Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Le grand retour du western !
Sous-titré « Noir comme la nuit, rouge comme le sang », le premier volet de la trilogie « Deadwood Dick » inaugure un western savamment travaillé en noir et blanc et adapté des romans de Joe R. Lansdale. À l’heure où le western revient en force chez les éditeurs, celui-là tranche par son volume (120 planches par tome), son ton décalé et, surtout, la couleur de peau de son héros…
On l’oublie bien souvent – parce que westerns américains ont tout fait pour ça -, mais de nombreux cow-boys étaient noirs. Inspirée de l’histoire vraie d’un certain Nat Love, cette nouvelle série évoque précisément le quotidien des cow-boys noirs. Celui qui raconte s’adresse directement au lecteur, le prend à parti, crument quelquefois. Il sait qu’Indiens et Noirs sont mal placés dans cette Amérique. Comme il le dit, lui, le nègre qu’il est n’a rien contre les Indiens, sauf contre ceux qui essaient de le descendre !
En fait, Nat Love n’est plus le cow-boy travaillant dans une ferme. Pour se protéger d’un patron Blanc et de son racisme primaire, passant de « nègre en fuite condamné au lynchage », il n’avait d’autre solution que de s’engager dans l’armée. Nat nous raconte comment il en est arrivé là et pourquoi, dès les premières planches, on le voit se battre à la vie à la mort avec un Indien. En fait, au début, c’est surtout sa rencontre avec un autre Noir qu’il évoque, lequel était majordome chez un petit maitre esclavagiste.
Au fort où on les engage, Nat hérite d’un cheval impétueux qui ne manque pas de secouer son cavalier, mais ce qui l’attend est de loin plus dangereux car tous deux devenus soldats, nous les suivons en opération. D’autant plus aisément que le dessin de l’Italien Corrado Mastantuono est d’un réalisme remarquable. Sa maitrise du noir et blanc force l’admiration et son sens du mouvement également. Paysages ou scènes d’action sont tout autant réussis. De beaux crayonnés agrémentent en outre le dossier final sur « Deadwood Dick entre mythe et réalité », 14 pages d’interview du romancier américain qui comptent aussi des photos d’époque. L’auteur y révèle ses sources d’inspiration, notamment les mémoires laissés par Nat Love ou la vie du shérif Bass Reeves ou bien encore Wild Bill Hiclock…
Ce dernier est au cÅ“ur du premier diptyque de « Wild West » de Lamontagne et Gloris, chez Dupuis, diptyque qui retrace l’histoire de Martha Cannary, avant qu’elle ne devienne Calamity Jane.
Dans un réalisme graphique appuyé et réussi, le monde du western, violent et sans état d’âme y est parfaitement restitué.
La future Calamity Jane prend vie sous nos yeux, en femme indépendante, mais soumise à la cruauté masculine dans un monde de saloons où le proxénétisme impose sa loi.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’actuellement, le western est à l’honneur chez les éditeurs. Notamment avec la série « West Legends » chez Soleil qui se consacre aux grands noms de l’épopée américaine. On y trouve déjà Wyatt Earp, Buffalo Bill, Billy the kid, Sitting Bull…
Pour en revenir à la Guerre de Sécession présente dans « Deadwood Dick », signalons « Ennemis » T1, signé Tristan Josse et Kid Toussaint, chez Grand Angle.
En Virginie, en juin 1862, devant l’inertie de son général, le nordiste Philip St George Cooke met sur pied un escadron de sept hommes aux caractères très différents, qu’il envoie à la poursuite du confédéré Jeb Stuart et sa cavalerie.
La galerie de personnages, des soldats finalement peu exemplaires et qui ne s’apprécient guère, donne très vite à cette équipée des allures de défi impossible.
Ce sont quelque part des électrons libres, torturés, imprévisibles, ce qui donne forcément du sel à cette intrigue très mouvementée. Enfin, le dessin est vif, caricatural, et ajoute à l’atmosphère un peu déjantée.
Didier QUELLA-GUYOT
[L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook.
(1) Pour en savoir plus sur Corrado Mastantuono, voir Corrado Mastantuono.
« Deadwood Dick T1 : Noir comme la nuit, rouge comme le sang » par Corrado Mastantuono et Michele Masiero, d’après Joe R. Lansdale
Éditions Paquet (13,50 €) – EAN : 9782889321315
Le western n’en finit jamais de revenir! Très alléchant ce « Deadwood »…