Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Des jeunes filles de caractères prêtes à défendre un monde en péril : bienvenue dans l’univers de la scénariste Carbone…
Depuis quelques années, Bénédicte Carboneill – alias Carbone – livre avec une régularité impressionnante des scénarii de bandes dessinées pour la jeunesse dans lesquelles s’épanouissent des héroïnes volontaires. Elle excelle pour les séries réalistes comme « Dans les yeux de Lya » ou avec des parties fantastiques comme « La Boite à musique » et maintenant avec « La Sentinelle du petit peuple » ou « Rainbow Girls ». Nous nous sommes intéressés à ces deux dernières publications tout juste arrivées en librairies.
Dans un pavillon ordinaire de banlieue, l’adolescente Élina et sa mère viennent d’arriver pour aérer les pièces et prendre soin du jardin. Adélaïde, la grand-mère d’Élina, s’est cassée le col du fémur et a été placée en maison de repos. La jeune fille prend soin du chat et confectionne un beau bouquet pour son aïeule avec les fleurs qu’elle trouve derrière la maison.
Arrivée dans sa chambre médicalisée, Élina offre ces quelques fleurs à Adélaïde. D’abord heureuse de retrouver sa petite-fille, la grand-mère prend peur en voyant une grande fleur bleue au milieu du bouquet. Elle s’écrit : « Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas possible ! Vite, vite, il faut y aller ! Oh mon dieu ! Oh mon dieu ! Llyam ! Llyam ! Llyaaam ! ». Profitant de la sortie de sa fille partie chercher l’aide du personnel soignant, Adélaïde confit un lourd secret de famille à Élina.
Ce secret est si lourd qu’elle ne pouvait le confier à sa fille qui qualifie ses propos d’élucubrations : elle serait la sentinelle d’un petit peuple d’être féériques, garants de l’équilibre de la planète, rien de moins ! Elle demande à Élina de la croire bien vite car la fleur bleue est un message de détresse lancé par le lutin Llyam.
Rentrée dans le pavillon de sa grand-mère, Élina court au grenier pour trouver dans un vieux grimoire la recette de la pommade de fée. Elle la confectionne du plus vite qu’elle peut puis elle en met sur ses paupières. Quand elle ouvre les yeux, c’est pour découvrir que tout son espace est peuplé d’êtres magiques, invisibles pour les autres humains.
Commence alors pour Élina une enquête en tout point extraordinaire : aidée de Llyam et de la petite fée Nelvyna elle part à la recherche de l’ondine du lac qui a disparu.
Son enquête est difficile mais elle fera d’elle la nouvelle sentinelle du petit peuple.
Son apprentissage auprès de sa grand-mère ne fait que commencer, en dissimulant toujours ses nouveaux pouvoirs à sa mère, rétive à tout ce que peut dire sa propre mère.
La trame de ce récit d’initiation féérique ressemble à celle de « La Boîte à musique » : ces deux séries sont scénarisées par Carbone qui aime, dans ses histoires pour la jeunesse, développer des mondes merveilleux, parallèles au notre dans lequel de jeunes héros accomplissent des missions de plus en plus périlleuses.
De quoi mettre au premier plan les valeurs de l’amitié, de l’entraide, de la transmission entre les générations et surtout de la bienveillance.
Le dessin dynamique, tout en rondeurs colorées de Charline Forns participe au charme envoûtant de cet album. Difficile de ne pas s’attacher aux personnages principaux de ce qui s’annonce comme une nouvelle série à succès de Carbone.
Nous la retrouvons au scénario de « Rainbow Girls » : une bande dessinée au petit format destinée à un public, autour de dix ans, plus jeune que celui de « La Sentinelle du petit peuple ». C’est l’histoire de trois collégiennes, Gwen, Lisa et Mel, qui doivent faire un exposé ensemble. Ce qui semble déjà assez compliqué, car l’entente ne règne pas entre elles trois. Mais, arrivées chez Gwen, elles s’aperçoivent vite que Lulu, la grande sœur de Gwen, a mystérieusement disparue.
Elles se lancent alors à sa recherche. Leur enquête les mène à une inquiétante serre dans laquelle un savant fou cultive des plantes carnivores. C’est après avoir été mordues par cette plante que les filles développent chacune un super pouvoir différent : les Rainbow Girls sont nées !
Dans ce petit album au rythme soutenu nous suivons d’abord les héroïnes dans une enquête réaliste, à la recherche d’une grande sœur disparue. La deuxième partie est plus fantastique et voit la naissance de super-héroïnes françaises sympathiques, motivées avec les qualités et les défauts des adolescentes du même âge. Le dessin vif, cartoonesque de Hélène Canac est en adéquation avec l’âge des lectrices qui apprécieront les aventures sans temps mort de filles qui leur ressemblent et en qui elles peuvent facilement s’identifier.
Bénédicte Carboneill a d’abord été professeur des écoles, directrice de maternelle avant de se lancer dans l’écriture. De parutions pédagogiques en projets pour les élèves, elle devient éditrice, directrice de collection mais aussi autrice et bientôt scénariste de bandes dessinées sous le pseudonyme de Carbone. Nous vous avons déjà entretenu dans cette rubrique d’excellentes séries comme « La Boîte à musique » ou « Dans les yeux de Lya ».
On retrouve dans ses derniers albums son imagination fertile pour créer de nouveaux univers et surtout son humour et son attention aux caractères de ses jeunes héroïnes ; jamais parfaites, doutant toujours d’elles-mêmes mais volontaires, elles s’affirment en surmontant différentes épreuves. Ce sont des « feel good » BD, comme on parle de « feel good movie » pour des films à l’issue desquels on se sent bien, rasséréné par la bien être retrouvé des personnages. On se sent forcément bien à la fin de la lecture d’un album scénarisé par Carbone, séduit par leurs charmes et la bienveillance qui s’en dégage.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« La Sentinelle du petit peuple T1 : La Pommade de fée » par Charline Forns, Véronique Barrau et Carbone
Éditions Dupuis (12,50 €) – ISBN : 979-1-0347-3814-4
« Rainbow Girls T1 : Sauvons Lulu » par Hélène Canac et Carbone
Éditions Dupuis (9,90 €) – ISBN : 979-1-0347-5304-8
« La Sentinelle du petit peuple T1 : La Pommade de fée » par Charline Forns, Véronique Barrau et Carbone vient d’être justement récompensée par le prix des écoles au dernier festival d’Angoulême. Une belle récompense d’un jury composé d’élèves de l’école primaire pour une bande dessinée inventive et délicate.