,90 €) – EAN  : 9782344045800