Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Mise en lumières d’une quête initiatique intrigante dans l’album fantasy « Lightfall »…
Béatrice, n’est pas la muse de Dante, mais une pré-adolescente orpheline et timide qui doit soudainement partir à la découverte d’un monde inconnu, mystérieux et potentiellement dangereux : celui de la planète Irpa. Elle n’a pour seuls compagnons que Cadwaller (un être naïf, mais toujours positif) et une petite fiole qui contient une lumière qui ne s’éteint jamais. C’est le début d’un récit initiatique palpitant et envoûtant.
La planète Irpa est un monde bucolique composé de forêts denses, de clairières et de landes entrecoupées de rivières naturelles et de cascades. C’est dans un petit manoir, à la lisière d’un bois que vit la jeune Béa avec son grand-père adoptif : Alfirid, le cochon-sorcier. Celui-ci a recueilli la petite humaine après la disparition de ses parents. Il la couve, lui apprenant la fabrication de potions avec les éléments naturels collectés dans la nature environnante. Par exemple, pour l’élixir de vitalescence de mademoiselle Obelarbre il faut des baies volettes, des champicules et de la sauge-mousse. Après avoir dit aurevoir à ses animaux domestiques, chat ou lama, Béa part donc dans les bois proches cueillir les différentes plantes demandées mais quand elle revient son grand-père a disparu !
Elle est désespérée, en proie à une angoisse bien compréhensible quand elle trouve le mot d’explication laissé par son aïeul. Il est parti vérifier le sceau du Dormeur sans repos, alors qu’il perd la mémoire ! Il lui demande de ne pas le suivre, car cela est trop dangereux, et surtout de ne jamais perdre de vue la fiole qui contient une flamme qui ne s’éteint jamais. Fort heureusement, lors de sa cueillette, Béa a croisé le chemin de Cadwaller. C’est un membre du peuple des Galduriens.
Cette sorte de grand échalas, sans cou, aux grandes jambes et aux drôles de branchies externes est pour tout dire le dernier représentant de ce peuple autrefois important sur la planète Irpa. Ce guerrier fort mais naïf, sage et toujours optimiste convainc, non sans peine, Béa de partir à la recherche du cochon-sorcier en partie amnésique.
Commence alors pour ce duo improbable une quête initiatique parsemée de dangers, de rencontres, agréables ou dangereuses, et de découvertes de paysages surprenants.
La complicité entre Béa et Cadwaller se développe au fil de leur pérégrination pour se transformer peu à peu en une amitié sincère.
Ils se complètent pour chercher le chemin emprunté par le vieux sage et surmonter les épreuves qui se succèdent sur leur parcours. Et ils ne sont pas au bout de leur peine …
Ce bel et dense ouvrage de plus de 250 pages s’adresse à un public adolescent que ravira ce road-trip initiatique dans un monde fantasy diversifié. C’est la première bande dessinée du New-yorkais Tim Probert. Cet artiste possède multiples casquettes ; illustrateur, scénariste, il est surtout directeur artistique d’un studio d’animation indépendant (Aardman Nathan Love) où il espère pouvoir développer un long métrage autour de l’intrigue de « Lightfall ». Vous pouvez vous faire une idée de ce projet avec ce teaser.
Pas d’esbrouffe graphique avec « Lightfall », mais un trait simple, charmant, un univers campagnard, aux belles lumières contrastées, mis en images de manière sobre et efficace par un auteur sûr de ses effets. Il varie ainsi le fond des pages : blanc pour les séquences calmes, de dialogues ou de méditation, noir lors de combats contre des forces malfaisantes. Cela offre plus de relief aux moments clés d’un récit dont nous ne possédons pas tous les tenants et aboutissants.
Sur une trame très classique, Tim Probert a su construire une quête initiatique originale, inattendue, aux personnages attachants, – leurs caractères sont suffisamment fouillés -, et, avec ce qu’il faut de mystères et de magie dans un monde de fantasy. Le récit et les êtres fantastiques croisés évoquent parfois les films de Hayao Miyazaki ou l’excellente BD jeunesse « Le Veilleur de brumes » dont nous vous avons vantés les qualités sur notre site. Au vu de ses qualités certaines, nous attendons avec impatience le second volume de « Fightfall », le suspense est entier dans ce comics pour adolescents dense et maîtrisé. La balade de ce duo incertain n’est pas terminée, beaucoup de secrets sont encore à révéler, des dangers à surmonter avant que la lumière inonde de nouveau la planète Irpa.
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Lightfall T1 : La Dernière Flamme » par Tim Probert
Éditions Gallimard (19,90 €) – EAN : 978-2-07-515259-4