Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...L’amour est un jeu de bluff avec « Kaguya-Sama Love is War »…
Les mangas sont un vivier inépuisable d’histoires d’amour improbables. Les éditions Pika se sont d’ailleurs longuement penché sur la question, dés leur création, avec des titres emblématiques comme « Ah ! My Goddess » de Kyosuke Fujishima et l’incontournable « Love Hina » de Ken Akamatsu. Plus récemment, le catalogue s’est enrichi de titres comme « Nos précieuses confidences » de Robico ou « The Quintessential Quintuplets » de Negi Haruba. Leur nouveau titre (« Kaguya-Sama Love is War ») ne détonne pas dans ce catalogue rempli de romances sujettes à des aventures rocambolesques où déclarer sa flamme serait une défaite cuisante.
L’école prestigieuse Shûchiin où étudient Kaguya Shinomiya et Miyuki Shirogane est reconnue pour former l’élite de demain. Ces deux membres du bureau des élèves sont secondés dans leurs tâches administratives par Chika Fujiwara : une observatrice externe qui va scruter les relations de ces deux stratèges. En effet, ils se sentent attirés l’un envers l’autre, mais se refusent à se déclarer en premier, car, selon eux : « quiconque avoue ses sentiments perd. » En effet, « si on veut rester digne en amour, il ne faut pas être un perdant ! », car « l’amour est une guerre » et déclarer sa flamme en premier équivaut à accepter de se faire exploiter moralement par celui qui accepte de répondre à cet amour : une vision bien tordue des sentiments amoureux. Vision qui est plus guidée par l’inexpérience criante des deux tutoraux. La situation est cocasse, ce qui fait qu’après s’être fréquenté durant plus de six mois, personne n’a sauté le pas et avoué son penchant pour l’autre. Ainsi débute l’histoire qui va maintenant se focaliser sur une bataille intellectuelle pour faire en sorte que personne ne craque trop rapidement.
Ainsi, chaque chapitre va dorénavant être un jeu où les deux adversaires vont essayer de faire avouer l’autre sans lui-même se déclarer. Tous les stratagèmes sont bons : idée de séjour à la plage forcément affriolant, cinéma à deux, réunion en tête-à-tête, pause café… Chaque situation étant analysée minutieusement par les deux protagonistes concernés. Leurs pensées, exposées au fil des pages, sont assez tordues tellement cet examen des probabilités de déclaration est bien amené. L’autrice s’amuse avec ses personnages. Ce sont des pantins au service d’une joute intellectuelle, véritable guerre froide de l’amour où finalement personne n’en sort gagnant : du moins, pour le moment.
Si le scénario est assez bien construit et offre une grosse dose de lecture, avec ces nombreuses pensées qui s’entrecroise de case en case, le dessin soufre d’une anatomie souvent approximative et d’une grande raideur. Le trait d’Aka Akasaka, toute en finesse, manque de rondeurs et d’un encrage plus vigoureux. Malgré ce léger défaut, la mise en page dynamique rend le récit prenant. On a envie de savoir quelle histoire va invoquer Kaguya ou Miyuki pour contrer les avances de l’autre et ne pas se déclarer en premier : un contre-pied amusant et décalé des romances habituelles.
Nouvelle série phare des éditions Pika, « Kaguya-Sama Love is War » fait déjà un tabac au Japon en étant la 9e meilleure vente, tous volumes confondus, de l’année 2019. Elle devance quand même « Moi, quand je me réincarne en slime », mais est dépassée par les blockbusters actuels du manga : 1er « Demon Slayer », 2e « One Piece », 3e « Kingdom », 4e « The Promised Neverland », 5e « The Quintessential Quintuplets », 6e « My Hero Academia », 7e « L’Attaque des titans » et 98e « Haikyu, les as du volley ». Les couvertures très chaleureuses doivent jouer dans le capital sympathie de la série. C’est également une aventure où chaque chapitre, même s’il y a un semblant d’histoire à suivre, peut être lu de manière décousue sans réellement perdre le fil de l’histoire.
Si vous aimez les romances un peu tordues, vous apprécierez sûrement de suivre les péripéties amoureuses de Kaguya et Miyuki. Une véritable plongée dans l’esprit compliqué d’une élite bien naïve.
Gwenaël JACQUET
« Kaguya-Sama Love is War » par Aka Akasaka
Éditions Pika (7,20 €) – EAN : 9782811662912