Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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« Ballade pour Sophie », signée des Portugais Juan Cavia et Filipe Melo, est un titre qu’on ne comprend qu’au bout des 300 pages d’une passionnante et curieuse histoire à tiroirs qui prouve qu’on peut rater sa vie en la réussissant. Ainsi en est-il du héros qui rêvait de faire carrière de pianiste classique et qui, sous la pression des événements, est finalement devenu artiste de variété à succès. Il y a pire, c’est vrai, mais c’est tout le drame de Julien dont la vie s’est réorientée dès 1933, lors d’un concours où deux jeunes pianistes de dix ans participent à la compétition : lui, Julien Dubois, et Frédéric Simon…
C’est Julien Dubois que vient voir, en 1997, la jeune journaliste Adeline Jourdain. Dubois n’est pourtant pas du genre à accepter les interviews. Il est vieux, bougon, désagréable. Pourtant la jeune femme va se faire accepter, le faire parler et l’amener à raconter sa vie pleine de secrets, de terribles secrets ! Cela a commencé lors de ce concours local. Si Julien est né dans une famille fortunée, Frédéric Simon, lui, son concurrent, est le fils d’un technicien employé dans un théâtre, un gamin autodidacte et génial qui, ce jour-là , aurait dû gagner le concours…
Peu à peu, les confessions s’accumulent. Julien Dubois règle ses comptes avec son passé et avec ceux qui l’ont manipulé, notamment avec ce professeur de piano, ami de sa mère – sacrée matrone ! -. C’est cet homme dont julien n’a retenu que le faciès de bouc (extraordinairement dessiné comme tel tout au long du récit) qui le pousse à jouer des partitions lénifiantes pour rencontrer le succès.
Au terme  de l’album, l’image de Julien Dubois a complètement changé, le récit distillant, chapitre après chapitre, son lot de révélations qui explique comment Julien Dubois est devenue la vedette Éric Bonjour, pianiste enchainant les tubes. Entrainé dans la spirale du succès, Julien Dubois n’oublie pourtant jamais Frédéric Simon qui, lui, n’a pas eu la carrière qu’il méritait. Tout les a continuellement opposés, leurs routes se recroisant régulièrement. Le bilan est terrible : une vie réussie est quelquefois totalement ratée ; une vie ratée cache parfois mille réussites… Qui a gagné dans l’affaire ? Qui s’en sort grandi ?
Cette histoire romanesque et forte, touchante et troublante, toujours captivante, est qui plus est portée par un trait anguleux éblouissant, saisissant les visages, les mimiques, avec une incroyable efficacité. La couleur est également particulièrement séduisante. C’est un plaisir visuel constant que de vaquer dans la vie de ces personnages. Bref, c’est là un magnifique album pour commencer l’année…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Ballade pour Sophie » par Juan Cavia et Filipe Melo
Éditions Paquet (27 €) – EAN : 9782889369874
Un peu onéreux mais 300 pages de bonne bande dessinée comme vous le dites apparemment et en histoire complète sont assez tentants…