Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Ambiance angoissante dans un New-York postapocalyptique peuplé d’étranges créatures…
On ne sait pas ce qu’il s’est passé, mais la vie semble avoir quitté la métropole états-unienne. Quelques adultes pratiquement réduits à l’état de zombies errent dans les rues en quête de nourriture. Seuls quelques groupes d’enfants tentent de s’opposer à d’étranges créatures marines qui émergent, parfois, d’une brume verdâtre. Que veulent-elles et comment un groupe désuni d’enfants pourra-t-il les vaincre ?
Le récit s’ouvre dans un appartement délabré. Une mère neurasthénique se désintéresse de son petit garçon aux yeux étrangement rouges. L’ambiance est pesante, des dessins inquiétants du jeune enfant ornent les murs, alors que l’on a aperçu une étrange brume venir le titiller. Dehors, ce n’est pas mieux, des carcasses de voitures rouillées gisent dans les rues que de mauvaises herbes envahissent. Plus loin, des paquebots se sont échoués, des ponts se sont écroulés, la ville agonise sous le ciel noir d’un puissant typhon.
Quelques êtres ont survécu à une catastrophe dont on ignore tout. Ce sont des enfants qui se sont assemblés par groupes épars. Là, sur le toit d’un ancien autobus scolaire, Chief, un jeune latino-américain et La Crado, une fille qui n’a pas froid aux yeux, épient Vanille qui rentrent chez elle en poussant un caddie empli de provisions.
Les deux premiers cités préparent un mauvais coup : ils veulent subtiliser à la jeune métisse sa réserve de nourriture. Ils la suivent jusqu’à son appartement bunkerisé où résident son jeune frère et sa mère aperçus au début de l’album. C’est le début d’une aventure chorale dont le lecteur ne maitrise pas encore tous les tenants et aboutissants.
En effet, de la rivière toute proche, sous un ciel de tempête glauque, surgit alors une sombre créature humanoïde avec des tentacules partant de la tête, sorte de Cthulhu miniature à la Lovecraft. Elle maintient sous son emprise les adultes encore présents.
Son armée de zombies encercle la famille de Vanille. Elle souhaite visiblement faire prisonnier Minus, le jeune garçon aux étranges pouvoirs.
Pendant ce temps, Chief et La crado rejoignent dans leur base souterraine Testo et La Taupe, deux frères avec qui ils forment un groupe d’entraide.
Une question se pose à eux : seront-ils plus forts en intégrant Vanille et Minus ?
Une seconde arrive juste après : doivent-ils écouter le grand-père de Testo et La Taupe qui annonce la survenue d’une nouvelle grande nuit, pendant laquelle : « tout le monde va vriller : enfants comme adultes » ?
Une bande dessinée jeunesse dans laquelle des enfants survivent par groupes dans un monde postapocalyptique sans adulte, cela évoque immanquablement la cultissime série « Seuls » de Fabien Vehlmann et Bruno Gazzotti.
Avec « Créatures », nous sommes dans une BD fantastique d’un autre genre : ce qui prime c’est une ambiance inquiétante, prenante et poisseuse, un ciel lourd comme un couvercle qui menace constamment les protagonistes.
Ceux-ci comme le lecteur ignorent de quel côté peut venir le danger : des autres enfants ? des adultes réduits à l’état de légume ? de créatures hybrides aquatiques ? d’un ciel étrange toujours menaçant ?
Ce premier volume intrigue. Sur 72 pages, les bases narratives de la série sont posées ; une dizaine de personnages aux caractères bien différenciés se croisent, se jaugent et se battent pour survivre au quotidien. D’ailleurs une des forces de ce volume introductif est de bien différencier les groupes en présence. Les quatre jeunes sans adultes semblent avoir fait le deuil du monde d’avant.
On sent poindre chez les plus âgés l’envie de dominer, de diriger le groupe, mais les autres ne l’entendent pas ainsi. La sourde lutte de pouvoir n’empêche pas la bonne entente nécessaire pour subsister dans une ville en ruine. Vanille, de son côté est plus qu’une grande sœur pour son jeune frère. Elle prend aussi très au sérieux un rôle de mère pour le tout jeune Minus ainsi que pour sa propre mère qui est devenue une charge pour ses enfants.
Si le scénario de cette série dystopique reste classique, Stéphane Betbeder réussit à surprendre par son habileté à croiser le parcours des personnages et à entretenir un climax angoissant tout au long d’un récit qui recèle encore bien des mystères. Le dessin semi-réaliste, dynamique et précis, du Canadien Djief (Jean-François Bergeron) met en valeur décors et ciels ténébreux à l’aide d’une gamme colorée étonnante et percutante.
La suite attendue de cet album introductif ne devrait pas tarder, on peut la découvrir en ce moment dans l’excellent magazine Spirou.
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Créatures T1 : La Ville qui ne dort jamais » par Djief et Stéphane Betbeder
Éditions Dupuis (12,50 €) – ISBN : 979-1-0347-3820-5
Si la bande dessinée est aussi le reflet de son époque, on a pas fini de voir défiler des bandes saturées d’angoisse et de peur, rapport bien évidemment à notre sympathique période masquée! Cela peut être un exhutoire, une sorte d’exorcisme, mais à goûter avec modération!
_ Bonjour …
il s’agit d’une bd qui visse les jeunes lecteurs , c’est clair … quoi que certains parents soient
capables de trouver cette bd trop “ gore ” et “ traumatisante ” pour leur oisillons ^^