Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Nouvelle salve de fumetti chez Swikie !
Nous avons récemment parlé de la récente maison d’édition indépendante Swikie, encore peu connue, qui tâche de présenter en France six fumetti des éditions Bonelli dans leur format de poche et présentation d’origine : « Nathan Never », « Lukas », « Brad Barron », « Napoleone », « Lilith » et « Gea ». Seuls les deux premiers numéros de chaque série étaient alors parus. (1) À l’occasion de la publication des n° 3 de ces séries, nous vous proposons, aujourd’hui, une présentation du nouveau numéro de « Nathan Never », ainsi que des trois numéros de la série « Lukas » par Michele Benevento, Luca Casalanguida, Massimiliano Bergamo et Michele Medda.
« Opération Dragon » — dessin Stefano Casini (couverture Claudio Castellini), scénario Bepi Vigna — est la traduction de Nathan Never n° 3 : « Operazione Drago », paru chez Bonelli en août 1991.
Dans un premier chapitre, Nathan Never assurait avec peine un statut de héros. Censé être le garde du corps d’un androïde témoin d’un meurtre, voilà que c’était en définitive l’androïde qui devenait le sien et, de surcroît, qui débrouillait pas mal une enquête à sa place. Ensuite, il se trouvait malmené entre deux fanatiques s’arrachant de façon sanglante l’ultime copie de « 2001 ». (2)
Cette fois, il est question pour lui de montrer ses talents en arts martiaux. Dans un remake assumé d’une scène du film « Opération Tonnerre » (quatrième « James Bond »), un malandrin de haut vol s’empare d’un virus épouvantable pour de sombres projets. Seul moyen d’entrer dans son impénétrable forteresse et tenter de dénicher le redoutable objet du délit : s’inscrire à un concours d’arts martiaux annuel devant s’y dérouler.
S’amorce une succession de scènes faisant découvrir tour à tour les différents prétendants au titre, avec immanquablement quelques coups bas et perfidies sous-jacents comme il convient. Chacune de ces rencontres dresse un portrait de l’un des personnages de cette galerie, pour l’un champion déjà à l’aise et sûr de lui souhaitant venir ici entrer définitivement dans la légende, pour l’autre lutteur frustré en mal de reconnaissance, enfin jeune femme égarée dans cette histoire-ci à la recherche d’un frère embringué dans cette embrouille-là .
Le scénariste place donc l’épisode sous l’égide du thème bien à la mode du sport dit de combat. Il revient surtout sur un thème déjà rencontré dans le premier épisode, la confusion des genres entre biologie et cybernétique. Une nouvelle fois, les cerveaux humains se reprogramment à loisir comme ceux des machines, ici grâce à un jeu sur les deux sens de ce qu’est un « virus », tant pathogène qu’informatique, en l’occurrence celui volé en ouverture du récit. Prototype d’une nouvelle race vouée à être supérieure, un collaborateur du projet pas vraiment volontaire se voit ainsi reprogrammer le cerveau bien malgré lui pour devenir un participant de plus au tournoi. Dénouement dans le numéro à venir.Lukas
Lukas est un personnage imaginé par le scénariste Michele Medda et le dessinateur Michele Benevento, aidés d’autres dessinateurs des éditions Bonelli : Luca Casalanguida, Massimiliano Bergamo, Frederic Volante, Andrea Borgioli et quelques autres.
La série compte deux fois 12 épisodes publiés en Italie : Lukas de mars 2014 à février 2015 et Lukas Reborn de mars 2015 à février 2016.
« Deathropolis » — dessin Michele Benevento (couverture Michele Benevento et Lorenzo De Felici), scénario Michele Medda — est la traduction de Lukas n° 1 : « Deathropolis », paru chez Bonelli en mars 2014.
« Predator » — dessin Luca Casalanguida (couverture Michele Benevento et Lorenzo De Felici), scénario Michele Medda — est la traduction de Lukas n° 2 : « Predator », paru chez Bonelli en avril 2014.
« Sacrifice » — dessin Massimiliano Bergamo (couverture Michele Benevento et Lorenzo De Felici), scénario Michele Medda — est la traduction de  Lukas n° 3 : « Sacrificio  », paru chez Bonelli en mai 2014.
Lukas a des ennuis avec son identité. Il surgit nuitamment d’un casier de funérarium, chose curieuse dont il semble aussitôt s’accommoder. Il ignore son nom, ne reconnaît pas son visage, et adopte au hasard son appellation de Lukas. Il découvre vite qu’être né d’un cimetière présente des avantages. Renversé par une voiture, il se relève sans dommage ; recevoir un coup de couteau dans l’abdomen ne l’affecte en rien.
Lukas-né-d’un-tombeau parcourt la ville, sans savoir qui il est et sans trop se préoccuper de savoir ce qu’il est. La ville, justement, mégalopole qui paraît très normale avec sa nuit, ses immeubles vitrés, ses boulevards et ses feux rouges, ses bars encore ouverts le soir, ses noctambules, ses délinquants.
Suivant les déambulations de son personnage, Michele Medda révèle pourtant, comme un sinistre théâtre de l’étrange, que derrière la ville réelle et sa population commune existent une population moins ordinaire et un arrière-monde sensiblement détraqué.
Dans cet univers d’autre réalité et de violence, des ressuscités sans foi ni loi sont possédés par une faim vorace et semblent à l’évidence considérer que mieux vaut être le prédateur que la victime ; une matrone fellinienne en son palais jette à ses serviteurs sanguinaires des humains comme on jette l’os à ses chiens ; une étrange usine nocturne et clandestine recrute des indigents pour vider les morts de leurs entrailles et y substituer des choses inconnues ; un restaurant huppé mijote et sert de la viande humaine en ragoût à sa clientèle de connaisseurs ; une vieille dame typique de tout immeuble élève chez elle d’immondes insectes démesurés et leurs larves qu’elle nourrit de ses visiteurs. Par ailleurs, un bien mystérieux « directoire », composé de guère recommandables personnages un tantinet cannibales, commence à dévoiler son existence, paraissant jouer un rôle dans l’énigmatique retour de Lukas et autres ressuscités.
Contraste, Lukas est un « réveillé » pétri de bons sentiments qui, de ses pauvres moyens, tente d’éradiquer au moins une part des noirceurs de cet autre monde et part en chasse des êtres crépusculaires que leur faim post-mortem pousse à la dévoration des vivants dans la rage et la férocité. Il croise, inconscientes de ces monstruosités, de lumineuses figures féminines blondes représentant, tout comme lui, ce qu’il peut y avoir de bon dans ce théâtre du deuil et de la folie.
Les dessinateurs Michele Benevento et Luca Casalanguida excellent dans la peinture de cet univers de nuit, jouant sur un noir & blanc somptueux. Sous un ciel d’encre, ils cisèlent leurs visions de la ville dans sa dimension nocturne avec ses immeubles aux quelques vitres éclairées, son parc enténébré avec ses rambardes de pierre et sa statue équestre, ses chantiers périphériques.
Des cartouches au fond noir et aux caractères blancs viennent renforcer le caractère funèbre.
Patrice DELVA
(1)  Voir Les éditions Swikie : une nouvelle tentative de traduire et publier des héros Bonelli en France….
Plusieurs vidéos sur YouTube sont consacrées à ces éditions :
https://www.youtube.com/watch?v=Jpe8fJcUX_E
https://www.youtube.com/watch?v=nPIgle1FB10
https://www.youtube.com/watch?v=dx_lkeLH4Hs.
(2) Dans ce même article, nous avons proposé une étude sur les deux premiers numéros de « Nathan Never » : série la plus connue en France pour avoir auparavant fait l’objet de publications francophones parmi lesquelles cinq albums chez Glénat entre 1993 et 1995.
Rappel :
Glénat n° 3 : « Nathan Never » n° 1-5-6
Glénat n° 6 : « Nathan Never » n° 7-8-9
Glénat n° 12 : « Nathan Never » n° 13-18-19
Glénat n° 15 : « Nathan Never » n° 14-15-20
Glénat n° 19 : « Nathan Never » n° 21-27-29
Fantask 2e série n° 1 : numéro inconnu (récit complet de 14 pages)
Fantask 2e série n° 2 à 4 : Nathan Never n° 2
Swikie n° 1 : Nathan Never n° 1
Swikie n° 2 : Nathan Never n° 2
Swikie n° 3 : Nathan Never n° 3
(Source : Blackpuma du site Pimpf) : https://www.forumpimpf.net/viewtopic.php?p=1111431#p1111431.
Vous voulez surement parler d’OPERATION DRAGON avec Bruce LEE et non d’OPERATION TONNERRE le James BOND avec Sean CONNERY.
Bonjour Serial,
Le détournement de l’avion et la façon dont le virus est volé sont bien inspirés, en beaucoup moins développés, de la séquence du vol d’armes atomiques dans « Opération Tonnerre », vers la trentième minute.
Bonne journée.
Patrice Delva
« Seul moyen d’entrer dans son impénétrable forteresse et tenter de dénicher le redoutable objet du délit : s’inscrire à un concours d’arts martiaux annuel devant s’y dérouler. »
C’est le scénario d’OPERATION DRAGON » , idem pour « S’amorce une succession de scènes faisant découvrir tour à tour les différents prétendants au titre » , John Saxon, Jim Kelly etc…
Mais je n’ai pas encore lu le NATHAN NEVER, je me fit juste a votre résumé.
Bonne soirée.
Ah d’accord. Merci pour l’information.
N’ayant pas vu le film, je n’avais pas fait ce rapprochement.
On peut d’ailleurs établir d’autres allusions. L’un des malfrats apparaissant au début est looké « Orange mécanique ». Et le n° 2 est un hommage à « 2001″.
Bonjour
Bien, c’est excellent d’en parler, mais j’attends toujours, Tex et Zagor , je reste fidèle aux meilleurs c’est ma faiblesse.
Bonne journée
Bonjour Patrick,
« Tex » et « Zagor » ont déjà été amplement traduits et publiés en français. « Martin Mystère » et « Dylan Dog » un peu moins, et « Nathan Never » encore moins.
Les cinq autres séries publiées par Swikie sont tout à fait inédites en français.
D’où l’intérêt que cette édition peut présenter.
N’oubliez pas Nick Raider !
Merci pour cet article, j’espère que ça leur apportera plus de lumière!
Moi aussi j’adore Tex, Zagor etc…et j’aimerais bien que ça sorte. Mais ça ne m’empêche pas de prendre ces excellentes séries ! Et si celles-ci ne se vendent pas, nous ne sommes pas près d’en avoir d’autres! Donc, ne faisons pas non plus la fine bouche (surtout que ces histoires sont vraiment de qualité !)
J’adore Tex et Zagor, mais là ce sont surtout des séries plus récentes et modernes qui nous sont proposées. J’ai vraiment aimé les récents Lukas et Lilith qui valent le détour et Nathan Never qui reste un classique du genre très sympa. Brad Barron est plus classique mais efficace dans son genre. Bref, j’espère que cet éditeur va poursuivre longtemps ses publications !
Bonjour,
Pour ma part, je redoute précisément que ces publications ne durent guère.
Je ne connais pas leur politique commerciale, mais ils ne sont visibles quasiment nulle part. Aucun libraire ne les connaît. Il n’y a juste que dans trois vidéos sur YT et sur BDZoom et sur Pimpf que l’on parle d’eux. Cela touche combien de personnes ?
C’est peut-être à chacun d’essayer de les faire connaître.
Oui c’est certain que pour le moment ils ne sont pas visibles. Le fait de parler d’eux dans des forums ne pourra que les aider. Après je ne sais pas si cela sera suffisant. Mais bon la tentative est suffisamment sympathique pour que je fasse l’effort !
Bonjour Titoumb,
Comme vous le savez, c’est Stradlin, forumeur du site Pimpf – que vous connaissez – qui a découvert Swikie entièrement par hasard alors qu’il faisait une recherche sur Glénat ou quelque chose de ce genre.
https://www.forumpimpf.net/viewtopic.php?p=1116846#p1116846
Et c’est cela qui a permis, de fil en aiguille, qu’on en parle ici.
Quand on y pense, c’est assez ahurissant.
Oui c’est assez dingue, j’avoue ! A part un peu de you tube et quelques sites spécialisés, personne ne connait cet éditeur. J’ai demandé à un libraire spécialiste de la BD à Toulouse (et franchement pointu) s’il les connaissait. Vous imaginez sans peine la réponse…
Bonjour !
Si j’ai bien compris leur démarche, les gens de chez Swikie ont basé leur économie en se passant tout simplement de l’intermédiaire des librairies, sauf pour celles qui leur commandent directement leurs productions : un système comme un autre, et qui est peut-être rentable ?
L’avenir nous le dira…
Bien cordialement
Gilles Ratier
Bonjour,
Un article sur Swikie dans Zoo.
https://zoolemag.com/actualites/articles/2021/02/1185-retour-de-la-bande-dessinee-de-poche-avec-la-maison-d-edition-swikie